Ce samedi est un samedi tranquille de convalescence. La soirée d'hier – pourtant très calme – m'a passablement épuisé, preuve que je ne suis pas encore totalement remis de ma petite opération du ventre. Pour passer le temps, je m'installe dans mon canapé, bien au centre de mon petit système d'enceintes stéréo, et j'écoute des vinyles... Encore et toujours Spiderland de Slint, dont la face B m'obsède au plus haut point, mais aussi In the Aeroplane Over the Sea, l'OVNI musical de Neutral Milk Hotel, le groupe aux paroles tellement complexes et oniriques qu'elles ont engendré – phénomène assez rare pour un groupe indépendant – des centaines de commentaires sur SongMeanings.
Goldaline, my dear
We will fold and freeze together
Far away from here
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Le soir, Walter me ramène trois chaises qu'il m'avait empruntées hier pour sa soirée d'anniversaire, ainsi que mon saladier et le récipient qui contenait la vinaigrette. (Ce que j'écris dans ce journal devient de plus en plus captivant, c'est tout bonnement in-croya-ble !) Walter serait bien sorti boire un verre mais personne n'a l'air motivé, dira-t-il. Emily est dans une journée "Rugby" ; Léandra est chez ses parents dans la région du Centre... Peu importe : nous allons boire un verre à deux près de chez moi, au Verschueren. C'est très étrange à voir car nous sommes tous les deux très calmes niveau boisson : moi, forcément, parce que je suis toujours en convalescence ; lui, parce qu'il doit reprendre sa voiture. Donc nous sirotons lentement, lui une Chimay bleue, moi une Guldenberg : ça fait presque peine à voir, mais c'est mieux comme ça, dans un sens.
Walter reparle avec nostalgie de l'année dernière : ces mois d'octobre et de novembre où nous faisions beaucoup plus la fête, et beaucoup plus tard, notamment lors de ces fameux jeudis à l'Atelier, à Ixelles... Nous sortions alors du badminton et rejoignions les autres (Emily, Léandra, Annabelle, Andrew...) dans ce café, comme au bon vieux temps de l'Université, dix ans plus tôt. Même Léandra, qui n'est pas vraiment fan de ce quartier, nous rejoignait après ses cours de néerlandais. Tout cela s'est estompé au début de l'année 2011. Walter dira que ce n'était plus possible de continuer à ce rythme-là et que c'est pour cette raison que tout s'est arrêté, principalement. J'ai avancé une autre explication de la chose, mais c'est une explication beaucoup plus solipsiste et vaniteuse. NON, Hamilton, tout l'Univers ne tourne pas autour de ta pauvre petite personne.
En tout cas, moi aussi, je suis nostalgique de cette courte période. Amusant comme ce passé se pare de couleurs, alors qu'il n'était pas toujours si coloré. Faut dire, pour ma défense, que j'étais amoureux. Puis j'ai été amoureux et stressé. Puis j'ai été amoureux et totalement déprimé. Puis j'ai été juste déprimé. Puis je n'ai été plus rien du tout. Aujourd'hui, j'écoute Spiderland et In the Aeroplane Over the Sea : ça ne peut qu'aller mieux. Oui, oui.
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Autre sujet de discussion : les autres (pas le film, hein). Walter aime bien analyser les autres. D'ailleurs, quand je ne suis pas présent, il se livre sans aucun doute à une analyse poussée de ma personne. À un moment, je parle de Lewis. Je dis que si ce dernier lisait ce journal – mais il y a très peu de chance que ce soit le cas dans la mesure où il est incapable d'allumer un ordinateur et sait à peine ce qu'est le World Wide Web –, il n'y verrait que des choses négatives à son encontre.
Lewis est du genre à avoir besoin des autres : il veut un contact fusionnel avec ceux qu'il aime. Contact fusionnel signifie par exemple : tenter de joindre, coûte que coûte, quels que soient l'heure et l'endroit, la personne désignée. Peu importe que la personne en question soit au Texas ou à Dubaï : il doit lui parler, sinon il angoisse sévèrement. Il aime aussi se sentir indispensable : souvent, il me dira que je peux compter sur lui, que je ne suis pas seul, etc., etc. Pour moi, il s'agit clairement d'un transfert, dans le sens où je n'ai pour ma part aucun problème avec le fait d'être seul ; c'est lui qui a un problème avec la solitude.
Lewis constitue l'exact inverse de mes parents et de ma famille proche. Mes parents m'ont toujours foutu une paix royale quand j'étais en dehors de leur "juridiction", et vice versa. Ils sont là quand il faut qu'ils soient là mais ils ne sont pas collants (je déteste les gens collants). Mes parents et moi ne nous téléphonons jamais sans qu'il y ait une raison purement pratique derrière le coup de fil, et c'est mieux comme ça.
Souvenir proche : mercredi dernier, à la soirée chez ma tante, cette dernière reçoit un sms de sa fille de plus de vingt ans : "Bonne nuit, maman ! Je t'aime." Explication de ma tante : sa fille lui envoie ce genre de message tous les jours. Mon père et moi sommes hilares, forcément, car nous considérons ce genre de situation comme totalement anormale. Une raison : ma cousine a été plus ou moins abandonnée par son père lorsque ce dernier a refait sa vie avec une autre femme. On en revient à un thème récurrent : une forme d'abandon, durant l'enfance, et la peur d'être abandonné qui persiste à l'âge adulte. Le comportement de Lewis et de ma cousine ne sont sans doute qu'une manifestation de cette peur. Mais par qui Lewis a-t-il été abandonné ? Mystère.
Walter me reconduit en voiture. Il est 23h : l'heure de prendre un Dafalgan et d'essayer de dormir (la grande illusion).
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