mardi 14 février 2012

"Les cœurs ?... Infiniment rares !"

« (...) d’abord n’importe où et n’importe quand, paix, calme plat, guerres, convulsions, vagins, estomacs, verges, gueules, braquets, à ne savoir où les mettre ! à la pelle !... mais les cœurs ?... infiniment rares ! depuis cinq cents millions d’années, les verges, vagins, tubes gastriques, se comptent plus, mais les cœurs ?... sur les doigts !... » (Céline, Nord , 1960)
En ce jour de Saint-Valentin, j'ai rendez-vous à l'hôpital en fin d'après-midi, non pas en raison de mon estomac, de mon tube gastrique ou de tout autre tuyau me constituant, mais simplement pour faire vérifier une dernière fois ma cicatrice au nombril par le chirurgien qui m'a opéré de la vésicule biliaire le vendredi 7 octobre 2011. Depuis la salle d'attente je le vois ouvrir la porte de son cabinet et appeler un patient. Il me reconnaît et me fait un grand signe de la main : "Hé ! Patience, hein !"

* * *

« Alors ? Comment ça va ?
— Bah ça va, ça va...
— Je peux voir ton nombril ?
— Oui, oui, voilà...
Parfait ! Tu ne devras plus revenir ! C'est encore un peu dur sur le haut mais la cicatrice est normale. Elle est bien, hé ? On a l'impression que je n'ai pas fait de trou, héhé ?
— Oui, mon nombril est comme neuf !
— Avant, il fallait faire plusieurs trous pour passer les instruments, , et plus haut, ... Maintenant, pfiou ! Un seul trou et voilà ! C'est magique, hein ?
—  Ha tiens, j'avais une question à ce sujet, justement. Une collègue a dû subir la même opération que moi à quelques mois d'intervalle mais, dans son cas, le chirurgien a dû faire plusieurs trous... Pourquoi ?
Hahaaa, c'est une question de technique. La technique évolue ! Pour faire une seule incision, il faut apprendre. C'est comme pour tout : c'est un apprentissage ! Et avant les petits trous, on devait ouvrir complètement sur le côté droit, ... Bon ! Hamilton, au revoir et que tout aille bien, hein !
— Au revoir et merci. Peut-être à un de ces jours ! Si je dois me refaire opérer du bide, je penserai à vous... Euh... Même si je n'espère pas vous revoir tout de suite...
Moi non plus je n'espère pas te revoir tout de suite. » 
(Il a presque l'air peiné.)

Après ma consultation chez le chirurgien, je me rends à la Maison du Peuple. J'arrive au bar pour commander un "croque-biquette" (un croque-monsieur au chèvre) et un Coca, mais je commande... un croque-biquette et une Divine (la nouvelle bière au fût). C'est très curieux comme sensation : avoir une idée précise en tête et agiter ses lèvres pour commander quelque chose de différent. Ça s'appelle l'alcoolisme.

À 23h28, je fais le compte : une Divine 25 cl, plus une Divine 25 cl, plus une Divine 25 cl, plus une Divine 50 cl, plus une Divine 50 cl, plus une Divine 25 cl, ça fait deux litres de Divine. C'est donc pour ça que j'ai la tête qui tourne un tout petit peu quand je reprends le tram. (Et c'est également pour cette même raison que j'aurai la tête dans le cul dans le train, le lendemain à 8 heures du matin.)

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