Typographie, mon amour II. — Hamilton Evenvel l'a vue. Pour lui, tout a commencé la semaine dernière, par une journée pluvieuse, à l'intérieur de son bureau en périphérie de la Cité ardente, alors qu'il cherchait le caractère parfait que jamais il ne trouva... — Le caractère parfait n'existe pas (lire l'article d'hier), mais certaines polices d'écriture s'en rapprochent dangereusement. En témoigne la série de polices Legacy® Sans (comprendre sans empattement), développée par Ronald Arnholm pour le compte d'ITC (International Typeface Corporation). Legacy (« héritage » en anglais) est une police d'écriture qui porte bien son nom car elle trouve ses racines dans une très ancienne gamme de caractères d'imprimerie utilisée par le graveur et imprimeur français Nicolas Jenson dès 1470, notamment pour son édition de la Préparation évangélique (De Evangelica praeparatione) d'Eusèbe de Césarée. Cette police mêle lisibilité exemplaire et très grande élégance. Dans l'exemple ci-dessous, la queue du « Q » et la traverse oblique du « e » sont à mes yeux particulièrement réussies.
Vol. — À mon travail, sur le temps de midi. Nous mangeons dans la grande salle de lecture, comme d'habitude. Sylvette entend la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer. Elle s'en va jeter un œil et entraperçoit un homme descendant les escaliers. Peu de temps après, Wynka, retournée dans son bureau, s'exclame : « On a volé mon portefeuille ! » — Il faut avoir un certain cran pour venir fouiner dans notre bureau alors que nous sommes en train de manger à environ vingt mètres de là.
Wynka avait, dit-elle, sept euros dans son portefeuille. À deux mètres du lieu du vol, se trouvent toujours, étalés sur mon bureau : mon propre portefeuille (contenant plus de cinquante euros), « mon » petit ordinateur portable et mon nouveau baladeur MP3. Le voleur aurait bien fait d'aller fouiner un peu plus loin. Lodewijk avance qu'il n'a pas osé car mon bureau se trouve plus avancé dans le local, mais je pense que c'est Wynka qui a donné l'explication la plus plausible : « Le bordel ambiant de ton bureau a joué en ta faveur. Le voleur a été incapable de voir ton portefeuille et tes affaires au sein de tous ces documents éparpillés, dans le désordre le plus complet ! » — Une devise : être ordonné dans mes seules pensées, car en ce lieu, nul voleur ne pourra jamais venir me dérober !
Extrait de lettre. — L.W. à Paul Engelmann, 9 avril 1917 : « En ce qui concerne votre humeur changeante, il en est ainsi : nous dormons. (Je l'ai déjà dit à Monsieur Groag et c'est vrai.) Notre vie est comme un rêve. Dans les meilleures heures, nous nous éveillons toutefois juste assez pour reconnaître que nous rêvons. Mais la plupart du temps nous dormons d'un sommeil profond. Je ne peux pas me réveiller moi-même ! Je m'y efforce, le corps que j'ai en rêve se meut, mais mon corps réel ne bouge pas. Il en est malheureusement ainsi ! » (Ludwig Wittgenstein. Paul Engelmann. Lettres, rencontres, souvenirs, sous la dir. d'Ilse Somavilla, Paris, 2010 pour l'éd. française, p. 33.)
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