samedi 29 octobre 2011

Schizophrénie chez Walt Disney (2/4)

Résumé de l'épisode précédent : je suis depuis ce matin à Disneyland® Paris avec ma fille Gaëlle et mes amis. Je m'amuse bien et j'ai des larmes aux yeux tellement que c'est trop beau et gentil tout plein. Nous venons de terminer notre repas dans un restaurant mexicain ni très bon, ni très copieux et nous nous apprêtons à reprendre la route. Par convention, j'ai décidé de marquer chaque paragraphe du sceau de l'émerveillement [+], de l'agacement [-], de la neutralité [/] ou encore de la technophilie [*].

Adventureland !

[+] En début d'après-midi, nous marchons jusqu'à Adventureland, le monde des pirates et des mille et une nuits (entre autres). Dès l'arrivée, c'est la stupeur : mon Dieu, mais je suis dans Monkey Island ! "Monkey Island", c'est quoi ? Rien de moins qu'un des plus grands jeux d'aventures PC de tous les temps, conçu par le génial Ron Gilbert pour LucarArts, dans lequel le joueur incarne le personnage de Guybrush Threepwood, un jeune homme un peu naïf qui veut devenir pirate ("Bonjour, je m'appelle Guybrush et je veux devenir pirate !"). Les deux premiers volets de ce jeu sont clairement inspirés de l'univers du Royaume enchanté de Disney, plus particulièrement d'Adventureland et surtout de l'attraction phare "Pirates des Caraïbes" (qui a d'ailleurs aussi donné lieu, plus tard, aux films du même nom). Je le savais déjà mais le constater en grandeur nature me rend totalement dingue. Deux comparaisons pour illustrer mon émoi :


[/] [Attention : spoilers !] Monkey Island 2: LeChuck's Revenge contient une des plus belles fins de jeu vidéo, mais aussi une des plus bizarres ; le genre de fin qui donne encore lieu aujourd'hui (soit 20 ans plus tard !) à de nombreuses spéculations sur le Web. À la fin du jeu, le héros (Guybrush Threepwood donc), après avoir vaincu son grand ennemi LeChuck, apprend que ce dernier n'est autre que son frère. Ensuite (encore plus bizarre), leurs parents arrivent et les récupèrent. Une des dernières scènes du jeu montre ainsi Guybrush et LeChuck enfants, suivant docilement papa et maman. La grande question étant : toute l'aventure vécue dans les deux premiers volets de Monkey Island n'était-elle que le rêve d'un enfant perdu dans un parc à thème, vivant au sein des attractions des aventures qui n'existent que dans son imagination fertile ? Cette fin explique en tout cas les nombreux anachronismes que l'on retrouve durant le jeu (distributeurs de grog ressemblant à des distributeurs de Coca-Cola, travaux de maintenance, trésors ridicules, tunnels souterrains, etc.), mais elle n'explique pas tout. C'est un sujet d'article à part entière, que je garde pour une autre fois donc...

[+] Dans Adventureland, nous faisons la file pour Pirates des Caraïbes, justement... Une très longue file d'attente mais extrêmement bien foutue. À Disneyland®, aucune file n'est en ligne droite... Celle que nous empruntons ne déroge donc pas à la règle : elle est en grande partie constituée de chemins en zigzag dans une grotte située à l'intérieur de l'attraction. Après environ quarante minutes de marche au ralenti, ces dédales sombres débouchent sur une énorme salle reconstituant l'ambiance d'une nuit d'été dans les Caraïbes (!). De la file, nous pouvons observer en contrebas un restaurant nommé le Blue Lagoon, plongé dans une nuit artificielle permanente (!!). La terrasse du restaurant donne directement sur une fausse jungle et sur une "rivière" qui transporte les embarcations de l'attraction. Le moindre détail est soigné à l'extrême... C'est superbe ! Les "imagineers" (constructeurs d'attractions) de chez Disney sont de très, très grands malades... Rien à redire donc : Pirates des Caraïbes est une très belle attraction, du type "Water Dark Ride"... Nous sommes dans un petit bateau voguant sur l'eau, au milieu d'un paysage nocturne artificiel. Nous traversons de nombreuses scènes de piraterie jouées par des automates un peu rigides. L'attraction propose notamment la reconstitution d'une bataille navale, allant jusqu'à la simulation de boulets tombant dans l'eau : c'est loin d'être mal foutu. À la sortie, Andrew se charge d'aller réserver une table au Blue Lagoon pour demain à 13h15 : ça nous changera des fajitas de ce midi !

[/] L'attraction Pirates des Caraïbes m'en rappelle une autre, qui n'existe plus aujourd'hui : Le Secret de la Licorne à Walibi Belgium. Même principe, à savoir une promenade dans le noir, avec des combats de pirates-automates et des batailles navales. Une différence : l'attraction de Walibi tournait autour de l'univers de Tintin, plus particulièrement autour de l'histoire de La Licorne (un sujet d'actualité !).

[/] Gaëlle retourne à la Maison des poupées (misère !) avec Léandra. Pendant ce temps, toujours dans Adventureland, nous testons en vitesse Indiana Jones et le Temple du Péril, une montagne russe assez classique avec un looping tout aussi classique. C'est sympa, c'est bien décoré (comme toujours !) mais ce n'est pas si sensationnel que ça.

Phantom Manor

[+] Perchée sur une colline, ressemblant à s'y méprendre à la vieille maison de Norman Bates dans Psychose d'Hitchcock, cette attraction est un bijou de technologie et de décors, valant bien sa petite heure de file d'attente. Aucun rapport avec une bête maison hantée de foire. Ici, le concept de "manoir aux fantômes" est poussé jusqu'à ses derniers retranchements et chaque détail est peaufiné à la perfection, avant, pendant et après l'attraction. Les concepteurs ont même été jusqu'à créer une histoire factice liée au contexte économique imaginaire de Frontierland : celle d'un riche mineur de Big Thunder Mountain, Henry Ravenswood, qui habitait dans cette maison reculée mais qui aurait déclenché par inadvertance la colère d'un esprit indien en creusant trop profondément. Depuis, sa famille et sa maison sont maudites.


[+] Rien que pour sa première salle, l'attraction vaut le détour. Toute personne y étant allée en parle avec des étincelles dans les yeux. Car il faut bien l'avouer : cette première pièce dont les murs s'agrandissent et dont le plafond s'éloigne à vue d'œil, modifiant au passage les tableaux accrochés au mur, est terriblement bien foutue ! Le reste du parcours se fait à pied puis en "doombuggies" (véhicules de parcours scénique). Durant le parcours, j'observe de nombreux effets d'optique géniaux, comme ce buste qui me regarde constamment, quelque soit l'endroit où je me place ; ou encore une salle de bal remplie de spectres dansant une valse lugubre. Gaëlle a juste un tout petit peu peur, mais sort de la maison toute contente.

[*] Je me suis un peu intéressé aux différents aspects techniques de cette attraction. J'ai ainsi appris que la toute première pièce (appelée fort logiquement la "stretching room") est constituée d'un ascenseur caché fabriqué tout spécialement par la firme Otis : l'ascenseur n'est pas fait d'un seul bloc et descend lentement tandis que le plafond reste en place. Cet ascenseur n'est pas accessoire : il est nécessaire à l'attraction dans la mesure où cette dernière n'est pas du tout située à l'intérieur de la petite maison mais dans un complexe souterrain invisible, qui dépasse la bordure du parc ! Autre aspect technique : celle du buste qui nous suit du regard : il s'agit tout simplement d'une statue "négative" (concave) qui, éclairée d'une certaine manière, crée cette illusion d'optique bluffante. Quant à la salle de bal avec la danse des fantômes, que l'on observe du dessus, l'effet d'optique est rendu possible grâce à un système de vitre qui reflète une série d'automates situés dans une pièce sous les buggies.

Discoveryland !

[/] Nous passons la fin de la journée dans Discoveryland, une zone dont tous les éléments rappellent Jules Vernes, la bonne vieille anticipation, ainsi que le mouvement "steampunk". Amusant : Andrew et moi trouvons dans certaines "machines rétro-futuristes" de Discoveryland des points communs avec l'univers gnome de World of Warcraft.

[/] Si nous nous rendons à Discoveryland, c'est pour une raison bien précise : essayer le Space Mountain: Mission 2, une "montagne russe" en intérieur, considérée comme un des fleurons de ce parc à thème. Pendant ce temps, Emily emmène Gaëlle dans l'Orbitron, une jolie attraction de facture gnome où ma fille pourra apprendre en douceur la conduite d'un vaisseau spatial.

[+] Léandra prend place à côté de moi ; Andrew et Walter sont juste devant. Avant le départ, nous sommes confortablement (hem) assis dans nos sièges et amenés à la base d'un "canon". Après une dizaine de secondes d'attente, le canon nous propulse dans le Space Mountain. C'est une attraction géniale, une idée de grand malade : nous frôlons à toute vitesse des planètes, passons par des tunnels psychédéliques, effectuons trois inversions (dont une en forme de fer à cheval assez unique, même si nous n'avons pas le temps de nous en rendre compte). Bref : ce Space Mountain, c'était le clou de cette première journée.  

Bungalow

[/] La soirée touche à sa fin. Nous retournons en douceur vers les voitures, afin de prendre la route du bungalow que nous avons loué, au Davy Crockett Ranch®. En passant par le Disney Village®, une scène surréaliste : un restaurant "à l'américaine" où les serveurs, serveuses, cuisiniers et cuisinières sont sur le bar en train de danser et de chanter avec entrain. Mon dieu, mais où sommes-nous ?

[+] Arrivés à la réception du Davy Crockett Ranch®, Andrew se charge d'aller chercher la clé de notre bungalow. Ce domaine est encore et toujours un endroit made in Disney, à la discipline, à l'hygiène et à la propreté exemplaires. Nous serpentons une route à travers bois afin de rejoindre notre "îlot résidentiel" : une petite centaine de bungalows se ressemblant tous situés aux abords d'une route circulaire. Rien n'est laissé au hasard. Dès l'entrée dans le bungalow, une télévision s'allume et souhaite la bienvenue à Andrew ! Le bungalow contient une chambre trois lits, une autre avec un lit double (avec son WC et sa salle de douche particulière !), un salon/salle à manger, un second WC, une seconde douche...

[-] Cet hygiénisme fait peur, parfois. J'ai l'impression d'être dans un lieu aseptisé, sans vie, tenu par des maniaques de la propreté (et pour que je me rende compte d'un excès de propreté, il faut que ledit excès soit tout de même assez sévère). En outre, j'ai la désagréable impression d'être dans une banlieue américaine stéréotypée (un peu comme dans Edward aux mains d'argent), où tout le monde roule en Range Rover...

[/] Il est décidé d'un commun accord que je dormirais avec Gaëlle (totalement exténuée d'ailleurs) dans le lit double (à chaque fois que je pars en vacances avec ce groupe, j'ai droit au lit double avec salle de bain contiguë) ; que Léandra, Andrew et Walter dormiraient dans la grande chambre ; qu'Emily s'installerait dans le divan, faute de quatrième lit (arf).

[/] Emily prépare ses spaghetti à la bolognaise. Tout le monde est fatigué et ça nous fait un bien fou de nous asseoir, de nous reposer en grignotant des saucisses Zwan ou des chips laissées par les précédents occupants (ou bien par Disney pour nous souhaiter la bienvenue ?). On boit du vin et/ou de la Chimay bleue.

[/] Après le repas, vers 23 heures, Emily, Walter et moi décidons de nous rendre au Saloon... Car oui, dans l'énorme complexe du Ranch, il y a de tout : une piscine, une boutique, un restaurant, des terrains de sport et... un saloon ! Pas de bol : ce dernier est en train de fermer lorsque nous débarquons. La magie Disney se couche tôt. Emily et Walter sont partants pour retourner boire un verre au Disney Village®. Je n'ai ni l'énergie ni le courage nécessaire pour un tel déplacement et je  boude. Conclusion : personne n'y va.

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