(Absence de) foie de canard. — À la pause café de ce matin, une discussion sur l'homéopathie. Ce qui m'impressionne le plus dans ces conversations sur les vertus du rien durant lesquelles j'ai à chaque fois le plus grand mal à garder mon sang-froid (mais je me soigne), c'est cette croyance selon laquelle l'homéopathie est synonyme de médecine par les plantes, de phytothérapie, alors que ce n'est pas du tout ce qui la caractérise. Ils prennent leur petite granule sans connaître — ou en connaissant mal — les principes sur lesquels repose ce charlatanisme médical.
« Si tu es grippé, tu devrais prendre de l'Oscillococcinum®, comme Wynka ! s'exclame Sylvette avec le sourire.
— Ben voyons !
— Du foie de canard, déclare Charlotte.
— Hein ?
— L'Oscillococcinum® est un produit à base de foie de canard.
— Tu rigoles ? lâche Lodewijk.
— D'un autre côté, ce n'est pas si grave, vu qu'il n'y a plus de foie de canard dans la solution finale ! »
Digression. — Au cœur de l'homéopathie se trouve le principe de similitude, la croyance que l'on peut guérir un malade en lui faisant ingurgiter une substance, d'origine végétale, minérale ou animale, qui provoque sur un organisme sain des effets similaires à sa maladie (d'où le préfixe homéo). À ce premier principe s'ajoute celui de dynamisation : vu que l'homéopathie joue avec des produits nocifs pour la santé humaine, il faut les diluer pour en supprimer la toxicité, tout en essayant d'en garder une trace. Il existe deux grandes méthodes de dynamisation utilisées aujourd'hui par les laboratoires homéopathiques (comme Boiron) : la première consiste à verser une certaine proportion de la substance active (la « teinture-mère ») dans un flacon de solvant, puis à vigoureusement secouer ledit flacon, puis à renouveler l'opération plusieurs fois, c'est-à-dire : prélever une partie de ce qui vient d'être secoué et la diluer à nouveau dans du solvant, secouer, etc. Ce type de dilution se compte souvent en CH (pour « centésimale hahnemannienne »), 1 CH équivalant à une goutte de substance active pour 99 gouttes de solvant, soit 1% de substance active, 2 CH à 0,01% de substance active, 30 CH à... du solvant sans substance active (voir ici). La seconde méthode est appelée méthode Korsakov ou encore méthode « Pourquoi s'emmerder à utiliser plusieurs flacons et à compter les gouttes pour fabriquer du rien ? » : plutôt que de prendre une goutte du flacon secoué et de la diluer dans un autre flacon, on vide ce flacon avant de le remplir de solvant (!), ce qui équivaudrait grosso modo à garder un centième de la substance. Ensuite on réitère l'opération un certain nombre de fois. Enfin, reste le principe d'individualisation (ou d'adaptation), qui stipule que chaque malade est unique et qu'il faut adapter le traitement en prenant en compte tout son environnement, ses symptômes, son vécu, etc. Les patients ne peuvent pas prendre du rien tout seul, non, non, non : ils doivent d'abord consulter un homéopathe qui, après une longue discussion, leur dira quel rien ils doivent avaler.
« Que contient Oscillococcinum® ? », peut-on lire sur le site Web suisse de la firme Boiron, « 1 dose contient 1 g de globules de Anas Barbariae, Hepatis et Cordis extractum 200 K. » En oubliant le jargon, cela signifie qu'une dose d'Oscillococcinum® contient du foie et du cœur de canard de barbarie dynamisé à 200 K, selon la méthode Korsakov donc, autrement dit qu'on a dilué une part de cette curieuse solution de départ dans 99 parts de solvant (de l'eau distillée), puis qu'on a secoué l'ensemble, qu'on a vidé le flacon avant de le remplir à nouveau de solvant, etc., jusqu'à la 200e fois.
À lire sur l'Oscillococcinum® : un article sceptique, qui se termine par une citation très comique provenant du Guide Giroud-Hagège de tous les médicaments : « Nous conseillons de remplacer ce produit par un confit de canard, aussi efficace contre la grippe, et nous prions les laboratoires Boiron de ne
plus embêter les canards. » (Voir aussi, sur le même site : « Les différentes lois des marchands d'attrape-nigaud », très instructif pour aiguiser son regard critique face à la commercialisation du n'importe quoi.)
Homeopathic A&E. — Lorsqu'ils me parlent de magnétisme, d'homéopathie ou encore de médecines parallèles « qui marchent tu sais, la science occidentale n'a pas le dernier mot en matière de guérison », j'ai à chaque fois en tête ce sketch de Mitchell et Webb, ces deux humoristes britanniques qui passent une partie de leur temps à démystifier un tas de sujets : et si un service d'urgences ne fonctionnait qu'en proposant aux blessés graves des techniques issues des médecines parallèles ? Je n'ai pas trouvé la version sous-titrée mais la transcription (en anglais) se trouve ici (les acteurs parlant avec un débit presque aussi véloce que celui d'Amy, cette transcription s'avérera peut-être nécessaire à certains moments).
« Parfait. Est-ce que quelqu'un sait quel type de voiture l'a heurté ? demande l'urgentiste homéopathe.
— Une Ford Mondeo bleue apparemment, répond l'infirmière.
— Bien. Trouvez-moi un petit morceau de Ford Mondeo bleue, mettez-le dans de l'eau, secouez, diluez-le, secouez, diluez-le à nouveau, puis diluez-le encore un peu plus... Ensuite, mettez trois gouttes de ce produit sur sa langue. Si ce remède ne le soigne pas, alors je ne sais pas ce qui pourra le soigner ! »
Larmes. — Gaëlle me téléphone alors que je suis dans le train Liège-Bruxelles : « Je pleurais dans la cour de récréation tout à l'heure et Margot m'a demandé pourquoi. Je lui ai dit que c'était parce que tu me manquais ! » Gros silence, puis : « Tu sais que dans le nouveau jeu Pokémon que tu m'as acheté, il y aussi moyen d'avoir accès à des Pokémons noirs ? »
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