dimanche 26 février 2012

Contact furtif avec la horde

Train Charleroi-Bruxelles de 16h40. Je m'installe, bien à l'avance, dans un wagon presque désert. Dix minutes plus tard, débarquent six adolescents qui parlent fort. Je relève les yeux de mon livre pour vérifier qu'il s'agit de jeunes "ordinaires". Mon esprit ne fait qu'un tour : il ne s'agit pas de jeunes ordinaires ! "Des scouts !" Et il en arrive d'autres, des sizaines (le terme est impropre mais je m'en balance) à ne plus savoir qu'en faire ! Et ils remplissent presque tout le wagon ! Un des moniteurs crie : 

« Y a un groupe "whist" ?
— Ouais, ici ! (Plusieurs garçons lèvent la main.)
— Mettez-vous là, alors.
— Groupe "Chant" ?
(Dieu tout puissant, non !)
— Ouais, nous on va chanter ! Hisse et haut, Santianoooo !
(Nooooon !)
— Prenez les deux banquettes, là ! »

Je remballe vite fait mon livre, mon PC et tout le reste. Un scout me regarde ranger mes affaires sans dire un mot ; je le regarde à mon tour. Il me fait des yeux de merlan frit ; sans doute en fais-je autant. C'est mon seul et unique contact avec la horde avant de m'enfuir du wagon infernal.

* * *

« Ha ! T'es passée chez le coiffeur ?
— Oui. (...) Je suis allée chez un nouveau coiffeur dans la rue de l'Unif... Avant, j'allais chez Olivier Dachkin, mais un des coiffeurs là-bas n'était pas net.
— Pas net ?
— Oui, la dernière fois, il avait un coquard à l'œil. Et je voyais bien qu'il cherchait la bagarre avec certains clients. C'est con, mais je n'aime pas que quelqu'un en qui je n'ai pas confiance chipote dans mes cheveux, me les lave, tout ça...
— Oh, c'est loin d'être con... Les cheveux, c'est quand même quelque chose de très personnel. (Première phrase bateau de la soirée.)
— Voilà ! Sinon, à part ça, c'est toujours honteusement cher de se faire couper les cheveux quand on est une femme. J'ai payé 46 euros alors que, bon, j'ai quand même des cheveux courts.
— Hé oui ! Si j'avais voulu faire la même coupe, ça ne m'aurait même pas coûté 20 euros ! 
— L'avantage d'être un homme...
— Ouais, nous avons moins de frais pour certains trucs... C'est un peu comme le gynécologue : nous n'avons pas besoin d'y aller... » (Deuxième phrase bateau.)

* * *

« Ils font vraiment tout pour se toucher le moins possible durant le rapport...
— Un simple emboîtement de corps humains, mais ce n'est pas toujours le cas... 
Moi, ça ne m'intéresse vraiment pas, dit Emily. Je ne trouve pas du tout ces films excitants...
— J'ai l'impression que les femmes sont beaucoup moins attirées par le porno que les hommes. (Troisième phrase bateau.)
— Les femmes sont beaucoup moins visuelles que les hommes.
— Je me demande si c'est vrai...
— Ça a été prouvé scientifiquement par plusieurs études, répond Walter.
— C'est peut-être avant tout à cause du public visé initialement par la plupart de ces films ? Peut-être que s'ils étaient tournés autrement, moins centrés sur la sexualité masculine, ils pourraient intéresser le public féminin ?
— Franchement, je ne suis pas convaincue... Et un autre problème, c'est que beaucoup de jeunes croient...
Ha ! je sais ce que tu vas dire : que beaucoup de jeunes croient qu'ils doivent faire l'amour comme dans un film porno "classique" ? En prenant des positions débiles et des airs de macho ?
— Oui, et aussi qu'ils croient que tout se joue sur la performance... Que l'homme est celui qui doit "assurer" à tout prix...
— Encore une fois, je me demande si c'est vrai, si la pornographie joue à ce point un rôle sur la façon de concevoir le rapport sexuel... 
— Beaucoup d'hommes aujourd'hui sont obnubilés par la taille de leur sexe, mais c'est ridicule, dit Walter. »

N'est-ce pas une question d'éducation sexuelle, tout simplement ? Et aussi, de manière plus générale, d'éducation aux médias, quels qu'ils soient ? J'ai regardé des films de cul bien avant d'être majeur (comme la très grande majorité de mes amis d'école secondaire) mais jamais il ne m'est venu à l'esprit ni à l'esprit desdits amis, pour autant que je sache que ces films traduisaient la réalité de la relation sexuelle ; jamais je ne me suis dit qu'ils étaient autre chose que ce qu'ils étaient, à savoir la représentation crue d'actes sexuels joués par des acteurs, à des fins d'excitation... Et force est de constater que ça marchait/marche plutôt bien. J'ai sans doute pensé, lors des premiers visionnages, mi-émerveillé, mi-estomaqué : "OK, c'est comme ça qu'une pénétration se passe réellement", mais jamais : "Il faut que je me comporte comme ces acteurs durant un acte sexuel". Qui pense cela, franchement ?

Ne peut-on rapprocher ces questions de celles concernant l'influence des jeux vidéo sur les gamins ? Dans ma jeunesse, j'ai "tué" des milliers d'humains en jouant à des FPS (abréviation de "First-person shooter" et non de "Femmes prévoyantes socialistes"), j'ai "mitraillé" — simple exemple —  des civils sans défense dans Command & Conquer quand je prenais le contrôle des troupes de la Confrérie du Nod, etc. Est-ce pour cela que je suis incapable d'avoir une éthique, que je suis un psychopathe, que je ne puis différencier le monde virtuel du monde réel ?

(Note pour plus tard : écrire un article sur la pornographie. Mais, mais, mais je dois encore écrire celui sur les liens entre philosophie et science-fiction... J'empile des textes dans ma liste estampillée "À faire" sans être certain de pouvoir les développer un jour.)

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