Extraits de vie & petites réflexions autour d'A.S. — Tôt ce matin, Fríðr, la navetteuse Bruxelles-Liège qui habite pas loin de chez moi, me rejoint sur le quai de la station de prémétro Albert. Pendant son approche, je tente avec beaucoup de difficulté de ranger le premier tome du Monde de Schopenhauer dans la poche trop étroite de mon manteau.
« C'est un gros livre, constate-t-elle quelques instants plus tard.
— Oui. Et encore, c'est le plus petit des deux tomes.
— Et c'est bien ?
(Que répondre ?)
— C'est de la philosophie allemande. »
Je m'attends à l'autre horrible question — « Et ça parle de quoi ? » — à laquelle je serais bien incapable de donner une réponse satisfaisante. Cependant, le questionnement tant redouté n'arrive jamais, fort heureusement.
Dans le tram, en sa compagnie, piégé par ce que je viens à l'instant de lire (sur l'injustice et le droit ; l'anarchie et la tyrannie ; les justices temporelle et « éternelle »), je suis dans l'impossibilité d'entamer la moindre discussion. Un silence pesant s'installe.
(Souvenir d'un dialogue de la série BD Gus, qui doit plus ou moins ressembler à ceci :
« Il faut se dégêner...
— Pardon ?
— Se dégêner... Enlever la gêne. »)
Vite, vite, dénicher n'importe quel sujet de conversation ! Je finis par trouver, péniblement, une question bateau : « Tu travailles ce vendredi ? » « Non », et elle se remet à parler de je ne sais quoi... Ouf !
Ce genre de situation embarrassante n'arrive qu'avec certaines femmes. Je n'en connais pas la raison (aucun rapport avec une tension amoureuse ou sexuelle, néanmoins). Je me retiens d'énoncer ce que j'ai en tête et je passe au mieux pour un idiot, au pire pour un névrosé (à moins que ce ne soit l'inverse ?). Pourquoi suis-je si mal à l'aise ? Pareil blocage ne pourrait arriver en compagnie de Léandra, par exemple.
Pour lire le Monde comme volonté et représentation, j'ai fini par prendre Schopenhauer au pied de la lettre (cf. sa première préface). Tout étant dans tout (un chapitre éclairant l'ensemble et l'ensemble éclairant un chapitre), j'ai décidé d'abandonner toute lecture linéaire au profit d'une lecture organique et modulaire : à l'instar d'un moineau picorant au hasard les graines qui se trouvent autour de lui, je dévore telle ou telle partie de l'œuvre au gré des humeurs — et force est de constater que la lecture est beaucoup plus enrichissante de cette manière !
Terminer au moins deux fois un bon jeu vidéo pour en comprendre toutes les subtilités ; voir la magnifique fin de Monkey Island 2 et s'empresser d'y rejouer car la vision de l'univers au sein duquel Guybrush Threepwood évolue s'est complètement métamorphosée entretemps... — C'est également ce que je devrai faire avec le Monde de Schopenhauer : le lire deux fois pour l'appréhender totalement. (Vaste projet, qui ne nécessite rien d'autre que de la patience et de la discipline.)
Cet ouvrage qui peut se lire dans tous les sens est, pour cette raison même, d'une très grande modernité. Pas de démonstration pédante ou académique à lire de A à Z, mais beaucoup d'intuitions, d'observations directes et d'analogies se renvoyant les unes aux autres. C'est un texte qui se prêterait curieusement assez bien à un format Web éclaté.
Repas chez Amy & Zapata. — Le soir, je suis invité chez Amy et Zapata pour une souper « fondue et flan au caramel ». Sont aussi invités Yama et Flippo. Enfin, est également présent ce nouveau chat qui n'obéit pas et qui, par conséquent, me tape déjà sur le système... Un animal doit marcher droit, sinon je le lance. — Je ferais moins le malin s'il s'agissait d'un lion !
Toutes les heures environ, ils descendent pour fumer une cigarette, un joint ou les deux. Je les suis dehors sans rien toucher. Haute dans le ciel, derrière quelques nuages, la Lune, accompagnée de Jupiter, illumine la petite cour cernée de murs. Il est notamment question d'un épisode particulièrement émouvant de La Petite Maison dans la prairie (!) et de la différence entre les mots « raisonnable » et « responsable ».
La phrase comique de la soirée (Flippo) : « Moi aussi, dans un sens, je suis bisexuel, car je ne couche ni avec des femmes, ni avec des hommes. »
Une vérité (Yama) : ce n'est pas tant mon médecin ou ma propre volonté qui m'ont donné le courage de freiner ma consommation d'alcool, c'est avant tout cette bonne vieille souffrance !
Ils lisent tous mon blog régulièrement, sauf Zapata. Le « Comment ça va, Hamilton ? » est devenu superflu et ce n'est certainement pas moi qui vais m'en plaindre !
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