mercredi 30 novembre 2011

Tilt ! #0

Mon collègue Aurèle et moi sommes dans le bus qui nous reconduit, lui dans le Centre-ville, moi à la gare TGV. La nuit est tombée, le bus est désert. 

Aurèle est batteur dans un groupe de rock liégeois et prend part à un collectif qui organise des concerts dans la Cité ardente. La conversation tourne donc autour de groupes musicaux. Il me parle d'un concert auquel il a assisté dernièrement, à Bruxelles, au Cirque royal.

– Ha oui ? C'était quoi ?
– Pinback.
(Tilt !)
– Ha, bordel de merde ! J'ai oublié d'y aller !
– Comment ça ?
– Je suis allé sur le site Web du Botanique pour réserver ma place mais leur système de réservation est tellement mal fichu que j'ai abandonné sur le moment et me suis dit que j'y retournerais plus tard.
– Ha, c'est con.
– Ha merde... Pinback, Low et Bill Callahan dans une même soirée, ça ne se reproduira plus jamais !


En fait, la discussion ne s'est pas du tout passée comme ça, mais je m'en balance : maintenant que je me suis mis à inventer des histoires abracadabrantes, je ne peux plus m'arrêter...

Pour me consoler de ma non-présence à ce concert mythique, je me replonge dans les deux derniers albums de Pinback, Summer in Abaddon et Autumn of the Seraphs (et sa pochette luxuriante), que je n'ai plus écoutés depuis longtemps et qui contiennent quelques perles.



J'arrive à la gare des Guillemins. Flippo est à l'intérieur de la gare, Yama est sur les quais :
– Je suis allée voir ton blog aujourd'hui.
Haaa ?
– J'ai eu la confirmation que t'es vraiment un grand taré.
– Ha...
– Non, mais vraiment, je n'ai même pas été jusqu'au bout d'une seule histoire. Y a combien d'embranchements en tout ?
– Quatre au minimum, parfois cinq et il y a même une histoire qui en possède un sixième. En tout, ça fait 24 fins différentes.
– T'es vraiment un taré. Ça a dû te prendre un temps de dingue...
(Oh non, quelques heures tout au plus...)

Le train arrive en gare.

Choix #0.
1 : je monte dedans.
Choix #0.2 : je monte dedans.

mardi 29 novembre 2011

Si Léandra le dit...

Je voulais prendre un peu de repos, laisser mes quelques lecteurs respirer après toutes ces péripéties, mais Léandra a dit, au bout du fil : "Non, Hamilton, il faut que tu continues à écrire tes journées, comme d'habitude ! Souviens-toi de ce que tu disais il y a quelques mois : que tu prenais du plaisir à savoir ce que tu avais vécu à tel ou tel moment..."

Je soupçonne Léandra de trouver un malsain plaisir à lire ce que je fais de mes journées. Et quand je lui ai dit que je voulais "changer de paradigme" (j'utilise des mots compliqués pour faire le malin) et n'écrire que de la fiction, elle m'a bien fait comprendre que ça ne l'arrangeait pas du tout.

Peu importe ! Aujourd'hui, je serai bref de toute façon, car ma journée se scinde en deux parties faciles à identifier : une matinée et un après-midi constitués de beaucoup de travail, dans ma banlieue de Liège, et une soirée et une nuit consacrées à la finition de cette putain de journée dont vous êtes le héros #1.

Je passe ma soirée, seul, à la Maison du Peuple de Saint-Gilles, à terminer les derniers textes (Si j'avais un marteau, lalalala...) et surtout à mettre tout en forme : les liens donnant sur d'autres liens, bref ce genre de choses purement pragmatiques mais énergivores.

À 4h30 du matin, dans mon lit, je considère que le tout tient plus ou moins la route et je m'endors... Deux heures plus tard, mon réveil sonne. Ha ben oui, mon gars : si tu vas te coucher à pas d'heure, le réveil, lui, sonne à une heure bien précise...

lundi 28 novembre 2011

La journée dont vous êtes le héros #1

Avertissement aux rares lecteurs de ce blog
(Si vous avez déjà lu ce texte introductif, vous pouvez le sauter en cliquant ICI.)

1. De nombreux éléments de cette "journée" sont clairement destinés à un public adulte. Si vous avez des enfants en âge de lire, mieux vaut les éloigner. Si vous êtes vous-même un enfant, je compte sur vous pour rester en dehors de tout ça, hein...

2. Certains embranchements (vous comprendrez très vite de quoi je parle) contiennent des scènes de sexe, de violence, de claustrophobie, de mort, d'assassinat, voire même (dans de rares cas) de sadisme. D'autres par contre sont très marrants et sans conséquence. Si vous trouvez que la situation dérape dans une direction qui ne vous plaît vraiment pas, merci d'arrêter votre lecture avant de m'envoyer un message d'insulte.

3. Tout ce qui est écrit dans cette journée est inventé, à l'exception de... ce qui ne l'est pas, à savoir une des journées décrite comme "ordinaire" (et elle l'est), certains éléments de la Maison du Peuple de Saint-Gilles, ainsi qu'une série de running gags qui ne feront rire personne (sauf peut-être Léandra et mes amis proches). Pas besoin donc de me téléphoner pour savoir si je me porte bien car : oui, no stress, je me porte bien !


La journée dont vous êtes le héros #1

Mon réveil sonne bien avant l'aube... Comme chaque matin depuis que je travaille, j'ai l'estomac noué et je ne déjeune pas. J'ai juste le temps de me brosser les dents, de me débarbouiller et d'enfiler en vitesse mes vêtements avant de prendre le chemin de la gare. Dehors, la météo s'est clairement rafraîchie. J'observe même les premières traces de gel nocturne. Le magnifique automne que nous avons eu depuis septembre m'avait presque fait oublier que l'été est déjà loin derrière nous... Cette journée de novembre sera une journée froide et – j'en fais le pari ! – elle sera aussi monotone que toutes les journées froides de novembre. Oui, mais si elle ne l'était pas ? Ou plutôt : et si je pouvais choisir qu'elle ne le soit pas ?

Sur le quai numéro 11 de la gare de Bruxelles-Midi, j'attends mon train vers Liège. Ce dernier finit par arriver avec un retard de sept minutes (c'est clairement dans la moyenne). Lorsque le train arrive enfin à quai...

Choix #1.1 : ... je monte dedans.
Choix #1.2 : ... je ne monte pas dedans.

dimanche 27 novembre 2011

Quintine au Potemkine au-dessus de la cantine

On va finir par croire que je fais de la publicité pour ce café...
Comme si parler constamment de la Maison du Peuple ne suffisait pas.
Hier soir, je rejoins Léandra et Andrew au Potemkine, pour changer.
Et puis c'est Walter qui nous rejoint à son tour.
Nous sommes dans les "coursives", en hauteur.

Au programme : Maredsous, Quintine et vin blanc pour Walter et moi ; thé et... thé pour Léandra et Andrew. Pour accompagner les bières et les thés, un gros boudin, un énorme cornichon, des cacahuètes et des dés de fromage. Ce sera notre repas du soir. 

Ce café aussi "multifonction" qu'un canif de l'armée suisse est en train de devenir "the place to be" dans le quartier de la Porte de Hal. Pourquoi "multifonction" ? Parce qu'ils y proposent un peu de tout (chouettes concerts, chouettes ciné-clubs, soirées "jeux de société" auxquelles il faudra que je participe un de ces jours) et utilisent tout l'espace disponible pour proposer différentes atmosphères : la "cantine" en bas, les "coursives" en haut ; à l'entrée, un long couloir plus calme (enfin, ça dépend) rempli de fauteuils confortables, donnant sur une terrasse extérieure ; à l'étage, une salle de cinéma. Et puis, ce faux squelette de baleine au plafond. Walter, en le voyant pour la première fois, dira à plusieurs reprises que "c'est très glauque".

Pourquoi "the place to be" ? Parce que c'est "branchouille" et décontracté et que les bobos du coin adorent ça. (Dois-je me considérer dans le lot des bobos du coin qui adorent ça mais qui s'ignorent ? Il semblerait que oui, du moins partiellement.) Signe du temps qui passe : on retrouvera certaines serveuses de la Maison du Peuple (qui se trouve à deux pas) fumer leur clope et consommer des boissons à l'entrée de ce café concurrent. Mais où va-t-on, je vous le demande ? Autre détail : la place est tellement "to be" que les serveuses n'ont même plus besoin de parler français pour être engagées. La preuve avec une nouvelle venue (une asiatique), qui est un peu perdue quand on lui demande une boisson en français. Mais elle a un joli minois alors ça passe ?

Aujourd'hui soir, j'assiste à la fin d'un concert de jazz du groupe YôKaï, avec Didier Degroef (percussions) en guest star. Je ne connais pas ce groupe, si ce n'est le saxophoniste, qui n'est autre que Fred Becker, déjà présent au Potemkine le 6 novembre 2011. (Je suis toujours content lorsque je peux lier une journée de ce journal à une autre : ça me donne la – fausse – impression que je maîtrise ma propre mémoire.) 

Surplombant la salle depuis "ma coursive", je les applaudis et aimerais, tel un tribun, pouvoir faire un discours. Andrew ajoute : "Ha, si seulement nous avions encore nos essuies de sauna, ça le ferait !" (et hop, un deuxième lien pour comprendre de quoi il parle !). J'explique à mes amis que je m'imagine en train de crier d'une voix forte devant la clientèle du Potemkine, subjuguée par ma voix de baryton (mais plus thon que Barry, quand même) : "Messieurs, l'heure est grave : César a refranchi le Rubicon !" Andrew : "Quoi ? César l'a refranchi ?" "Oui, mes amis, il l'avait déjà franchi... Hé bien il a recommencé, ce salaud !" Puisse Jupiter lui pardonner ses faiblesses morales.

Léandra nous abandonne très tôt. Elle n'a apparemment que Jonas en tête. Son humeur (bonne ou mauvaise) tourne tellement autour de ce type que ça devient flippant. Un peu avant 22 heures, un serveur nous annonce qu'ils vont bientôt fermer notre coursive, ces malandrins ! Pas question de nous mêler à la Plèbe. Dès lors, nous rentrons chez nous, dignement, drapés dans notre orgueil de peuple des cimes. 

(Hamilton, faut vraiment que tu arrêtes... Je ne sais pas ce que tu dois arrêter, mais faut que tu arrêtes !)

samedi 26 novembre 2011

Dora : 0 / Mendoza : 1

Et voilà ! Après des années de bataille éreintante contre la vile Dora l'Exploratrice qui rend les enfants beaucoup plus idiots qu'ils ne le sont en réalité, la lutte sans merci a enfin donné ses premiers résultats concrets ce week-end : ma fille Gaëlle, six ans au compteur (pour rappel), regarde désormais Les Mystérieuses Cités d'Or. Ce fut un combat difficile et très long, qui s'est terminé lorsque mon père – qu'il en soit personnellement remercié ici – a copié sur une clé USB les premiers épisodes de ce génial dessin animé, afin de les diffuser sur la télévision familiale.

Aujourd'hui, Gaëlle regarde donc les premiers épisodes des fameuses Cités d'Or et je ne peux m'empêcher de verser quelques larmes... Nostalgie de mon enfance mais aussi admiration : ha, que cette série est bien foutue ! On y retrouve des accroches historiques pour les plus petits (sur l'Espagne au temps des grandes découvertes, sur les conquistadors, sur les civilisations précolombiennes, sur la navigation en mer...), des héros qui ont de la gueule (trois enfants qui permettent au jeune public de s'identifier, mais aussi des adultes crédibles, comme Mendoza, personnage futé et "anti-manichéen" par excellence – ni bon, ni mauvais), un scénario complexe qui n'est pas mièvre et qui prend pour principe que même des enfants peuvent comprendre l'adversité (par exemple, certaines scènes font référence aux massacres des Amérindiens)... Et puis ces mélodies faites de "Haaaahahahahaaaaa" ou encore de "Haaaaaaaaaaaa"... 


* * *

Ce soir, je me rends avec mes parents et ma fille à la soirée d'anniversaire de mon cousin Fridric. Il a bientôt quarante ans au compteur et pour fêter l'événement, il a invité une centaine de personnes à un repas dans le réfectoire de l'école primaire où il donne habituellement cours. C'est à deux pas de mon ancien lycée/athénée. J'ai plein de très bons souvenirs d'adolescence en tête (je suis ironique).
 
Les grandes tables du réfectoire sont disposées par "groupes d'intérêt" : "Famille" (la table à laquelle je suis installé), "Chorale" (car mon cousin chante dans une chorale, CQFD), "Tennis", "Poker", "Amis", "Enfants", etc. C'est vachement bien organisé. Il y a un DJ mais nous ne le voyons quasiment pas avant minuit. Durant le repas, le rôle du DJ consiste à prendre son ordinateur (avec une playlist préétablie) et de le brancher à un système d'enceinte acoustique (de très mauvaise qualité, dans ce cas-ci). 

Pour les quarante ans de son fils, ma tante (conteuse à ses moments perdus) a préparé, en collaboration avec la chorale, un discours qui fait rire tout le monde, sur l'air des Trois Cloches d'Edith Piaf. Ma tante conte la vie de son gamin et s'arrête de chanter à chaque couplet pour expliquer un détail croustillant ou une anecdote. Après ce discours qui n'en est pas vraiment un, le beau-fils (dix ans) de mon cousin lui lit un petit texte qu'il a préparé tout seul. C'est assez émouvant mais, de la façon dont c'est écrit, on a l'impression qu'il parle d'un mort, qu'il lit un discours funèbre. Fridric fait enfin un petit discours, qu'il termine par un mythique : "Et je tiens à saluer ici l'ainée de cette salle, ma grand-mère, cette vieille mijole" (en "belge", "mijole" désigne très vulgairement le vagin). Tout le monde éclate de rire. Mon père : "Roooh, il est vraiment taré. Il a osé dire ça devant cent personnes !"

Durant la soirée, un professeur de religion orthodoxe un peu hors-monde, qui a apporté pour tout cadeau un mug à deux euros, boit plus que de raison et tente d'emporter une partie de repas dans un aluminium...

Vers la fin de la soirée, Gaëlle commence réellement à fatiguer. Elle s'énerve pour un rien, pleure à la moindre contrariété... Nous nous en allons donc un peu après minuit. De toute façon, je commençais vraiment à avoir mal à la tête, avec tout ce bruit et tous ces gens...

vendredi 25 novembre 2011

Impitoyable vieillesse

Je suis en congé aujourd'hui et passe le temps de midi à la Maison du Peuple de Saint-Gilles en compagnie de mon PC portable. Je pensais arriver dans un endroit calme et désert mais c'est le contraire que je découvre : une salle noire de monde, avec des familles et des ordinateurs partout. D'où viennent tous ces gens ? Ne travaillent-ils pas, eux non plus ? J'en viens à imaginer les travailleurs du secteur tertiaire dans 20 ans : plus personne ne se rendra à son boulot, tout le monde travaillera à distance sur son petit ordinateur, depuis un endroit quelconque. Finies les pauses-cafés de 9h30, finis les contacts sociaux, place à l'individualisme forcené... Mais je m'égare...

Dans le train vers Namur, nous avons tous affaire à un vieux contrôleur ultra-méticuleux. Sur presque huit ans de navettes, je n'ai jamais vu une chose pareille. Le gars est à la fois extrêmement poli et d'un perfectionnisme qui force le respect. Il vérifie chaque abonnement et chaque ticket de transport avec un soin inouï ; il explique à une dame derrière moi que ce qu'elle a en main n'est pas valable ("Non, Madame, je ne l'accepte pas. Il vous faut un billet transfrontalier pour ce type de déplacement. Peut-être mes collègues l'acceptent-ils mais moi, je ne l'accepte pas car ce n'est pas régulier. Je vous remercie de votre compréhension...") ; il précise où chaque personne doit descendre ; il connaît le réseau comme sa poche et l'horaire de chaque correspondance ("Descendez à Libramont et prenez l'omnibus de 16h21, mais il est annoncé avec un retard de six minutes"). Lorsque ma voisine de siège lui montre sa carte "Train scolaire", il la déplie dans tous les sens à la recherche d'une éventuelle contrefaçon ; lorsque je lui montre ma carte "Réseau" (valable partout en Belgique), il la regarde dix secondes avec beaucoup d'attention et me demande où je vais car je ne peux "dépasser la frontière" avec ce titre de transport. Ce mec n'est pas un humain, c'est un cyborg !

À Namur, je bois un café à la brasserie Le Flandre en attendant l'heure de la sortie des cours. Juste à ma gauche, un client grisonnant commande une Triple Karmeliet. Lorsqu'il voit que la serveuse lui a apporté des petits biscuits salés en accompagnement, il s'offusque : "Pas de biscuits ! Ce sera du fromage ou rien !". La serveuse repart donc avec ses biscuits et lui ramène des dés de fromage : "S'il vous plaît, Monsieur." Réponse du gars : "Merci ma petite demoiselle. Moi, c'est Jean, pas Monsieur." Était-ce une tentative de drague ? Peut-être mais en tout cas, c'est raté.

À ma droite, deux vieux messieurs discutent. L'un a 95 ans et explique : "Il y a dix ans, je montais encore à pied jusqu'à la Citadelle. En deux fois, hein... Mais je montais tout à pied !". L'autre, beaucoup plus jeune, explique qu'il a de gros problèmes de santé actuellement : "C'est embêtant. Je ne peux plus faire de sport, je ne peux plus boire de café, je ne peux plus m'énerver..." Help ! Je veux mourir avant d'en arriver là ! Je repense au testament de Paul Lafargue (qui s'est suicidé à la veille de ses 70 ans), qui commence en ces termes : "Sain de corps et d’esprit, je me tue avant que l’impitoyable vieillesse, qui m’enlève un à un les plaisirs et les joies de l’existence et qui me dépouille de mes forces et physiques et intellectuelles, ne paralyse mon énergie, ne brise ma volonté et ne fasse de moi une charge à moi-même et aux autres."

Dans un train, question de Gaëlle : "Pourquoi le train s'arrête ?" La bonne réponse ("Parce qu'on est dans une gare") me semble totalement dénuée d'intérêt. Alors j'invente autre chose :

– C'est parce qu'il y a une vache sur la voie.
– C'est vrai ? Une vache ? Tu la vois ?
– Oui, oui.
– Mais je ne la vois pas, moi.
– Ha mais c'est parce que j'ai des yeux bioniques, qui voient à travers les murs !
– C'est vrai ?
– Ha ! On redémarre. Regarde par la fenêtre. Tu verras la vache, toi aussi...
Gaëlle regarde avec attention. Petits rires des autres passagers.
– Je ne vois rien !
– Oh, pas de bol, elle se trouvait de l'autre côté. C'était une vache-dragon, avec des ailes, qui crachait du feu.
– C'est vrai ?
– À ton avis ?
– C'est une blague, hein, Papa ?
– À ton avis ?
– Je ne sais pas, moi !

Il faut que je profite de ce genre de moment, car lorsque ma fille aura douze ans, elle ne croira certainement plus à ce genre de bobards (du moins j'espère pour elle...). 

La soirée se passe tranquillement chez mes parents à regarder Scoubidou (le film) à la télévision. Dieu que c'est con et mal joué ! Mais Gaëlle rigole bien. C'est tout ce qui compte, non ? Non ?

jeudi 24 novembre 2011

"Smoking/no smoking ?"

De bon matin au boulot, réunion à huis clos dans un des bureaux pour remettre les choses à plat (cf. la journée d'hier). Les tensions s'apaisent et c'est bien mieux comme ça. Lui comme moi en étions malades toute la journée d'hier. Nous devons travailler dans l'harmonie : working free in harmony (à moins que ce ne soit "walking free" ?)...

Ce matin, Doëlle, Miss "Numérisation des patrimoines", nous rend visite. Elle ne serait sans doute pas très contente si elle savait que je la présente de cette manière ici-même, mais fort heureusement elle ne lit sans doute pas ce blog. De toute façon, personne ne lit ce blog (c'est pas bientôt fini de se plaindre, ici ?).

Je ne savais même pas que Doëlle devait passer aujourd'hui : je ne suis au courant de rien, comme d'habitude... Ou alors, plus vraisemblablement, j'ai encore oublié d'écouter/prendre note à la réunion d'équipe de ce lundi. Que je sois maudit jusqu'à la septième génération de ma race pour avoir lancé un tel affront au glorieux monde du travail ! Malgré le fait qu'elle débarque sans que j'en sois informé, Doëlle arrive quand même à attraper un café. Une chance quand on connaît la vitesse vertigineuse à laquelle descend le niveau du thermos dans cette petite institution de caféinomanes... Tout va bien donc. Je me rends même utile en donnant à Doëlle le nom d'un logiciel "magique" qui permet de réaliser en quelques clics des renommages de fichiers : ça s'appelle Ant Renamer (Entrenémeur ?), c'est gratuit et ça
a changé sa vie et "celle de nombreuses institutions", paraît-il.

Ce matin encore, j'abats toujours une masse conséquente de travail. Ça veut dire que d'habitude, je ne fous rien ? Non, ça veut dire que d'habitude, je n'ai pas à travailler sur dix projets en même temps, que je dois clôturer pour cette fin d'année (qui s'approche dangereusement, mazette !). Ma collègue de bureau Wynka est encore beaucoup plus sous pression que moi : comparé à elle, je suis presque peinard, je me la coule douce... Elle doit actuellement gérer la dernière ligne droite de la publication d'un livre dont elle est la "rédactrice en chef" (ce n'est sans doute pas le bon terme), sauf qu'elle endosse la responsabilité d'une série de tâches dont elle ne doit normalement pas du tout s'occuper. Elle récupère une partie conséquente du travail d'acteurs extérieurs qui font mal leur job (Wynka est un peu dans la même situation que Léandra en ce moment !) : elle doit prendre des contacts avec l'imprimeur alors qu'il y a une infographiste attitrée, elle doit faire office de secrétaire en redistribuant des courriels, etc. Wynka est stressée, elle est à bout de nerf, elle s'active dans tous les sens. J'essaie de la faire rire de temps en temps : ça marche, mais ça ne la calme pas. À midi, elle dit : "Ha ! il y a du vin à table. Hé ben ce n'est vraiment pas de refus !".

Wynka a été entre autres éduquée par une mère fan de programmation neuro-linguistique (PNL en abrégé). Elle en rigole souvent et je ne sais pas si elle y croit réellement. À de nombreuses reprises, Wynka a déjà explicité les propos de sa maman : en PNL, il faut exprimer ses pensées de manière positive et avoir le moins souvent recours à la négation. Par exemple, en résumé, il vaut mieux dire : "Il y a du soleil" plutôt que : "Il ne pleut pas". Les deux phrases désignent le même fait sauf que la seconde est construite en référence à une pensée négative (pô bien !). Autre détail cocasse : toujours d'après la maman de Wynka, quand on veut que quelque chose se réalise, il faut regarder en haut à droite, signe d'avancement et de prise de hauteur. En haut à droite ? Ben oui : en haut à droite ! C'est-à-dire diriger ses yeux vers le coin du plafond qui se trouve à notre droite. Et quand il n'y a pas de plafond ? Hé bien on l'imagine, pardi ! Je ne peux m'empêcher de penser au ridicule de la situation si tout le monde se mettait à tourner les yeux en haut à droite, tout le temps et de manière frénétique.

Ce petit préambule pour amener le fait que Wynka, parlant brièvement des textes d'un militant communiste qu'elle a relus il y a peu, a sorti ce merveilleux commentaire : "C'est normal que ce qu'il proposait ne s'est jamais concrétisé car il construit systématiquement toutes ses phrases sur le mode négatif, sur l'opposition". La remarque me fait penser à... euh... quelqu'un... Je lui pose donc la question : "Et moi, je m'exprime comment ? J'écris comment ? De manière négative ou positive ?". Elle me répond, sans aucune hésitation : "Toi ? Tu es extrêmement positif en tout !". (Faut dire qu'au boulot, la très grande majorité du temps, mes collègues ne voient que ma version diurne : le type très confiant en ses capacités intellectuelles, trop sans doute. J'espère pour l'image que je leur donne qu'ils ne verront jamais la version nocturne.)

* * *

Ce soir, je suis invité chez Léandra. L'idée : me rendre d'abord à la Porte de Hal pour acheter des frites ("Yes Sir !"), qu'on mangera chez elle. Alors que je suis encore en réunion dans la banlieue de Liège (17h30, déjà ?), coup de téléphone d'Emily. Recontactée plus tard, elle veut savoir si je vais à la Maison du Peuple ce soir. Réponse :


– Non, je vais chez Léandra manger des frites, mais je lui ai posé la question et tu es la bienvenue !
– C'est qu'il y aura Walter aussi.
Arf. C'était censé être une soirée à deux au départ et ça va commencer à faire beaucoup... Je pense que ça ne va pas le faire.
– Pas de problème, je comprends.

Comme me le fera remarquer Léandra, nous allons encore passer pour de vieux acariâtres auprès de ces deux "jeunes gens" mais tant pis. Le but n'était nullement de faire une soirée "dream team".

À la friterie de la Porte de Hal, là où les vendeuses ne sourient pas, la faune est parfois très bizarre (ça explique sans doute justement la froideur des vendeuses). Alors que je commande nos deux paquets de frites, débarque un grand black à chapeau tout droit sorti de The Wire

Yo, tu me fais un sandwich à 2,50 !
– Désolé, c'est 3 euros, le sandwich...
– Hé, yo ! 2,90 !
– C'est 3 euros, le sandwich.
– Avec de la mayo, tu me connais ! Je prends toujours la même chose.
– Hier, c'était de la tartare.
– Je te le demande gentiment et c'est comme ça que tu me réponds ?
  
Chez Léandra, nous discutons sur de nombreux sujets. J'ai pris la peine de noter quelques bribes de conversations :

Moi : Les mandarines, c'est bon, mais ça ne vaut pas les oranges.
Léandra : Ouais, mais les oranges, c'est ennuyant à couper. Alors que la peau de la mandarine s'enlève toute seule !
Moi : C'est vrai.
Léandra : En quelque sorte, la mandarine, c'est le vélo à quatre roues des oranges...
Moi : Elle est très belle, celle-là, je prends note...

Léandra : C'est quand même génial de travailler près de la Bourse.
Moi : beurk, c'est le Centre-ville !
Léandra : La journée, ça va. C'est le soir que l'ambiance change. Dans le Centre-ville, le soir, même les touristes sont chiants.
Moi : Ah, je la note aussi celle-là : "Centre-ville, le soir, même les touristes sont chiants".
Léandra : Surtout les touristes ! Tu peux le noter, ça aussi.

Léandra : La semaine dernière, comme toi aujourd'hui, Jonas a été convoqué par son grand chef, celui qu'il appelle n+2, le chef de son chef.
Moi : "n+2", marrant...
Léandra : C'est très fréquent dans les boîtes. Emily dit ça aussi, non ?
Moi : Non, je ne crois pas... Elle dit "boss" et "big boss", je pense.
Léandra : En tout cas, c'est très fréquent.
Moi : On pourrait faire ça pour toute la société. n+11 : le premier ministre ; n+12 : le roi ; n+13 : Dieu !

Moi : Je vais vraiment passer pour un taré. Peut-être même que des amis vont me téléphoner pour savoir si je vais bien...
Léandra : En fait, tout ça me fait penser à Mr. Nobody de Jaco van Dormael. C'est un peu le même principe : une vie avec des histoires parallèles, des embranchements et des choix différents...
Moi : Ah, je ne connais pas. Je n'y connais rien en cinéma mais ça a l'air bien. En fait, je pensais plutôt à un autre film : le film français, là, avec Pierre Arditi... Raaah, comment ça s'appelle ? Blanc/Noir ? Non.
(Après recherche sur le Web...)
Léandra : Smoking/No smoking ?
Moi : Oui, c'est ça ! Smoking/No smoking ! Deux films qui proposent des fins différentes selon les choix effectués...
Léandra : Sinon, dans un autre genre, il y a aussi la Trilogie de Lucas Belvaux. Tu pourrais t'en inspirer pour de prochains articles...
Moi : Ha ?
Léandra : Oui ! Ce sont trois films qui racontent la même histoire mais vue d'un point de vue différent... Les personnages principaux de l'un deviennent les personnages secondaires de l'autre, etc. Après les avoir vus tous les trois, c'est génial !
Moi : Ha oui, ça pourrait être une belle idée d'article aussi...

mercredi 23 novembre 2011

"Humanisme", ça prend combien de haches ?

Si mes textes sont plus courts en ce moment, ce n'est pas parce que j'écris moins mais parce que je consacre la majorité de mon temps d'écriture à un autre projet. Je suis les conseils de mon amie Léandra, qui m'a bien fait comprendre dernièrement que je n'étais pas obligé d'écrire tous les jours une tartine indigeste. Ha bon ?

Au boulot, de bon matin et en pleine pause-café, je me prends dans la gueule, et ce alors que je suis de très bonne humeur, une belle crise d'hystérie de la part d'un des membres de l'équipe. Je suis en colère car ce qu'il me reproche me paraît totalement disproportionné par rapport aux faits. La tasse de café que je tiens en main droite tremble convulsivement : c'est dire si je suis énervé. Je n'en raconterai pas plus ici... J'écris ce petit paragraphe simplement pour me rappeler le jour et l'heure approximative de l'événement. Ambiance !

Sur le temps de midi, pour une raison perdue dans les limbes de ma mémoire, nous parlons de la rue Paradis, à Liège, en face de la gare des Guillemins. Détail cocasse : un bâtiment abritant un bureau du cdH (Centre démocrate humaniste – avec un grand H aux initiales siouplaît parce que l'humanisme c'est important, les Zamis) est le voisin direct d'un magasin de lingerie coquine (et peut-être de DVD de cul aussi – je n'en sais rien, je ne me suis jamais aventuré à l'intérieur).

Il n'en faut pas plus pour que la discussion vire à l'épineuse question de la prostitution car mes deux collègues bibliothécaires et moi, nous nous imaginons certains de nos anciens stagiaires en bibliothéconomie se rendre audit magasin coquin en guise d'amuse-bouches puis faire un détour par la rue Varin, celle des bars/vitrines à prostituées, à deux pas de la gare... (Faut dire que certains des stagiaires mâles ont gagné assez rapidement une réputation de "chauds lapins introvertis"
référence à ce que nous avons retrouvé à plusieurs reprises dans l'historique de certains PC de la salle de lecture – ils font ce qu'ils veulent de leur libido, mais pas dans une bibliothèque, nondidjû !)

Christiane, une des bibliothécaires, explique sa vision de la prostitution, que l'on pourrait résumer de cette manière, sans je pense trahir ses propos : à partir du moment où des personnes adultes sont consentantes pour pratiquer un acte sexuel, qu'il y ait rétribution ou pas, il n'y a strictement aucun problème ; le problème commence lorsqu'il y a exploitation d'un être humain par un autre. Je suis, pour ma part, d'accord avec elle mais ne peux m'empêcher de parler à table de l'opinion de Léandra, qui est presque à l'opposé de ce principe. Je ne cite pas son prénom durant la conversation mais mentionne que j'ai une amie qui pense le problème différemment : "Pour elle", dis-je, "la prostitution est toujours une exploitation, car on ne peut faire ce métier sans y être obligé". Sylvette et Christiane s'insurgent : "Mais il y en a qui aiment le sexe, simplement !". Vaste débat, à suivre...

Toujours au boulot, je passe une partie de mon après-midi à corriger un article qui nous a été remis par une étudiante de 2e cycle universitaire et que nous sommes censés publier comme analyse d'éducation permanente. En le lisant, je me dis que ladite étudiante a dû écrire tout cela très, très vite... ou alors qu'elle a d'énormes problèmes 1) de ponctuation ; 2) d'orthographe ("Quand est-il ?", "L'argument ce retrouve") ; 3) en analyse de contenu ; 4) en critique historique. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de ce machin ? Et dire que c'est parce que j'ai traîné dans la correction de ce papier que je me suis fait enguirlander ce matin. Misère !

Ce soir, de retour à la gare des Guillemins, je vois dans une librairie, en première page de la Dernière Heure (DH pour les intimes), un gros titre concernant la crise politique belge : "Sire, voici les idées de nos lecteurs" (un lien ICI)... J'ai failli l'acheter simplement pour lire les fameuses solutions proposées, puis je me suis ravisé. Si ce sont les mêmes lecteurs que ceux que l'on croise sur les forums en ligne du journal, ceux-là même qui publient une multitude de commentaires réactionnaires, populistes, fascistes, racistes (biffer les mentions inutiles, s'il y en a), je m'imagine très bien les "solutions" : "Donner les pleins pouvoirs à Maître Modrikamen", "Virer tous les socialo-bobo-gauchistes du P$", "Renvoyer les étrangers chez eux", "Faire justice soi-même", "Supprimer les allocations de chômage pour les parasites sociaux", "Faire appel à l'armée en cas de désordre public", "Interdire les mosquées", etc. Mais peut-être est-ce que je me trompe complètement ? Peut-être aurais-je dû l'acheter, c'te journal... Peut-être y aurais-je trouvé la crème de la crème en matière d'humanisme (avec un grand H ?) sophistiqué ? 

Ce soir, je passe ma soirée à la Maison du Peuple de Saint-Gilles (le quartier général des "socialo-bobo-gauchistes" ?). J'écris ce texte alors que je n'y suis pas encore. Actuellement, je suis encore dans le train. C'est le côté magique de l'écriture : je peux spéculer sur des choses qui auront sans doute lieu et, à l'inverse, sur d'autres qui n'arriveront certainement jamais.

mardi 22 novembre 2011

L'horloge flamande

Ce matin, je suis au CHU Saint-Pierre pour une visite de routine, un mois et demi après mon opération. Lorsque j'arrive au sixième étage de la Polyclinique (chirurgie-urologie-neurologie – pourquoi avoir regroupé ces trois-là ensemble dans un même service ? Je n'en sais fichtre rien), une dame entre précipitamment dans l'ascenseur avant même que je n'en sorte. Je déteste ça... Quelques secondes plus tard, la même dame me dit, fâchée : "Vous m'avez cognée avec votre sac !" Je lui réponds, un peu rouge : "Madame, on laisse d'abord sortir les gens d'un endroit avant d'y entrer. Si vous aviez eu cette politesse, jamais vous n'auriez été cognée !" Jusque là, rien de drôle...

À l'accueil, trois dames discutent de néerlandais :
– Comment dit-on l'heure "et demie" en néerlandais ? "Half voor quelque chose" ?
– Ha non, dans ce cas-là, on ne met pas de "voor". On dit simplement "Half". Le "voor" est sous-entendu... "Het is half tien" : il est 9 heures et demie.
– Ha d'accord. Et comment on dit : "Il est 9 heures vingt", par exemple ?
Une des dames prend alors un air docte :
– Simple : tu dis "Het is twintig na negen". "Voor" : avant. "Na" : après. C'est magique !
Durant un bref instant, je tique... "Na" ? N'est-ce pas plutôt "over" ? Je ne dis rien... Ensuite, elles tentent, le sourire aux lèvres, quelques phrases hésitantes :
– "Welke activiteit doe je hier ?" Hahaha !
– "Deze... Euh... CHU is beter dan CHU Namen". Hem... Comment dit-on "CHU" en néerlandais ?

À ce moment, j'en viens à me demander si elles sont parfois confrontées à de véritables patients ne parlant que le néerlandais... Si c'est le cas, j'aimerais vraiment être là pour assister à la scène...

Je me rends dans la salle d'attente. La partie en néerlandais s'arrête donc là (et ce n'est pas plus mal). Deux vieux monsieurs de 80 ans passés arrivent plus ou moins en même temps. L'un est du genre "dandy élancé" ; il porte un costume, une cravate et une belle écharpe. L'autre est du genre "brusseleir" ; il marche difficilement avec une canne, porte une casquette et est chaussé de simples pantoufles de salon. Je ne pense pas qu'ils se connaissaient avant ce moment, mais lorsque le second arrive à la hauteur du premier, il lui crie un joyeux : "Comment ça va ?" et tente de faire un salut "à la d'jeune" (cette poignée de mains particulière qui consiste à taper d'abord sur le haut du poing pour ensuite faire une opération bizarre avec le bout des doigts...). Voyant que ça ne fonctionne pas du tout, il finit par lui serrer tout simplement la main. "Je vais m'asseoir à côté de vous", lance le second qui essaie tant bien que mal de faire un brin de causette en demandant l'heure (11h) ou l'âge du premier (85 ans) mais ça ne fonctionne pas du tout. Je vois bien que le dandy est peiné par cette incursion non sollicitée. Dès lors, il se retourne, puis se casse, tout simplement (!).

Mon chirurgien sort de son bureau, qui est presque contigu à la salle d'attente, et appelle un patient. Il porte un costume un rien démodé, le genre de costume que l'on retrouve dans les films italiens des années 60-70 ou bien dans Le Corniaud. En me voyant, il me fait un petit signe : "Hamilton ! Encore un patient avant toi, et puis c'est ton tour, hein..." La visite chez lui dure seulement quelques minutes, le temps de vérifier ma cicatrice au nombril : "Dans trois mois, on ne verra plus rien ! Avant on faisait trois trous dans l'abdomen... Maintenant, c'est fini, tout ça ! Pfiout ! Passé... Alors, heureux, Hamilton ?". Que répondre si ce n'est "Ha ben oui, heureux, heureux...".

Je fais la file à l'accueil pour fixer un dernier rendez-vous avec ce chirurgien, pour la mi-février. Déboule (façon de parler) le vieux monsieur brusseleir de tout à l'heure. Il me dépasse et... passe carrément devant moi (!). Que faire ? Lui crier "Bordel de merde, j'étais avant et ce n'est pas parce que vous êtes un vieux schnock qu'il ne faut pas faire la file comme tout le monde !" n'est certainement pas la bonne solution, bien qu'elle me passe un instant par la tête. Alors je ne dis rien et je patiente, en me remémorant un épisode de Groland sur le complot des vieux (ils ont vu juste, à Groville !).

Conclusion : ma visite à l'hôpital était un peu moins marrante que les dernières fois. Tout se perd, que voulez-vous ? Mais où va-t-on, je vous le demande ? Pauvre Belgique !

lundi 21 novembre 2011

Probabilités

Considérant
que le train Liège-Bruxelles de 18h est composé de 15 wagons,
que chaque wagon dispose de 15 rangées de sièges,
que seule une rangée sur trois est occupée par un passager,
qu'un gars mort bourré cherchera forcément à emmerder quelqu'un,
quelle est la probabilité que ledit gars tombe sur moi ?

La réponse est très simple, du moins en théorie : 15 wagons x 15 rangées : si le gars reste statique, ça nous fait 225 rangées où il peut s'asseoir, donc une chance sur 225 qu'il tombe sur moi. Vu qu'il posera ses fesses à un endroit où il peut emmerder quelqu'un, dans un train relativement vide comme celui-ci, cette première estimation doit être revue à la hausse, soit plus ou moins une chance sur 75.

En pratique, c'est oublier que je m'appelle Hamilton L. Evenvel et que, de ce simple fait, mes chances d'attirer un casse-pied, lorsqu'il y en a un présent dans le train, avoisine les 100%. Bingo ! Vers la fin du trajet, un gars agrippant tant bien que mal une Cara Pils et dont l'élocution montre qu'il ne s'agit clairement pas de la première s'assied à deux mètres de moi, sur la banquette de l'autre côté de la travée centrale. À quelque chose malheur est bon : je n'avais vraiment rien à raconter aujourd'hui. Grâce à cet olibrius, voilà que je peux combler ce triste vide événementiel.

Pour débuter la conversation, alors que notre train est immobilisé un peu après Leuven, il me demande : "On est où, là ?" En vérité, il n'a pas du tout prononcé ces mots : ça ressemblait plus à un "Onéyoula ?" mâchouillé, mais j'ai compris le principe. Trente secondes plus tard, il me redemande : "On est où là ?". Au même endroit ou presque. Puis, il me crie : "Brussel ?". Non, on n'est pas encore à Bruxelles. "Brussel Midiii ?". Non, non, pas encore. Cette conversation semble durer des plombes. Il répète sans cesse "Brussel". Je finis par l'ignorer en remettant mes écouteurs, mais je ne suis pas très à l'aise...

Arrivés à Bruxelles-Nord, ambiance : la contrôleuse tape à la vitre du wagon pour signaler au gars ivre qu'il est arrivé à destination (apparemment, il lui avait demandé qu'elle le prévienne à l'arrivée en gare). Là, j'ai pu noter (sur mon PC) l'entièreté non tronquée de son discours (désolé pour la vulgarité, ce n'est pas moi, c'est lui, M'dame !) : "Qu'est-ce qu'elle me veut, c'te salope ? J'descends à Bruxelles-Midiii, pas ici, moi ! Elle veut me baiser, mais mon pénis, il est fatigué... Il en peut plus ! Ha, les femmes, elles fatiguent... Elles fatiguent et elles comprennent rien." Il regarde ensuite la contrôleuse qui se trouve pour le moment sur le quai et me lance : "Elle est jalouse. Elle croit que je dors... Je ne dors pas. Elle croit que je dors mais je ne dors pas, hahaaa... De toute façon, on va trouver après. On trouvera, t'inquiète. On trouvera sans problème..."

À ce moment, il met une main à son entrejambe et commence à se frotter vigoureusement et de façon obscène au travers de son pantalon. Puis, il décide de s'asseoir en face de moi. Ouais, bon, ça suffit comme ça... Je range mon PC et je me casse du wagon. Il me lance : "Hé ! Musique, faut que tu mettes de la musique ! Tu t'en vas ? Musique..."

dimanche 20 novembre 2011

Hausse de tension

Faut-il vraiment que je décrive ce dimanche passé à lutter contre ce mal de tête en sourdine, contre cette légère mais énervante oppression dans ma poitrine, bref contre cette hausse de tension ? À cette question, Léandra me répondra : "Tu n'es pas obligé d'écrire un roman... Tu peux aussi faire très court." En effet, je peux faire très court, d'autant plus que je n'ai pas grand chose à raconter.

Cette hausse de tension a commencé vendredi dès le réveil, a continué samedi (à tel point que j'ai dormi presque toute la journée, jusqu'au moment de me rendre au cinéma avec Emily) et est toujours présente ce dimanche. Je dois dès lors faire un effort monstre pour bouger, parce que tout me fatigue. C'est bien ma veine !

Je passe l'après-midi au Potemkine. Léandra doit m'y rejoindre vers 16 heures. L'idée : passer notre temps en regardant un concert de Mr Diagonal. À lire la description du bonhomme et de son style ("un répertoire personnel et résolument diagonal alliant son Muppet Show intérieur avec le romantisme celte, en passant par le vaudeville Cockney et le Jesus rock" : ha bon ?), la représentation risque d'être sympa. Pas de bol : Mister Diagonal est malade et le concert est annulé. Comble de malchance : Léandra est totalement déprimée (on est le 20 novembre*). 

En résumé : je suis physiquement cassé, Léandra est moralement cassée et on s'emmerde. Que faire ? Aller à la Maison du Peuple ? Oui, pourquoi pas... Nous nous rendons donc au Parvis de Saint-Gilles, passons la porte d'entrée du fameux café, non sans avoir salué un serveur, restons dix secondes chrono à l'intérieur, et puis non : et si nous allions manger chez Léandra ? Oh bah oui, pourquoi pas ? Allons manger chez Léandra ! Elle a un reste de pâté de je ne sais plus quoi, du salami Weight Watchers (gné ?) et de la Tomme de Savoie dans son frigo... Nous achetons une (une) bière, une baguette et du pain au passage. 

Andrew doit nous rejoindre. Nous l'attendons donc pour manger. Léandra et moi espérons qu'Andrew pourra nous remonter le moral parce que ce n'est pas la joie. L'effet est concluant. Nous disons à Andrew dès le début que son but dans cette soirée est de remonter le niveau de tout le monde et ça marche assez bien.

Et puis quoi ? Et puis Walter me téléphone. Il est venu à la Maison du Peuple en voiture et croyait que nous y serions mais non, évidemment : nous sommes chez Léandra et nous n'avons pas encore le don d'ubiquité. Pas grave : je lui dis de passer chez elle, c'est à deux pas. Va-t-il venir ? Mystère... Il me rappelle une minute plus tard pour me dire qu'il rentre chez lui. Pourquoi ? Je n'en sais rien : je n'ai rien compris à son explication.

Je suis fatigué, pas question de m'éterniser chez mon amie. Il est dix heures à peine quand Andrew et moi reprenons le tram vers nos foyers respectifs. Et puis voilà : j'avais dit que ce serait court aujourd'hui... C'est pas plus mal, non ?
_____________________________________
* Et alors ? Ben on est le 20 novembre, quoi !

samedi 19 novembre 2011

Un soir à la Cinematek

Ce soir, Emily me propose d'aller à la Cinematek Flagey voir Dark Waters de Walter Salles, remake américain (2005) d'un film de Hideo Nakata (2002). J'accepte, sans vérifier ce que c'est. Un peu plus tard, je m'en vais lire ce qu'en dit la critique. Celle-ci est presque unanime : mieux vaut visionner l'original japonais, qui joue beaucoup mieux sur l'esthétique et les ambiances oppressantes, que son homologue américain... Zut alors ! Pas grave, on verra bien. Par ailleurs, j'apprends que l'actrice principale du film n'est autre que Jennifer Connelly, celle qui, à la fin de son adolescence, joua dans Labyrinthe de Jim Henson... Donc si le film s'avère nul, je pourrai toujours passer presque deux heures à dévorer des yeux cette actrice qui constitue un de mes absolus en matière de féminité. (Et c'est quoi tes autres absolus, mon gars ?)

Conclusions après visionnage : un film fantastique "classique" pas trop mauvais, qui mise plus sur la création d'une atmosphère oppressante que sur une quelconque vision gore. Ici, pas de découpage à la tronçonneuse ni d'horribles monstres purulents. Non : ici, tout tourne autour de l'eau. Une eau noire qui se déverse dans l'appartement d'une jeune femme et de son enfant (ce fait me rappelle le sang de l'ascenseur dans Shining), en parallèle avec la mort d'une petite fille abandonnée, qui réclame l'attention qu'elle n'a pas eue de son vivant. Une mort par noyade, comme on l'apprendra plus tard et comme on s'en doutait déjà un peu... Bah oui : si la petite fille était morte incendiée, le film ne se serait pas appelé "Dark Waters" mais plutôt "Dark Fire". Pas con, le réalisateur...

Comme trame parallèle, les déboires de Dahlia Williams (Jennifer Connelly) avec son ex-mari pour la garde de leur fille. Dahlia va s'installer dans un coin paumé de New York, ce qui énerve son ancien compagnon qui continue d'habiter la ville et qui doit se taper "Outsiplou-les-Bains-de-Pieds" pour la récupérer chaque week-end. La petite fille a également une amie imaginaire, qu'elle appelle Nona Alexandra... Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne peut être que fortuite... Et puis, Maïté ne ressemble pas à Jennifer Connelly... Quoique... Euh... Maintenant que j'y pense, il y a quand même un petit air général, en fait...

Le logement dans lequel vit Dahlia et sa fille est présenté à des fins commerciales par le promoteur immobilier comme une utopie... Une utopie ratée dans ce cas... Une sorte de phalanstère dont l'idée originelle (regrouper une communauté dans un environnement harmonieux et autarcique) s'est perdue dans l'oubli. Ne reste plus que de hautes tours résidentielles délabrées, avec des locataires vivant dans l'isolement le plus complet. Une dystopie, un anti-phalanstère, dans les faits. C'est, je pense, cet aspect du film qui m'a le plus plu.

* * *

Après le film, Emily et moi allons au Murmure, un café étroit dans une petite rue à deux pas de la Cinematek, dont le décor est constitué de gros et de petits tuyaux. Autant Emily déteste le Verschueren (voir hier), autant elle adore le Murmure, car l'endroit "possède un cachet particulier". Bref. Nous y restons le temps d'un verre. Emily prend un Orval. Quant à moi, je prends... un Orval aussi. Nous regardons le programme de la Cinematek et nous disons que nous devrions y retourner plus souvent... 

Emily tombe subitement (c'est le mot) malade. Son nez se bouche à la vitesse d'un Thalys sur la LGV2. Elle me raconte qu'en Belgique, les habitants ont beaucoup plus de sinusites qu'ailleurs à cause du temps très humide. Je n'ai pas envie d'aller vérifier cette information... Après notre Orval, nous reprenons le chemin du retour, elle vers le quartier de l'université en bus, moi vers Saint-Gilles en tram...

vendredi 18 novembre 2011

L'histoire orale dans tous ses états

Dans le tram, ce matin, je croise Chrislène (une des copines d'université de Maïté), qui habite depuis environ un an à une rue de chez moi. C'est la première fois que je la revois depuis toutes ces années mais nous n'avons pas trente mille choses à nous dire, juste quelques banalités : "Tu travailles toujours au même endroit ?", "Ta fille va bien ?", "Et sinon, ça va ?", etc. Faut dire aussi que nous ne nous voyons que pendant quelques minutes car je sors du tram après quatre stations seulement, pour me rendre à une journée d'étude sur l'histoire orale, organisée par un centre d'histoire contemporaine : ça va être poilant !  

Cette journée de vendredi est donc placée sous le signe de l'histoire orale... L'histoire orale, kézako ? Hé bien c'est tout ce pan de la science historique qui prend les sources orales comme domaine particulier d'étude et de recherche : récits de vie, chansons, témoignages, interviews... Souvent sous-estimé par les historiens (mais ils se soignent – j'en sais quelque chose), l'apport des sources orales n'est pas négligeable dans la compréhension d'un phénomène historique, même s'il faut bien faire attention de prendre un témoignage pour ce qu'il est : un souvenir (souvent lointain), transformé aux fils des ans à la suite de différents processus psychologiques (déformation de la mémoire personnelle, auto-censure...) et sociologiques (ajout d'éléments mémoriels d'un groupe, d'une collectivité dans ses propres souvenirs...).

Lors de cette journée d'études, la majorité des interventions ont lieu en néerlandais et je ne serai hélas pas capable de tout comprendre. En toute franchise, je n'ai par exemple strictement rien pigé au discours d'introduction d'une professeur à l'université d'Amsterdam, tant sa prononciation du néerlandais diffère de tout ce que je connais (c'est-à-dire pas grand chose, il faut bien l'avouer). La compréhension passe mieux pour d'autres mais je suis néanmoins ressorti de cette journée avec un sacré mal de crâne (mais je ressors toujours de ce genre de journée avec un mal de crâne : ça n'a aucun rapport avec la langue parlée, en fait).

J'ai griffonné à la volée une série d'idées ou de questionnements qui m'ont paru très intéressants, afin d'en faire un résumé pour mon boulot (ça va être joyeux !). Ainsi cette phrase, apparue sur le PowerPoint d'un des orateurs, concernant "l'écran déformé du temps" : "Difficile de démêler le reflet du temps présent et du passé". Toujours cette question de la mémoire et du souvenir, qui se reconstruisent en permanence à l'aune du temps présent : interrogez un vieillard sur sa jeunesse et ce qu'il vous racontera ne sera sans doute qu'une version très édulcorée de ce qu'il a réellement vécu, éludant la plupart des aspects désagréables. Rectification : interrogez n'importe quelle personne de plus de 25 ans sur "sa jeunesse" et ce qu'elle vous racontera ne sera sans doute de toute façon qu'une version édulcorée... 

* * *

De retour chez moi vers une heure du matin, seul dans mon lit, afin de calmer mon énervement, j'ai une discussion "comique" avec moi-même :

– Et alors Hamilton, ça fait quoi de passer tes soirées avec des gens de droite ?
– Oh, bah tu sais, je commence à avoir l'habitude, hein... 
– C'est pas une raison...
– Ils sont quand même sympathiques. Je les aime bien. Et puis, Léandra n'est pas de droite, elle. Enfin je ne pense pas... Euh...
– Ouais, mais Léandra n'était pas là ce soir, de toute façon...
– De fait.
– Mais quand Emily parle à tout bout de champ de "racailles" comme dans un mauvais reportage de TF1, ça ne te fait pas tiquer ?
– Bah, ça m'énerve... Après avoir discuté pendant un quart d'heure du sujet en essayant de rester calme, je regarde ailleurs, c'est tout...
– La technique de l'autruche, quoi... Et quand elle te fait comprendre qu'elle trouve que tu laisses Gaëlle faire trop ce qu'elle veut et que ça ne va pas, ça ne t'énerve pas ? Ne me me dis pas que ça ne t'énerve pas, car je ne te croirais pas une seule seconde !
– Si, si, ça m'énerve. J'éduque ma fille comme je veux... Comme on m'a éduqué en fait.
– Et quand Walter renvoie chier un clochard qui lui demande s'il peut lui acheter une clope par un très beau : "Non, désolé. Il y a un magasin de nuit, là-bas, si vous en voulez une...".
– Ouais, je sais, je sais...
– Et quand ils disent de concert que le Verschueren n'est vraiment pas bien parce qu'on n'y trouve que des déchets humains, tu ne trouves pas ça bizarre ?
Argh !

Et forcément, après pareille réflexion, comment arriver à trouver le sommeil ? Hé bien sans aucune difficulté, en fait ! Comme c'est étrange...

jeudi 17 novembre 2011

Auto-analyse

Lundi 14 novembre, Léandra Courbet, guest star occasionnelle de ce blog, rédigeait "ma" journée à ma place. Pour être honnête, elle n'a pas réellement publié ce texte ce lundi 14 novembre mais dans la nuit de mercredi à jeudi. C'est comme ça que ça fonctionne ici : le concept est d'écrire un article (au moins) par jour mais nullement d'écrire l'article du jour le jour même (j'espère que je suis clair). La nuance est de taille... Bon, d'accord, Léandra aurait pu faire un effort, vu qu'elle était en congé, tout ça, et qu'en plus elle ne tient plus aucun blog pour l'instant (du moins pour ce que j'en sais). Mais on ne peut pas trop lui en demander, à notre Léandra nationale : depuis quelques semaines, elle n'a plus une minute à elle, entre les cours d'impro, les rendez-vous avec un ami ou un ex-futur-ex-futur amoureux, et enfin son boulot où elle remplace toute une équipe... 

Donc Léandra poste son article ce jeudi vers minuit et demi et me réveille brièvement en m'envoyant un sms pour me le signaler. Quelle idée aussi de déjà dormir alors qu'il n'est même pas une heure du matin (je deviens vieux) ! Ce matin, sans doute un peu inquiète par ce qu'elle avait elle-même raconté à mon encontre dans son post, elle m'a demandé si je n'étais pas fâché : paraît-il qu'elle aurait p'têt' ben sous-entendu quelque part que je serais-t-y pas un p'tit peu alcoolique sur les bords que ça ne l'étonnerait même pas, pardi ! Je l'ai tout de suite rassurée : je ne suis pas du tout fâché. Pourquoi le serais-je ? Ce qu'elle a écrit sur moi est en fait assez proche de l'idée que je me faisais de ce qu'elle écrirait sur moi (j'espère que je reste clair).

Par contre, Léandra pose un certain nombre de questions qui nécessitent une réponse de ma part et aligne un certain nombre de commentaires qui demandent une explication supplémentaire. Vu que je n'ai pas envie de mentionner ici mon boulot constitué de deux longues réunions qui m'ont donné un terrible mal de crâne, j'ai décidé de reprendre ci-dessous une série d'idées abordées par Léandra, celles qui me concernent directement, et de les commenter du mieux que je peux...

Léandra : contrairement au Blog du Noctambule, le présent blog (Hamilton's Diary donc) est on ne peut plus classique : il "tire son originalité de sa rigueur plus que de sa structure".

C'est totalement vrai, mais je n'arrive pas à savoir si je dois prendre cette remarque comme un compliment ou comme une critique (je suppose que c'est un peu les deux à la fois). Léandra aime les blogs originaux, ceux qui possèdent une ligne et une charte éditoriales claires et intelligentes. Pour ce blog-ci, véritable fourre-tout sans queue ni tête, on attendra encore longtemps une quelconque ligne éditoriale... Cependant, ma (pseudo-)régularité l'impressionne parfois un tantinet, je pense.

Léandra : "Mon Dieu, comment Hamilton arrive-t-il à brasser autant d'idées différentes tous les jours ? [...] Des fois, je me demande même s'il pense réellement aux trucs qu'il évoque dans son journal, ou s'il se force à y penser pour avoir quelque chose à écrire."

C'est une excellente réflexion et il est à mon avis assez facile pour un lecteur régulier de faire le tri entre les articles qui ont été écrits de manière un chouïa forcée (parce que je n'avais rien d'autre à raconter de ma foutue journée à la con) et ceux qui ont été écrits parce que, au contraire, j'y ai beaucoup réfléchi. Les seconds me semblent en tout cas, lorsque je les relis, beaucoup moins confus.

Exemples d'articles "forcés" :  
- "Discussions rêvées" : je n'avais vraiment pas grand chose à raconter ce jour-là. Rien de spécial au boulot... Seul le soir... À part un bref coup de fil (réel) de Léandra, il fallait que je comble le vide de ma vie par des discussions qui n'ont jamais eu lieu.
- "Reprise du travail : fragments" : c'était un lundi, je reprenais le travail après deux semaines de convalescence, j'étais fatigué... J'ai dû faire des efforts de mise en forme pour ne pas laisser transparaître le fait que je n'avais strictement rien à dire.
- "Auto-analyse" : je ne sais pas quoi écrire aujourd'hui alors j'écris un texte contenant plusieurs paragraphes qui traitent du fait que quand je ne sais pas quoi écrire, je rédige de manière forcée.

Exemples d'articles "motivés" :
- "Tintin de Spielberg ou l'art de transformer l'or en plomb" : j'étais tellement remonté contre ce film en sortant du cinéma que je l'ai ressassé deux jours durant. L'article coulait donc de source.
- "Considérations sur le nombril et sur Wittgenstein" : dans cet article, je mentionne une visite à l'hôpital et, assez curieusement, lorsque j'écris sur l'hôpital, je suis très motivé, chaque visite contenant d'énormes potentialités comiques (chirurgien fou, personnel aphone, client bizarre, etc.). De même, tout ce que je raconte sur Wittgenstein traduit un réel intérêt et non pas un prétexte pour remplir ce blog. 

"Des fois, je me dis que c'est trop, que les lecteurs ne suivront pas (mais Hamilton semble s'en foutre 'royalement' – moi je ne pourrais pas)."

En effet, je m'en fous royalement (ou presque). On ne sera jamais d'accord, Léandra et moi, à ce sujet. 

Ce sont presque deux visions antagonistes qui s'affrontent. Si Léandra écrit, c'est pour être lue. C'est une maniaque des statistiques : elle veut savoir si on la lit, qui la lit et surtout si certaines personnes "élues" la lisent. Quand elle écrit quelque chose, elle espère (c'est vraiment le mot) que la (ou plus rarement les) personne(s) à qui son texte est destiné vont le lire et se manifester. Léandra n'aime pas quand un blog n'est pas assez connu (et elle utilisera tous les canaux possibles pour le faire connaître, justement) ou quand personne ne poste de commentaires. 

De mon côté, c'est l'inverse : je ne veux pas spécialement savoir si on me lit, même si je sais qu'on me lit (si j'écris des articles sur mes statistiques, c'est que ça m'intéresse quand même un tout petit peu, hein, faut pas croire...), je n'espère pas que les textes que je poste soient lus par ceux qui devraient les lire et je ne fais strictement rien pour faire connaître ce blog. Au contraire : j'attends, patiemment. Je me dis que si ce blog est lu par quelqu'un, hé bien c'est qu'il devait être lu par quelqu'un... Encore du fatalisme débile, oui... 

"Des fois, j'ai honte à le dire mais… je saute des paragraphes, à la recherche de petites infos croustillantes sur mes amis ou, encore mieux, sur moi-même (...)"

Et voilà ! Non seulement Léandra écrit pour être lue mais en plus, elle ne lit que ce qui concerne son petit monde... Tsss... Solipsiste ! (Est-ce un compliment ?)  

"C'est pas une bonne chose, je trouve, qu'il ait tendance à picoler. (...)"

Non, en effet. 

* * *

Léandra est malade. Elle devait aller manger des frites avec Romain ce soir mais est trop fatiguée pour sortir. Alors elle annule le rendez-vous et me propose de passer chez elle. Avant que je n'arrive, apprendrai-je plus tard, elle a même envisagé de m'envoyer en mission à la Porte de Hal pour ramener des frites. Je suis un véritable chevalier servant ! Réminiscences de Warcraft : "Yes ?", "My Lord ?", "Yes, My Lord !"... 

Chez Léandra, la conversation est plus ou moins équilibrée... Comprendre : nous parlons chacun à notre tour de problèmes qui nous préoccupent... Elle : Jonas. Moi : un projet (ridicule voire un rien mégalo) pour le présent blog qui me tient à cœur et pour lequel je me pose une série de questions (tout aussi ridicules).

Léandra aimerait continuer à regarder Star Wars ce week-end. Car oui, elle a regardé (pour la première fois de sa vie) l'épisode IV de cette saga avec Jonas et aimerait continuer avec l'épisode V. Ha ! L'Empire contre-attaque ! Le plus bel épisode de la série... ou le moins mauvais, tout dépend du point de vue. J'ai subitement envie de les revoir, tiens. Quant à Léandra, je suppose qu'elle n'a a priori strictement rien à cirer de Star Wars. Sauf que dans ce cas précis, elle regarderait le film avec Jonas et ça changerait tout. La situation aurait pu être bien pire, si ledit Jonas avait été fan de Chuck Norris ou de philatélie ou que sais-je encore ?

mercredi 16 novembre 2011

"Ça va à la Maison du Peuple ?"

Ce matin, au boulot, je reçois un coup de fil de Lewis, vingt jours après son dernier coup de téléphone. Je décroche. Je comptais le joindre un de ces jours, tout en remettant constamment la chose à plus tard. Lewis a une petite voix triste.

– Lewis, bonjour ! Comment ça va ?
– Pas très bien, j'ai eu quelques ennuis de santé mais je ne téléphone pas pour cette raison.
– Oh.
– J'ai vu Mary dernièrement. La discussion est toujours aussi intéressante avec elle. Mais elle m'a dit que tu ne comptais peut-être pas recommencer le badminton. Est-ce vrai ?
– Oui, bah, je ne le sais pas moi-même. Peut-être. Disons que ça m'énerve quand on me demande si je vais recommencer, alors je réponds souvent que je ne recommencerai pas du tout
– Tu as rencontré quelqu'un, c'est ça ? Tu as trouvé une jolie jeune femme ?
– Non, non, je passe juste mon temps libre autrement, pour le moment.
– Tu sais, tu fais ce que tu veux, Hamilton. Ce serait ridicule de recommencer quelque chose si tu n'as pas l'envie de le faire, mais tu dois savoir que tu seras toujours chez toi au club. Toujours. Sache-le.

* * *

Le midi, dans la sandwicherie en face de mon boulot (dans la banlieue de Liège), une des vendeuses m'apostrophe :

– Ça va à la Maison du Peuple ?
– Pardon ?
– À la Maison du Peuple, à Saint-Gilles. 
– Euh...
(Pendant un bref instant, une pensée traverse mon esprit : "Lit-elle mon blog ?". Puis : "M'enfin, mais non !")
– J'y étais avec des amis bruxellois la semaine dernière. Vous étiez à une table, mais vous ne m'avez pas vue.
– Ha ! Haha, oui ! Ha, ben disons que je passe beaucoup de soirées là-bas pour le moment.
– Vous habitez Bruxelles ?
– Yep...
(Elle écarquille les yeux) Et vous venez travailler ici tous les jours ?
– Yup, ça va faire six ans...
– C'est loin.
– Hé ouaip !
– Tout ça pour travailler dans une administration communale ?
– Ben en fait, je ne travaille pas à l'administration. L'endroit où je travaille se situe dans les locaux de la Commune, mais c'est tout. Pour faire simple, mais vraiment très simple, je travaille dans un institut d'histoire contemporaine.
– Et vous faites quoi ?

S'il y a bien quelque chose que je ne sais pas faire dans la vie, même si je me suis vachement amélioré à ce niveau, c'est expliquer en quoi consiste mon travail. Il y a cinq ans, je me présentais simplement comme "archiviste" et quand on me demandait en quoi ça consistait, je répondais : "En fait, je trie et je fais des inventaires de vieux documents". Sans doute ma présentation aurait-elle eu beaucoup plus de gueule si je m'étais présenté de cette manière : "Je suis record manager ; mon domaine d'activité, c'est la préservation du passé pour envisager le futur en toute quiétude, yeah !". Hors de question que je dise ça un jour, même pour rire. 

En ce qui concerne la jeune dame de la sandwicherie, j'ai trouvé un moyen d'éluder sa question. Je lui ai donné l'adresse de notre site Web : "Vous verrez, c'est très chouette !".

* * * 

Je m'installe au Verschueren en attendant Walter, qui doit arriver d'un moment à l'autre. Ils ont de l'Orval, dans ce café : rien à voir avec l'autre "bidule" d'à côté, toujours en rupture parce qu'un certain Evenvel, Hamilton de son prénom, vide leur stock aussi vite qu'ils ne le remplissent... Mais quand Walter débarque, il veut absolument que nous allions à... la Maison du Peuple (argh !) parce qu'ils y servent de la Chimay Blanche au fût. Pour une fois que je voulais changer d'atmosphère, hé bien c'est raté !

Incroyable : quand nous débarquons à la Maison du Peuple, Emily y est déjà, ultra-concentrée sur son PC portable. Elle ne m'avait même pas dit qu'elle s'y rendait ce soir. La raison : elle y est pour travailler, oui-Monsieur-c'est-ça-être-cadre, à tel point que Walter et moi la laissons pour nous installer à une autre table pas loin. De temps en temps, je regarde dans sa direction pour m'assurer qu'elle n'a pas disparu sous ses papiers. Pour notre deuxième tournée, je prends quand même la peine de lui apporter un cappuccino, faut pas déconner non plus !

Walter est très content. Il a "une bonne nouvelle" à m'annoncer : il a sans doute trouvé un boulot de stagiaire dans une ONG du nom d'Acted (Agence d'aide à la coopération technique et au développement). Il parle désormais de partir au Congo ou au Tadjikistan (comme Annabelle ?) pendant six mois dès décembre ou janvier prochain pour travailler au sein du département "Finance" d'une cellule d'aide humanitaire. Ce gars m'étonnera toujours.

Une des grandes questions de Walter en dehors de la coopération au développement est la suivante : "Est-ce que les hommes d'église se touchent parfois ? Tu crois que Monseigneur Léonard, il se masturbe de temps en temps ?". Autre question de Walter, corollaire de la première : 

Est-il physiologiquement possible pour un homme de passer une vie entière sans se masturber ?
Je suppose que oui...
(Pensé très fort : ... bien que je n'ai nullement envie d'expérimenter la chose juste pour la prouver.)
– Mais à un moment, il y a un "trop plein" et ils doivent quand même bien finir par éjaculer !
– Mais ils ne sont pas obligés de se masturber pour ce faire. Ils peuvent éjaculer dans leur sommeil, de manière fortuite... 
– Ce n'est pas bon du tout, ça.  
(Walter a l'air très préoccupé par la santé des hommes d'église.)
– J'en sais rien...
– Si, si. Il faut régulièrement se vider, sinon ça peut créer des problèmes.
– Je suppose qu'après un certain temps d'abstinence, leur production de sperme diminue, non ?
Pas sûr... Et puis, les spermatozoïdes pourrissent à l'intérieur, après un petit temps.
Mais non !
Si, c'est comme ça !
(À un moment, j'ai envie de me lever et de crier : "Y a-t-il un sexologue dans la salle ?" mais je me retiens – de crier, j'entends bien.)

Emily nous rejoint plus tard dans la soirée. Elle a terminé son travail. Elle est en petite forme. Elle transforme des sous-bocks de la marque Omer en de minuscules bouts de papier (un point commun avec Léandra !) et tente de réaliser tant bien que mal un Pac-Man que j'essaie de démolir à chaque fois. On s'amuse comme on peut... Je me dis que les serveurs doivent râler parfois, à ramasser nos enfantillages à la fin de leur service... Peut-être nous ont-ils même donné un surnom, comme "la table des petits nerveux qui déchirent tout" ?