Rien à faire ? — Gaëlle me raconte : « Lucas était puni ce vendredi. Il était dans le coin et ne pouvait pas bouger. Il m'a posé cette question : "Qu'est-ce qu'on peut faire quand il n'y a rien à faire ?" C'est une question intéressante, tu ne trouves pas, Papa ? "Qu'est-ce qu'on peut faire quand il n'y a rien à faire ?"
— Et qu'est-ce que tu lui as répondu ?
— Je lui ai répondu : "Rien du tout ! Quand il n'y a rien à faire, tu ne peux rien faire du tout !" Avec ma réponse, il va réfléchir jusqu'à l'infini, tu ne crois pas ? »
Adieux déchirants. — Une tragédie : « Je ne veux pas rentrer à la maison ! Je veux rester avec toi ! Demain, on se lèvera tôt et j'irai à l'école en train depuis Bruxelles !
— C'est la vie, Gaëlle. Tu dois rentrer chez ta maman.
— "C'est la vie" ? Non, je ne veux pas que ce soit ça, la vie ! »
Crise de larmes, bouderie, nouvelle crise de larmes, puis : « Je ne veux pas te quitter !
— Moi non plus, je ne veux pas te quitter, mais que veux-tu que je fasse ? »
Elle voit que je suis au bord des larmes et esquisse un petit sourire. Par tous les diables, est-il possible qu'elle se rende compte que son discours me touche et qu'elle a marqué un point ? Oui, c'est possible. (Ma fille possède une intelligence tactique. Je ne vais pas m'en plaindre outre mesure : ça lui servira.)
Die Fackel. — Soudain, je me suis dit : « Il faut que je lise Karl Kraus ! » (Quelques aphorismes, un extrait de Troisième nuit de Walpurgis et un mot de Jacques Bouveresse dans une de ses conférences en ligne m'ont définitivement convaincu.)
« Ça ne se voit pas extérieurement, c'est intérieur ! » — Compression sévère de mon cercle d'amis, solitude (volontaire souvent, subie quelquefois), pile de livres qui s'amoncellent dans mon appartement, regards curieux et scrutateurs, pensées qui s'entrechoquent, qui s'enchaînent et qu'il me faut saisir au vol de peur qu'elles ne s'échappent : je suis dans une phase d'éveil, peut-être la plus intense de ma vie depuis la lecture de Dune en début d'adolescence. Tout est limpide par instants (par flashes) et je rêve ardemment de dévorer des pans entiers de pensées étrangères ! (Ma capacité de lecture est hélas enfermée dans une petite cage... et le rapport de ce qui est à lire à ce qui est lu sera toujours à mon désavantage.)
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