Ce soir, comme tous les jeudis jusqu'au 15 décembre, à différents endroits de la capitale belge, des musées ouvrent leurs portes pour une "Nocturne" (comprendre : "On ouvre jusqu'à 22h, plus rarement jusque minuit, woaw !"). Aujourd'hui, c'est le cas du Musée du costume et de la dentelle (définitivement hors de question que j'y mette les pieds), du Musée de la Ville de Bruxelles (ça pourrait être intéressant), du Musée d'Art fantastique (oh !), du Musée Constantin Meunier (ah ?), du Musée bruxellois du moulin et de l'alimentation ("Bonbons, caramels, gâteaux et pâtes de fruit" : merde, ça donne envie !), ainsi que du Palais des Beaux-Arts et du Musée des instruments de musique (le MIM), qui centrent tous deux leurs activités autour du Brésil. L'idée, lancée par Mademoiselle Léandra Courbet – lointaine descendante en ligne très indirecte du peintre du même nom – a toujours été d'aller au MIM, notamment pour voir, dans une des salles du musée, la représentation musicale du "Choro Original", groupe de quatre musiciens au sein duquel joue mon ami Tom, guitariste, musicologue et mélomane, celui-là même qui a été jusqu'à Prague pour s'acheter un luth (et qui compte d'ailleurs en commander un second, auprès du même artisan !).
Léandra et moi rejoignons Andrew à l'entrée du MIM. Emily est malade et reste donc chez elle. Jonas devait peut-être nous rejoindre mais tout compte fait ne vient pas. Quant à Walter, il a aussi été question durant un bref moment qu'il nous rejoigne, et puis non : il passera la soirée chez lui avec Mary. De toute façon, je ne l'imaginais que trop bien dans ce musée, contemplant sans passion un instrument de l'époque baroque ou jouant avec son smartphone durant le concert de musique brésilienne... Ceci étant dit, peut-être est-ce que je me trompe lourdement ? Peu importe. Nous ne serons donc que trois pour cette soirée musicale.
Nous commençons par une visite de quelques unes des salles du musée : la salle des instruments traditionnels puis celle consacrée à l'époque classique. On notera en passant qu'ils ont changé leur système d'audioguides. Auparavant, il s'agissait d'un système automatique qui se mettait en marche lors du passage devant une vitrine d'instruments, permettant d'écouter le son desdits instruments. Aujourd'hui, c'est un système un peu plus bancal : à l'entrée, on nous distribue un casque qu'il faut brancher à chaque fois dans une des quatre prises mini-jack placées sur une borne devant les vitrines. Lorsque quatre personnes sont connectées simultanément à une même borne, le signal sonore est dillué et on n'entend plus grand chose. Bref, ce n'est pas terrible, mais je suppose que l'ancien système d'audioguides par infrarouge était devenu défectueux. Ayant travaillé moi-même dans un musée utilisant de vieux audioguides pourris qui fonctionnaient une fois sur deux, je ne vais pas leur jeter la pierre. Ça devient vite obsolète, ces petites choses, ma brave dame !
À un moment, je ne peux m'empêcher d'appuyer sur la touche d'un piano sur lequel il n'est pas écrit "Ne pas toucher". Et en plus, il n'est même pas accordé, ce salaupiaud !
À l'entrée de la salle des instruments classiques, nous finissons par croiser Tom, accompagné d'Ophely et de leur bébé Sophia. Carmela est là également, accompagnée d'un gars taciturne. "Je ne sais pas si vous vous connaissez", lance Tom. Elle ne se souvient apparemment plus de moi (j'ai l'habitude), mais je me souviens d'elle, évidemment : "Mais oui, on a même fait un bowling ensemble...". Ou plutôt : elle nous avait regardés jouer au bowling... C'était il y a presque six mois, avec Christelle, pour l'anniversaire de Tom. Je peux même retrouver le jour exact, le tout premier jour jamais écrit dans l'ancêtre de ce journal : le 22 avril 2011. (Ha ! Le présent journal s'avère utile, contre toute attente. Dans 10 ans, non seulement je pourrai peut-être concourir pour le Livre des records mais aussi – plus important encore – faire le malin en retrouvant une occurrence très précise enfouie dans un lointain et glorieux passé.)
Le concert va bientôt commencer : nous allons donc nous installer sur un des bancs improvisés de la petite salle. Le groupe est composé de Tom (guitare et cavaquinho), de Guy Buyse (guitare, cavaquinho et cistre), de Pierre Gevaerts (guitare et bandolim) et, en guest star, du percussionniste Osvaldo Hernandez (pandeiro – une sorte de tambourin brésilien – et maracas). Pour autant que je puisse en juger, le groupe est bon et Osvaldo Hernandez tout bonnement impressionnant : je l'avais déjà vu il y a deux ans, pour une représentation en solo. Ce type, on devrait l'appeler "Mr. Tambourine Man", comme dans la chanson de Dylan, ou plutôt "Mr. Pandeiro Man", tant il semble ne faire qu'un avec son instrument. Autre façon de voir les choses, le point de vue de Léandra : on a l'impression que son tambourin est doté d'une vie propre. Avant d'avoir vu joué ce gars, jamais je n'aurais cru qu'on pouvait faire autant de sons et de rythmes différents avec un "bête" tambourin. Mention spéciale à cette technique qui consiste à effleurer la peau du pandeiro avec un doigt pour lui donner un son saccadé si particulier. Le gars sait qu'il est bon et il en surjoue même un peu. C'est aussi le seul musicien à avoir droit à un vrai solo (avec applaudissement durant le morceau, comme dans les concerts de jazz). Hé oui, on a pu le voir : il est d'une dextérité inouïe.
Et en plus, il chante, parfois : Osvaldo, l'homme multifonction.
Le concert se termine d'une manière abrupte car il est l'heure et l'heure c'est l'heure ! Une dame du musée se pointe une première fois vers 21h30 et fait de grands gestes destinés à arrêter les musiciens, qui ne la voient pas. Elle revient cinq minutes plus tard et interrompt la musique en parlant. Et elle travaille dans un musée des instruments de musique ? Pfff... Andrew la comprend, "ayant déjà travaillé dans un musée durant une nocturne". Ben moi je ne la comprends pas. S'il y a bien un truc que je ne supporte pas, c'est quand on interrompt des artistes (d'autant plus qu'ils allaient vraiment terminer, qu'ils n'en avaient plus que pour une ou deux minutes).
* * *
Nous finissons la soirée au café "La Fleur en papier doré". Léandra comptait y manger une soupe à l'oignons. Pas de chance : le cuisinier vient de partir. Léandra, désespérée : "Vous n'avez même pas une soupe en sachet ?". Non, même pas : nous devrons nous contenter d'une assiette mixte. Et pour ma part, je comptais y boire deux Orval, mais je n'aurai droit qu'à un seul, car le serveur m'oubliera à deux reprises. Ce n'est pas notre soirée.
Durant cet après-concert, Andrew parle d'encre de Chine. Andrew n'est jamais arrivé à utiliser correctement un stylo à l'encre de Chine. Andrew est traumatisé par l'encre de Chine. Il a eu à subir deux examens de passage pour son cours de dessin (!), en première et deuxième secondaires, parce qu'il n'arrivait pas à faire quelque chose de correct avec son Rotring (Andrew m'a appris en passant que le fameux stylo allemand était rempli de véritable encre de Chine).
Mes deux amis parlent également beaucoup de leur cours d'impro débutants, qu'ils suivent avec assiduité (avec assiduiqui ?) tous les mercredis soir. Ils doivent y faire une série d'échauffements physiques, puis intellectuels, du genre : être couchés dans le noir et se mettre à compter tout haut ; si deux personnes lancent le prochain nombre en même temps, on recommence à zéro. Ou encore : se lancer des sorts imaginaires ; si quelqu'un dans la salle lance "FREAK OUT !" (littéralement "paniquer", "péter les plombs"), tout le monde doit courir frénétiquement dans tous les sens, en faisant plein de gestes et en se cognant. Léandra me dit que je devrais aussi faire de l'impro. C'est totalement hors de question : déjà, c'est trop cher pour moi ; ensuite, le théâtre, le jeu d'acteur, l'improvisation, ça n'a jamais été trop mon truc. Plus tard, elle me dira que je devrais participer à des ateliers "Jeux de société", ce qui me plaît déjà beaucoup plus !
Constat, à la sortie de La Fleur en papier doré : le bus 48 passe à l'arrêt juste devant le café. Il dépose Léandra près de chez elle, à la Porte de Hal, et me dépose à... 28 secondes du pas de ma porte. Quant à Andrew, il pourra happer le bus 95 qui passe aussi à deux pas de chez lui. C'est magique !
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