Soirée « mucoviscidose » (comprendre « de lutte contre la... »). Grande salle. Tréteaux. Beaucoup de monde. Concerts (de jeunes rockeurs qui se cherchent). Tombola. Enfants qui jouent. Bruits. Discussions. Adolescents prépubères qui se pelotent et se roulent des pelles (« Ils sont beaucoup trop jeunes pour ça ! », dira ma mère). Vieilles qui discutent (voire qui draguent ?). Musique. Ambiance.
« (...) J'aime l'océan Pacifique !
Ça m'fait quelque chose de magique !
Y a rien à faire qu'à rêver !
Prends-moi la main, viens danser ! (...) »
Au milieu de ce brouhaha (informe mais supportable), je suis en famille. Six personnes (sur deux cents environ) pour lesquelles une portion de table a été réservée : mon père, ma mère, ma fille Gaëlle, tantine Gigi, son mari Jean-Paul et moi. Il y a trois semaines, j'avais posé mes conditions de participation à cette soirée organisée en l'honneur d'une greffe de poumons réussie : « Gigi et Jean-Paul seront là ? Alors je serai là aussi ! » — J'apprécie énormément Jean-Paul, l'homme qui n'a lu que quatre livres dans sa vie (Pour moi, il s'agit d'une information plus incroyable que l'annonce de l'ascension de l'Everest par un vieillard unijambiste). Gars très posé, réfléchi et intelligent, il est (avec mon père) la preuve vivante que la rapidité d'esprit n'est nullement proportionnelle au nombre de livres lus sur une vie. (L'apprentissage n'est pas seulement une affaire de lettres.)
Et en plus, il aime bien la bière spéciale et le bon vin !
Et en plus, il aime bien la bière spéciale et le bon vin !
Gaëlle attend, impatiente. À ses côtés un carnet, afin de tracer une ligne à chaque fois qu'un garçon se dira amoureux d'elle (!). Nous lui avons expliqué qu'il y aurait beaucoup d'enfants de son âge. Elle en voit un, elle fonce : mauvaise pioche, elle revient déçue. Deuxième tentative, elle fonce à nouveau (c'est incroyable comme elle est sociable) : elle a plus de chance. Cette fille-là devient sa copine d'un soir. Cécile qu'elle s'appelle, huit ans. Elles ne se quitteront quasiment plus de la soirée. C'est Gaëlle qui décide du jeu : elle explique quelle sera l'occupation du moment, et l'autre suit. Réminiscence d'Hamilton enfant, en deuxième primaire, arrivant à convaincre son entourage de tracer une marelle géante dans la cour de récréation. (Merde, je me répète !) — Deux questions : « A-t-elle en partie hérité des circonvolutions de mon cerveau ? » et « Suivra-t-elle le même chemin que moi ? » (De tout cœur, j'espère que non !)
Jean-Paul me parle de l'époque où il était sous-off dans l'armée belge, en Allemagne, dans le cadre de son service militaire. Électronicien de formation, il était en charge de la communication et devait s'occuper des câbles (ou en tout cas des soldats qui plaçaient les câbles) permettant la circulation de l'information d'un point à un autre. Ils utilisaient des codes, dont un qui signifiait : « Câble rompu. Besoin de réparation ! », mais qui voulait surtout dire : « On s'emmerde. Ramenez des bières ! »
« Pour nos manœuvres, nous nous rendions dans différents endroits aux alentours de la base... Il y avait ce grand bâtiment en pierres — ça, je m'en souviens très bien — où on allait manœuvrer... Le camp de reproduction, que ça s'appelait... C'était un lieu où les nazis essayaient de reproduire la race aryenne. Il y avait des femmes censées être de "race pure" qui "accueillaient" les hauts gradés du Reich... Enfin, c'est ce qu'on nous disait en tout cas ! »
Fin de soirée. À la recherche de Gaëlle, ma mère et moi finissons par apercevoir ma fille en train de danser sur la piste avec un garçon. A-t-elle par la suite fait une croix dans son carnet ? J'ai oublié de le lui demander...
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