Ce vendredi matin, je travaille à Bruxelles. À 9h05, je dois retrouver à la gare du Midi mes deux collègues bibliothécaires, Sylvette et Christiane, qui viennent de Liège — pour une fois, c'est moi qui reste dans ma ville et ce sont les collègues qui se déplacent. Nous avons tous les trois rendez-vous dans les bâtiments du PTB (Parti du travail de Belgique) pour un tri de livres. Ayant décidé de jeter tout ou partie de leur bibliothèque à la suite de travaux de rénovation, le PTB a proposé à mon institut d'histoire de récupérer des ouvrages en rapport avec le syndicalisme et le monde ouvrier.
Le tri poussiéreux commence dans un petit local au premier étage. Heureusement pour moi, nous avons accès à la cantine et à sa machine à café. Ce dernier n'est pas très bon mais m'aide néanmoins à tenir le coup. À côté de la machine, je remarque une petite affichette sur laquelle est inscrit "Soupe/Soep : 1 €". Je ne suis plus certain que ce soit de soupe dont il est question mais peu importe... Ce n'est pas cela qui m'a marqué mais bien la correction typographique suivante : quelqu'un s'est amusé à raturer au gros feutre le symbole "€" après le "1", à rajouter un "€" avant ce chiffre et à écrire, à côté de sa rature, un "Fout!", pour bien signaler que la personne qui a réalisé l'affichette est dans l'erreur la plus complète. Le plus cocasse est qu'en typographie française, pour autant que je sache, le symbole "€" se place bien après le nombre (voir ICI, par exemple). En néerlandais, par contre, il se place avant. Le problème est donc insoluble sur une affiche bilingue, à moins de mettre "EUR" à la place de "€" — car la typographie néerlandaise accepte le "EUR" avant et après le nombre. (De l'art de corriger de ridicules affichettes pendant que le Monde s'écroule — ceci n'est pas incompatible avec cela.)
Après trois heures de tri, nous avons mis de côté une vingtaine de caisses remplies de brochures, de notes de congrès, de monographies sur le monde syndical, principalement en rapport avec la FGTB ou la CSC. Ce travail réalisé, nous partons manger un sandwich à la gare toute proche. Mes deux collègues s'en vont ensuite reprendre leur train vers Liège (en retard, hahaha !). Quant à moi, je retourne à mon appartement en vitesse, récupère ma valise à roulettes et reviens vers la gare afin de prendre le train vers Namur.
Ma fille sort de l'école sans sourire. Elle a une mine déconfite et de tout petits yeux. Elle a eu mal au ventre toute la journée, pleure pour un rien et ne semble pas dans son état normal. Elle est dans état grippal mais je ne le sais pas encore. La maladie se traduit chez elle par un manque total d'humour et une prise au sérieux de tout ce que je lui dis. À chaque fois que j'essaie de la dérider, elle me regarde avec des yeux fatigués, voire un rien cynique. Elle paraît beaucoup plus adulte, au point que si Flippo était là, il aurait sans doute très peur de ma fille (Flippo n'aime pas les enfants qui parlent comme des adultes...). Exemples :
« Tu t'es bien amusée à l'école ?
— Non.
— Tu y as fait quoi ?
— Je ne sais pas. »
« Ça ne va pas, Gaëlle ?
— Je t'ai déjà dit que j'ai mal au ventre. Pourquoi faut-il que je te répète tout sans cesse ? Soit tu n'écoutes pas, soit tu es sourd. Ça me fatigue de répéter tout le temps la même chose. »
« Le train est en retard à cause d'un tyrannosaure sur la voie.
— Les tyrannosaures n'existent plus. Tu es bête ou quoi, papa ? »
Arrivée chez mes parents, Gaëlle se couche directement dans le divan et tremble malgré la couverture apportée par ma maman, qui la recouvre pourtant entièrement. Mon père doit voir son médecin ce soir (sa tension artérielle systolique est proche de 200 mmHg, ce qui correspond à une hypertension très sévère — on se demande de qui je tiens !) et décide d'emmener Gaëlle avec lui. Ma fille revient avec un certificat d'absence scolaire d'une semaine ainsi que du Perdolan® pour enfants. Elle dormira dans le salon, avec ma maman, durant toute la nuit de vendredi à samedi.
Avant de s'endormir, Gaëlle regarde "Wipeout" à la télévision, sur la chaîne Gulli. Ça ressemble un peu à "Intervilles" ou à "Jeux sans frontières", mais en plus "américain". Des concurrents (adultes) tentent de traverser le plus rapidement possible une course d'obstacles située au centre d'une étendue d'eau. Les obstacles peuvent être des murs à franchir, des carrousels, des piliers qui s'écroulent sous leurs pieds... Le tout est construit dans une matière de type "château gonflable". Les quatre meilleurs candidats (sur 24) ont accès à la zone finale, la "Wipeout Zone". C'est assez amusant à voir (Gaëlle est morte de rire — sa fièvre est retombée et elle est redevenue une petite fille "normale") mais l'émission passerait tout aussi bien sans la méchanceté gratuite que les présentateurs ne peuvent s'empêcher de proférer envers les divers candidats, qui de leur côté semblent tout faire pour forcer le trait et passer pour les imbéciles qu'ils ne sont sans doute pas. (Une mode télévisuelle récurrente un rien masochiste : des gens participent à un jeu tout en sachant qu'ils seront ridiculisés. Et ils semblent adorer ça ! — Être le centre de l'attention, ne fut-ce que cinq minutes, voilà qui est toujours mieux que de se morfondre dans la monotonie d'une vie rangée ?)
* * *
Ma fille sort de l'école sans sourire. Elle a une mine déconfite et de tout petits yeux. Elle a eu mal au ventre toute la journée, pleure pour un rien et ne semble pas dans son état normal. Elle est dans état grippal mais je ne le sais pas encore. La maladie se traduit chez elle par un manque total d'humour et une prise au sérieux de tout ce que je lui dis. À chaque fois que j'essaie de la dérider, elle me regarde avec des yeux fatigués, voire un rien cynique. Elle paraît beaucoup plus adulte, au point que si Flippo était là, il aurait sans doute très peur de ma fille (Flippo n'aime pas les enfants qui parlent comme des adultes...). Exemples :
« Tu t'es bien amusée à l'école ?
— Non.
— Tu y as fait quoi ?
— Je ne sais pas. »
« Ça ne va pas, Gaëlle ?
— Je t'ai déjà dit que j'ai mal au ventre. Pourquoi faut-il que je te répète tout sans cesse ? Soit tu n'écoutes pas, soit tu es sourd. Ça me fatigue de répéter tout le temps la même chose. »
« Le train est en retard à cause d'un tyrannosaure sur la voie.
— Les tyrannosaures n'existent plus. Tu es bête ou quoi, papa ? »
Arrivée chez mes parents, Gaëlle se couche directement dans le divan et tremble malgré la couverture apportée par ma maman, qui la recouvre pourtant entièrement. Mon père doit voir son médecin ce soir (sa tension artérielle systolique est proche de 200 mmHg, ce qui correspond à une hypertension très sévère — on se demande de qui je tiens !) et décide d'emmener Gaëlle avec lui. Ma fille revient avec un certificat d'absence scolaire d'une semaine ainsi que du Perdolan® pour enfants. Elle dormira dans le salon, avec ma maman, durant toute la nuit de vendredi à samedi.
Avant de s'endormir, Gaëlle regarde "Wipeout" à la télévision, sur la chaîne Gulli. Ça ressemble un peu à "Intervilles" ou à "Jeux sans frontières", mais en plus "américain". Des concurrents (adultes) tentent de traverser le plus rapidement possible une course d'obstacles située au centre d'une étendue d'eau. Les obstacles peuvent être des murs à franchir, des carrousels, des piliers qui s'écroulent sous leurs pieds... Le tout est construit dans une matière de type "château gonflable". Les quatre meilleurs candidats (sur 24) ont accès à la zone finale, la "Wipeout Zone". C'est assez amusant à voir (Gaëlle est morte de rire — sa fièvre est retombée et elle est redevenue une petite fille "normale") mais l'émission passerait tout aussi bien sans la méchanceté gratuite que les présentateurs ne peuvent s'empêcher de proférer envers les divers candidats, qui de leur côté semblent tout faire pour forcer le trait et passer pour les imbéciles qu'ils ne sont sans doute pas. (Une mode télévisuelle récurrente un rien masochiste : des gens participent à un jeu tout en sachant qu'ils seront ridiculisés. Et ils semblent adorer ça ! — Être le centre de l'attention, ne fut-ce que cinq minutes, voilà qui est toujours mieux que de se morfondre dans la monotonie d'une vie rangée ?)
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