Intimité. — Ce journal, bien qu'en ligne, ressemble à une taverne intimiste : autour d'une petite table en chêne cachée dans un recoin faiblement éclairé de l'établissement, sous de basses poutres pluricentenaires, quelques ami(e)s m'écoutent sans rien dire : ils ne sont pas toujours d'accord avec ce que je raconte, me trouvent même parfois complètement idiot, péremptoire voire exaspérant, mais ils ne m'interrompent pas car il s'agit de ma table, qu'ils sont libres de quitter à tout moment. Tous sont les bienvenus, mais dans les faits ils ne sont que quelques uns ; ils appartiennent à un club totalement ouvert mais pourtant très fermé, par la force des choses. (Il m'arrive aussi, bien que ce soit rare, de m'asseoir à une table et d'écouter le monologue qui s'y tient sans émettre un son.)
Cette analogie permet de comprendre pourquoi je ne fais pas de publicité autour de mon blog. Ce n'est pas seulement parce que je déteste toute forme de prosélytisme, mais aussi (et surtout) parce que je ne voudrais pas que ce vieux café tranquille où l'on se sent en confiance se transforme en une cantine bruyante et impersonnelle.
« Archives », le jeu. — Toi aussi, tu veux connaître les arcanes du métier d'archiviste ? Alors procure-toi au plus vite « Archives », le nouveau jeu de société inventé par Charlotte Charbonneau au cours d'un dîner au travail ! Plus vrai que nature, avec ses cartes (Mal)chance comme au Monopoly : « Le degré d'hygrométrie trop élevé de votre dépôt entraîne l'apparition de moisissures sur de vieux registres comptables. Payez 5000 crédits pour l'assainissement ! », « Votre logiciel d'inventaire a été supprimé. Retournez à la case "Départ" sans recevoir d'argent de la banque ! », « Vous recevez la visite surprise d'un archiviste du Royaume. Rendez-vous directement à la case "Prison" ! », « Votre subvention annuelle a été réduite de moitié. Licenciez un archiviste ! »...
Incises. — Pourquoi suis-je aussi obnubilé par les incises, et plus particulièrement par celles qui sont introduites par des tirets cadratins ? Je me posais déjà la question ICI et j'y donnais pour début de réponse que l'utilisation abondante de cette technique était caractéristique d'une certaine manière de penser. Paraphrase de ce que j'écrivais là-bas : un concept en amenant un autre, l'incise est un moyen en or pour mettre en avant des liens tacites entre différents « objets » de la réalité difficilement exprimables à l'aide d'une proposition subordonnée. En outre, l'incise est un très bon moyen pour ralentir la lecture (je tiens ça de L.W., bien que je n'aie pas attendu de le « rencontrer » pour en user et abuser).
Quand je parle, j'ai constamment plein d'incises en tête.
Mieux vaut donc, pour le confort de tous, que j'écrive ce que je pense.
Quand je parle, j'ai constamment plein d'incises en tête.
Mieux vaut donc, pour le confort de tous, que j'écrive ce que je pense.
Aujourd'hui, dans le train, j'ai repensé à cette histoire de tirets cadratins et je me suis dit qu'il y avait autre chose. Ça m'a littéralement sauté aux yeux à la relecture de mon récent article « Cadrage fatal », dans lequel j'utilise sans m'en rendre compte l'incise pour marquer une profonde déchirure dans le texte : « — J'aime la nuit. — ». Ces incises-là sont des brèches, des failles dans l'écran ou dans le papier... C'est un peu comme si le support du texte se fendait, au sens physique du terme, pour montrer la structure interne qui sous-tend toute une phrase voire tout un paragraphe ; la structure derrière la structure. Le premier tiret cadratin ouvre le texte à la manière d'un scalpel disséquant la chair quand le second le recoud. (À nouveau, je me trouve très lent à la compréhension dans la mesure où ce bête concept est clairement visible à la simple lecture du mot « inciser ».)
(Autre chose : c'est sans doute la raison pour laquelle je refuse catégoriquement qu'une incise soit réalisée « à la Léandra », c'est-à-dire à l'aide d'un simple trait d'union. Car l'entaille est alors tellement peu profonde qu'à peine ouverte elle se cicatrise déjà ! — Qui plus est, typographiquement parlant, c'est monstrueux, bien que je ne sache pas vraiment expliquer pourquoi.)
Alors que l'incise à base de tirets cadratins est aussi tranchante qu'une lame en acier inoxydable, celle à base de parenthèses possède au contraire un aspect beaucoup plus rond et sympathique. Le tiret cadratin est une guillotine ; la parenthèse un puits accueillant. Il faudrait que j'en tienne compte lorsque j'écris : réserver le tiret cadratin quand la rupture est forte et la parenthèse quand elle est soyeuse.
— L'incise est un acte sexuel. —
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