mardi 22 novembre 2011

L'horloge flamande

Ce matin, je suis au CHU Saint-Pierre pour une visite de routine, un mois et demi après mon opération. Lorsque j'arrive au sixième étage de la Polyclinique (chirurgie-urologie-neurologie – pourquoi avoir regroupé ces trois-là ensemble dans un même service ? Je n'en sais fichtre rien), une dame entre précipitamment dans l'ascenseur avant même que je n'en sorte. Je déteste ça... Quelques secondes plus tard, la même dame me dit, fâchée : "Vous m'avez cognée avec votre sac !" Je lui réponds, un peu rouge : "Madame, on laisse d'abord sortir les gens d'un endroit avant d'y entrer. Si vous aviez eu cette politesse, jamais vous n'auriez été cognée !" Jusque là, rien de drôle...

À l'accueil, trois dames discutent de néerlandais :
– Comment dit-on l'heure "et demie" en néerlandais ? "Half voor quelque chose" ?
– Ha non, dans ce cas-là, on ne met pas de "voor". On dit simplement "Half". Le "voor" est sous-entendu... "Het is half tien" : il est 9 heures et demie.
– Ha d'accord. Et comment on dit : "Il est 9 heures vingt", par exemple ?
Une des dames prend alors un air docte :
– Simple : tu dis "Het is twintig na negen". "Voor" : avant. "Na" : après. C'est magique !
Durant un bref instant, je tique... "Na" ? N'est-ce pas plutôt "over" ? Je ne dis rien... Ensuite, elles tentent, le sourire aux lèvres, quelques phrases hésitantes :
– "Welke activiteit doe je hier ?" Hahaha !
– "Deze... Euh... CHU is beter dan CHU Namen". Hem... Comment dit-on "CHU" en néerlandais ?

À ce moment, j'en viens à me demander si elles sont parfois confrontées à de véritables patients ne parlant que le néerlandais... Si c'est le cas, j'aimerais vraiment être là pour assister à la scène...

Je me rends dans la salle d'attente. La partie en néerlandais s'arrête donc là (et ce n'est pas plus mal). Deux vieux monsieurs de 80 ans passés arrivent plus ou moins en même temps. L'un est du genre "dandy élancé" ; il porte un costume, une cravate et une belle écharpe. L'autre est du genre "brusseleir" ; il marche difficilement avec une canne, porte une casquette et est chaussé de simples pantoufles de salon. Je ne pense pas qu'ils se connaissaient avant ce moment, mais lorsque le second arrive à la hauteur du premier, il lui crie un joyeux : "Comment ça va ?" et tente de faire un salut "à la d'jeune" (cette poignée de mains particulière qui consiste à taper d'abord sur le haut du poing pour ensuite faire une opération bizarre avec le bout des doigts...). Voyant que ça ne fonctionne pas du tout, il finit par lui serrer tout simplement la main. "Je vais m'asseoir à côté de vous", lance le second qui essaie tant bien que mal de faire un brin de causette en demandant l'heure (11h) ou l'âge du premier (85 ans) mais ça ne fonctionne pas du tout. Je vois bien que le dandy est peiné par cette incursion non sollicitée. Dès lors, il se retourne, puis se casse, tout simplement (!).

Mon chirurgien sort de son bureau, qui est presque contigu à la salle d'attente, et appelle un patient. Il porte un costume un rien démodé, le genre de costume que l'on retrouve dans les films italiens des années 60-70 ou bien dans Le Corniaud. En me voyant, il me fait un petit signe : "Hamilton ! Encore un patient avant toi, et puis c'est ton tour, hein..." La visite chez lui dure seulement quelques minutes, le temps de vérifier ma cicatrice au nombril : "Dans trois mois, on ne verra plus rien ! Avant on faisait trois trous dans l'abdomen... Maintenant, c'est fini, tout ça ! Pfiout ! Passé... Alors, heureux, Hamilton ?". Que répondre si ce n'est "Ha ben oui, heureux, heureux...".

Je fais la file à l'accueil pour fixer un dernier rendez-vous avec ce chirurgien, pour la mi-février. Déboule (façon de parler) le vieux monsieur brusseleir de tout à l'heure. Il me dépasse et... passe carrément devant moi (!). Que faire ? Lui crier "Bordel de merde, j'étais avant et ce n'est pas parce que vous êtes un vieux schnock qu'il ne faut pas faire la file comme tout le monde !" n'est certainement pas la bonne solution, bien qu'elle me passe un instant par la tête. Alors je ne dis rien et je patiente, en me remémorant un épisode de Groland sur le complot des vieux (ils ont vu juste, à Groville !).

Conclusion : ma visite à l'hôpital était un peu moins marrante que les dernières fois. Tout se perd, que voulez-vous ? Mais où va-t-on, je vous le demande ? Pauvre Belgique !

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