Certains de mes invités ont-ils remarqué la disposition du jeu d'échecs installé sur la commode près de la table ? Sur le plateau de jeu, neuf pièces censées symboliser les neuf personnes présentes à ma soirée de Réveillon. Parmi les blancs, le roi, la reine, le fou gauche, le cavalier droit et un pion ; parmi les noirs, le roi, la reine, le fou droit et la tour gauche. Une des symboliques possibles, parmi les nombreuses combinaisons, est la suivante : les deux couples sont les deux paires de monarques (Léandra et Jonas sont-ils les noirs ou les blancs ?) ; Walter et Andrew les deux fous/évêques ; Emily la tour ; Flippo le pion ; moi le cavalier.
Je m'étais dit au départ que les pièces auraient pu évoluer sur l'échiquier en fonction du déroulement de la soirée : une personne s'en allant se traduirait par le retrait de sa pièce de l'échiquier ; une personne arrivant, au contraire, par l'ajout d'une pièce ; une dispute qui éclate par la création d'une menace (ou d'un échec)... Néanmoins, j'ai, et ce dès le début de la soirée, complètement oublié de m'occuper de ce putain de jeu d'échecs. Aucune pièce n'a donc bougé, comme si rien ne s'était passé du tout. Pas grave : de toute façon, après réflexion, je trouve cette idée "d'échiquier mouvant" un peu nulle.
Comme d'habitude, j'ai profité de l'occasion pour mettre une cravate. Arrivés en premiers, Jonas porte un nœud papillon et Léandra est joliment vêtue de blanc. Plus tard, sur le pas de ma porte, Andrew soupire : "Oh non ! Ne me dites pas que vous avez fait des efforts vestimentaires !". Quant à Flippo, il se moque (entre autres) de ma "laide cravate", du moins en début de soirée (l'alcool aidant, il finira par la trouver jolie).
Léandra m'offre un "cadeau de Noël en retard" : elle a eu l'excellente idée de m'acheter une bande dessinée (ou plutôt un "roman graphique", comme on dit) intitulé Logicomix, une œuvre qui devrait assurément me passionner puisque les principaux protagonistes sont de véritables héros-philosophes à mes yeux : Bertrand Russell, Ludwig Wittgenstein et une armée de logiciens ! Je donnerai sans doute très prochainement dans ce même journal mes impressions de lecture.
Comme apéro, j'ai décidé de réitérer le cocktail que j'avais proposé, il y a une dizaine d'années, à un réveillon organisé dans un ancien appartement (celui dans lequel je logeais, à la lisière du Bois de la Cambre, lorsque j'étudiais à l'ULB) avec certains des mêmes invités d'ailleurs : 1/5e de Disaronno, 1/5e de liqueur de groseilles, 3/5e de jus d'orange (en théorie mais c'est meilleur quand il y en a moins), le tout passé au shaker, auquel on rajoute un soupçon de mousseux (normalement, il faut du Champagne, mais ça me dérangeait de le diluer dans un cocktail). L'aspect visuel est assez répugnant (on dirait de l'eau stagnante !) mais c'est quand même très bon.
Jonas s'occupe des toasts (il est très déçu de ne pas avoir trouvé du pain de mie, "comme en France") et Emily des Saint-Jacques à la fondue de poireaux (entre autres), une recette simple, paraît-il, mais délicieuse. Pour le plat principal, nous disposons de deux appareils à pierrade/grill/raclette. Quatre personnes ont apporté de la viande et des sauces, Andrew a apporté différents poissons marinés. Emily, qui revient de ses vacances à la montagne, a ramené du fromage. Cela fait en tout plusieurs kilogrammes de viande, dont l'engloutissement total relève de l'utopie : à la fin du repas, je devrai en congeler près de la moitié. Comme dessert, un tiramisu concocté par Léandra, ainsi que des biscuits italiens. Enfin, à minuit, j'ouvre deux bouteilles de Champagne Malard. Il m'a été conseillé par un vendeur de chez Nicolas (le magasin de vin) mais est loin d'être le meilleur que j'ai goûté de mon existence.
En seconde partie de soirée, nous jouons à différents jeux : Shabadabada, dont le règlement est resté assez flou (tous les protagonistes n'avaient pas les mêmes règles en tête, apparemment), Privacy (le jeu dont j'ai déjà parlé il y a presque six mois) et même Questions pour un Champion (Andrew se précipitera sur les cartes pour faire son Julien Lepers, seul rôle qu'il aime jouer).
À la toute fin de la soirée, ne reste plus que Flippo et Walter. C'est plus ou moins à partir de ce moment que je commence à leur "piquer" des clopes et à fumer (comprendre : c'est à partir de ce moment que suis commence vraiment à être saoul). Flippo s'en va prendre le premier métro vers 6 heures du matin. Walter, quant à lui, reste plus tard encore. Nous carburons à la bière pendant que Walter fait son Julien Lepers, me posant des questions en série (contrairement à Andrew, j'adore répondre à ce genre de quizz).
Après le départ de Walter (vers 8h30 environ), je me mets à tout ranger frénétiquement et à faire l'énorme vaisselle restante : impossible d'aller me coucher sans avoir tout nettoyé. Vers 10h30 du matin, je suis content du résultat et je peux enfin m'endormir comme une masse.