Souvenir d'université*. — (Il y a treize ou quatorze ans environ.) Nous nous asseyons à la table d'un restaurant, aujourd'hui disparu, du rond-point du Cimetière d'Ixelles. Un serveur vient prendre notre commande et nous demande gentiment ce que nous faisons comme études. « L'histoire ! », déclarons-nous de concert. « Ha, c'est cool, ça ! », répond le serveur. Mais à peine celui-ci est-il reparti en cuisine que mon ami Hamilton (deuxième du nom donc) ajoute, légèrement dédaigneux : « Ben oui quoi, on n'a pas envie de rester serveur toute notre vie, nous ! » Rires. — La remarque, d'une condescendance crasse, m'a semble-t-il marqué.
Condescendance. — Ce jeudi soir, buvant tranquillement un Orval à la brasserie de la gare des Guillemins à Liège, j'apprends ce que c'est que d'être vraiment condescendant et désagréable envers un serveur. Une dame s'assied à ma droite. Elle demande la carte et râle presque aussitôt parce cette dernière n'arrive pas assez vite à son goût. Un serveur vient prendre la commande : « Ha, enfin ! » Le service prend trop de temps pour elle. Attendant son plat pendant dix minutes, elle observe le monde alentour et rumine : « Ils se foutent de ma gueule, c'est ça ? ». Elle happe une serveuse et aboie : « Votre collègue m'a oubliée ?
— Il est en pause, mais votre plat va bientôt arriver, Madame.
— Oui, eh bien il peut aller se rhabiller, votre collègue ! Ha ! »
Le serveur revient de sa pause et dépose le plat sur la table de la cliente aigrie, qui lance d'un air sardonique, sans le regarder : « Et vous m'apporterez aussi tout le reste !
— Tout le reste, Madame ? »
Elle prend un air peiné pour annoncer, toujours les yeux dans le vague : « Mayonnaise, ketchup, moutarde, sel, poivre, sauce anglaise, beurre, pain... Tout le reste quoi ! » Elle fait un geste de la main comme pour signifier : « Tu devrais déjà être parti chercher tout ce que je t'ai demandé, mon gaillard ! » Le serveur revient avec un plateau contenant tout sauf... Misère ! « Où est la mayonnaise ?
— Ha oui, la mayonnaise... Désolé, je vous apporte cela tout de suite.
— Ouais, ouais, c'est ça, c'est ça. Pfff, mais c'est quoi ce service de merde ? »
Ma tête se remplit de scénarios tous plus séduisants les uns que les autres, dont un dans lequel je lui fais bouffer sa putain de mayonnaise par les trous de nez ou encore un autre contenant une recette originale de shampooing à base de sauce anglaise. — Mais je me retiens de mettre en pratique l'un de ces fantasmes et me contente de noter l'anecdote dans un carnet, pour restitution ultérieure.
Zombies et contrôleur. — Ce contrôleur, dans le train de sept heures du soir, passe à côté de mon siège, me voit devant un épisode de The Big Bang Theory, continue son chemin, s'arrête, puis revient sur ses pas pour me demander : « Excusez-moi, est-ce que c'est avec vous que j'ai discuté de The Walking Dead la semaine dernière dans le train ? »
(Lit-il mon journal ?)
« Non, ce n'est pas avec moi, dis-je.
— Ha... Je dois confondre avec un autre homme qui avait la même taille, la même corpulence et le même visage que vous alors !
— Oui, ça me paraît indubitable. Par contre, il se fait que je vois très bien de quoi vous voulez parler ! C'est cette histoire de...
— ... morts-vivants, oui !
— Celle qui questionne l'éthique des...
— ... relations humaines, tout à fait ! Bonne soirée ! »
Et il s'en va.
Et il s'en va.
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