mercredi 25 janvier 2012

"Recherches philosophiques" (le train, ça permet de lire)

Ce soir au Potemkine, je prends une Biolégère Dupont. Le serveur me fait un grand sourire en me la servant : "Ha ? Vous en avez marre de la Mc Chouffe ?" Je suis repéré !

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Je voulais commencer par De la certitude. Une certaine "logique" se dégageait de ce choix, puisque le premier texte de Wittgenstein que j'ai lu, il y a environ 3 mois, fut le Tractatus Logico-Philosophicus, l'œuvre de jeunesse du philosophe, son premier livre (décrivant une manière de penser dont il s'est éloigné plus tard, lorsqu'il s'est remis à la philosophie), le seul texte complet publié de son vivant. À l'opposé, De la certitude regroupe les toutes dernières pensées de Wittgenstein — la dernière proposition de ce livre a été rédigée deux jours avant que l'auteur ne soit emporté par le cancer. Lire De la certitude m'aurait donc permis de "boucler la boucle" avant de m'attaquer au reste, d'établir les extrêmes limites de sa réflexion. Mais je me suis rendu compte que c'était là une très mauvaise idée, dans la mesure où ce texte prend pour acquis une série de concepts qui ne me sont en rien familiers Wittgenstein fait notamment référence aux "jeux de langage" (que je ne connais qu'au travers du lointain cours de philosophie contemporaine que j'ai suivi à l'université), expliqués en long et en large dans ses autres textes à l'exception du Tractatus et passe sous silence (ou n'exprime qu'à demi-mot) une partie non négligeable de l'argumentation permettant d'arriver à telle ou telle conclusion. Je reviendrai donc à De la certitude plus tard. Aujourd'hui, dans le tram, dans le train, dans le bus, sur les quais de gare et sur ceux du prémétro, à chaque fois que j'ai un moment, je me lance à l'assaut des Recherches philosophiques, que je trouve passionnantes et — en tout cas jusqu'à maintenant — beaucoup plus faciles d'accès.

Je suis trop peu avancé dans ma lecture pour décrire ici le fond de ces fameuses Recherches (ou Investigations, selon l'ancienne traduction), texte central du "second Wittgenstein". Par contre, je peux au moins coucher quelques remarques d'ordre personnel, expliquant ce que j'aime et qui n'arrête pas de me marquer profondément chez ce philosophe :

1) La façon d'aborder ses sujets. Cet homme est avant tout un cartographe. Comme le remarque à raison Élisabeth Rigal, qui signe l'avant-propos de l'édition que je tiens en main (Gallimard, 2004), "(...) la grammaire du langage est comme la géographie d'un pays pour lequel on disposerait seulement de fragments de cartes isolés (...)". En effet, c'est très marquant : Wittgenstein ne fait que dire constamment la même chose (je force le trait) en changeant de perspectives, tout en utilisant un vocabulaire courant (aucun charabia philosophique abscons ici). Il tente d'établir la géographie de sa philosophie et pour ce faire, il n'attaque jamais le problème frontalement : il fonctionne par couches successives (grandes analyses, inventions de l'esprit, analogies, exemples...). À la première lecture, cette manière de fonctionner peut paraître totalement déroutante. En s'accrochant, je perçois, j'effleure ce vers quoi il veut m'amener, à force de redondances, de changements d'angles et de répétitions.

2) La ponctuation et le style : ce penseur possède une écriture unique, pour autant que je puisse en juger à partir de la traduction française (qui me semble de qualité). Il tire un grand parti de la ponctuation et des signes typographiques. Il remplit ses phrases de tirets cadratins (—), voire de doubles cadratins (——), ainsi que de parenthèses ; il use du guillemet et de l'italique à tout bout de champ, pour des raisons précises, qu'il ne prend pas la peine de définir (à quoi bon ?). Selon leur place dans la phrase, ces signes possèdent une signification propre, dont la compréhension s'avère le plus souvent évidente lors de leur mise en contexte. Wittgenstein a par ailleurs fréquemment recours à la deuxième personne du singulier, afin de créer une forme de dialogue virtuel avec le lecteur... Mais à quel lecteur s'adresse-t-il ?

3) Ce philosophe ne semble jamais satisfait de ce qu'il écrit. C'est bon signe. (Se méfier des gens qui ne doutent pas.) Le seul livre qu'il a publié de son vivant, le Tractatus Logico-Philosophicus, il le reniera en partie plus tard car l'ouvrage était révélateur, de son propre aveu, de son "ancienne manière de penser". Quant aux autres textes, il n'en a jamais terminé aucun. Tous ont été publiés après sa mort sur base de manuscrits ou de tapuscrits. Wittgenstein, dans la préface des Recherches, avouera : "Après de nombreuses tentatives infructueuses pour réunir [en un livre] les résultats auxquels j'étais parvenu, j'ai compris que je n'y arriverais pas, que ce que je pourrais écrire de meilleur ne consisterait jamais qu'en des remarques philosophiques, car mes pensées me paralysaient dès que j'allais contre leur pente naturelle et que je les forçais à aller dans une seule direction (...)". Bigre ! Peu importe : à force de lire des fragments, je finirai par avoir une idée du tout.

4) Malgré l'utilisation de la seconde personne du singulier et la volonté à certains moments de montrer, d'expliciter — de vulgariser presque —, Wittgenstein ne semble guère se soucier de son lectorat. (Et c'est sans doute mieux comme ça !) Sa pensée est en progression constante. J'ai souvent l'impression de le surprendre en pleine réflexion, chose assez unique pour... un livre. Peut-on dire qu'il écrit pour lui et pour lui seul ? En tout cas, il ne ménage pas ses lecteurs et ne les prend certainement pas pour des imbéciles. Il ne se donne pas la peine d'expliquer les principes philosophiques généraux qu'il cite par-ci, par-là, ni encore les pensées des philosophes auxquels il se réfère de temps en temps. Il considère forcément toutes ces choses comme acquises. (Dans De la certitude, Wittgenstein fait souvent référence au travail de G.E. Moore sur le sens commun, sans en expliciter véritablement le contenu). Il refuse par ailleurs de se présenter en chef de file de quoi que ce soit : "Je souhaiterais", conclut-il dans sa préface, "que ce que j'ai écrit ici ne dispense pas les autres de penser, mais au contraire incite, si possible, tel ou tel à développer des pensées personnelles". Nous sommes à des années-lumières de la philosophie bling-bling de BHL et consorts, dont le but n'est pas tant de réfléchir que de bien parler (et de bien vendre, par la même occasion).

Pour toutes ces raisons (et pour plein d'autres), j'adore Wittgenstein et sa pensée pour le moins complexe, difficilement abordable : une philosophie qui demande du temps et du travail.


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La salle de lecture du boulot est fermée pour récolement : les tables sont remplies de bouquins et nous ne pouvons pas y manger. Wynka, Sylvette, Christiane (mes trois collègues présentes) et moi décidons donc d'aller dîner en ville, dans un snack à hamburgers du nom original (hum !) de "L'Homme Burger".

Christiane prend un petit burger avec de la viande et un peu de sauce (elle déteste la salade et les crudités), Wynka prend un gros hamburger au bacon, Sylvette un petit King burger avec des frites. Quant à moi, je prends la totale : l'assiette complète, avec frites, salade et un gros King burger. Et une bière aussi. Le pain est artisanal, la viande est bonne, le tout se laisse manger. 

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Depuis hier, je crois avoir perdu je ne sais trop comment ma carte MoBIB, celle couplée à mon abonnement SNCB. Je l'avais mardi matin mais mardi soir par contre, les portails des stations de métro ne s'ouvraient plus lorsque je tentais de la valider. Ne la trouvant pas à l'intérieur de ma carte Train, j'en ai par conséquent déduit que je l'avais perdue... En attendant le duplicata de ladite carte, j'ai donc utilisé un ticket de métro de dix voyages pour passer les portails de la STIB.

Aujourd'hui soir, une préposée au guichet de la gare de Bruxelles-Midi s'apprête à me créer un duplicata (une quinzaine d'euros pour cette connerie) mais s'arrête en palpant ma carte Train : "Mais elle est là, votre carte MoBIB ! Je la sens : elle est cachée dans votre carte Train !" Sa conclusion : "Parfois, les bornes ne s'activent pas, on ne sait pas vraiment pourquoi !"

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Au Potemkine, je suis rejoint en fin de soirée par Léandra, qui revient de la réunion de son groupe d'impro : "Haha, même ici, faut que tu te la pètes avec un livre de Wittgenstein posé négligemment sur la table ?" Bah ! Elle rigole, elle rigole, Léandra mais depuis ce matin, au moins dix personnes ont été intriguées par la couverture de ce livre et y ont jeté un regard furtif !

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