dimanche 16 octobre 2011

Mimi₁₆, la petite araignée du Parvis

En ce dimanche d'octobre ensoleillé, vers la fin de l'après-midi, je rejoins Andrew à la Maison du Peuple, au Parvis de Saint-Gilles. Sur la terrasse sans soleil (©Andrew B.) du café, nous nous lions d'amitié avec une toute petite araignée arpentant avec courage la main d'Andrew. Je l'appellerai Mimi. Toutes les araignées s'appellent Mimi...

Une explication s'impose : j'adore les araignées ; je n'aime pas quand on leur fait du mal – et encore moins quand on les torture (un groupe de scouts qui attendait le train en gare d'Andenne en a d'ailleurs eu la preuve, il y a des années). Même si l'idée paraîtra dégoûtante à la plupart des gens, j'ai souvent chez moi une petite araignée attitrée, que j'appelle Mimi : quand j'en trouve une (dans ma salle de bain, dans ma chambre...), je la place à un endroit bien précis de ma cuisine, où elle peut tisser à loisir sa toile sans jamais être dérangée. (À la question : "Tu en as une pour le moment chez toi, Hamilton ?", la réponse est la suivante : "Non, mais c'est bientôt la saison".) Même s'il y en a sans doute eu beaucoup plus dans ma vie d'arachnophile, j'ai décidé arbitrairement et a posteriori que la Mimi du Parvis serait la seizième, parce que j'aime bien le nombre 16 : Mimi₁₆. Hélas ! Nous avons vite perdu sa trace : il faut dire que notre Mimi était assez minuscule et très habile pour se déplacer à l'aide de ses minces fils de soie.

Mais pourquoi est-ce que j'adore les araignées ? Eh bien il existe une multitude de raisons toutes aussi valables les unes que les autres, et pas plus connes que celles avancées par ceux qui aiment les chiens, les chats ou les bouquetins des Pyrénées :
1- les araignées sont solitaires et me foutent une paix royale ;
2- les araignées sont silencieuses ;
3- les araignées se nourrissent de manière autonome ;
4- les araignées suppriment les insectes nuisibles (moustiques, mouches...) ;
5- les araignées (de Belgique du moins), même si elles mordent, ne peuvent pas faire grand mal à un être humain, et encore moins le tuer ;
6- les araignées sont patientes ;
7- les araignées sont intelligentes : elles sont capables de construire d'impressionnantes toiles (chose unique dans le règne animal !) et d'élaborer des stratégies complexes pour venir à bout de leur proie ;
8- les araignées sont intéressantes à étudier, tant du point de vue de leur métabolisme (la soie, le venin...) que de leur symbolique (cf. simplement l'utilisation courante du terme "Web" – la Toile – sur Internet ; le rôle de l'araignée en tant que démiurge dans certaines cultures d'Afrique et, par extension, d'Amérique du Sud ; Arachné dans la mythologie grecque ; ou l'album Spiderland de Slint – encore et toujours !)
* * *

Plus tard, nous nous rendons au Potemkine... Oui, le Potemkine : le-nouveau-café-où-coule-l'infâme-Volga-etc. Pourquoi le Potemkine ? Parce que le concepteur de l'endroit a eu la bonne idée d'y installer, à l'étage, une toute petite "salle de cinéma" (21 places assises) et de proposer un ciné-club gratuit. Au programme d'aujourd'hui, un trésor : Sans Soleil de Chris Marker. J'ai dû tellement en parler, de ce "documentaire" (notamment ici), que Léandra et Andrew sont partants pour la séance. Je suis presque certain qu'Andrew adorera le film (ça parle du Japon, de la Guinée-Bissau, de mémoire, de chats, de l'action du temps sur les individus, de révolutions et de plein d'autres choses). Quant à Léandra, c'est le grand mystère : si ça l'emmerde trop, me dit-elle, elle s'arrogera le droit de "nous attendre dehors".

Le Potemkine est un café assez original : en bas, la salle principale ressemblant à une cantine hype, dont j'ai déjà parlé ; sur le côté, un couloir plus intimiste avec des sièges confortables, ainsi qu'une arrière-cour ; à l'étage, entièrement recouvert de bois (un peu dans le genre "sauna scandinave"), la minuscule "salle de cinéma", un mini-bar et une sorte de "coursive" (pour reprendre le terme d'Andrew) permettant d'avoir une vue panoramique sur la salle principale. Andrew et moi nous installons à l'étage, au niveau de la coursive, attendant Léandra et la guest star du jour : Jonas, qu'elle a invité pour l'occasion.

Lorsque nous nous installons, un groupe de musique répète. Il s'agit de Leif Vollebekk, un Montréalais d'origine norvégienne qui distille une musique rock-folk mélancolique et minimaliste (encore un !), accompagné d'un batteur, d'un contrebassiste et d'une guitariste lap-steel. Ils doivent jouer ce soir vers 21h. Leur musique résonne dans tout le café, difficile de s'entendre parler. Plus tard, à la sortie de Sans Soleil, nous assisterons à une partie du concert et force est de constater que ce n'est pas mal du tout. À suivre donc.


Léandra arrive, puis Jonas. Nous mangeons du boudin blanc, des cornichons et du fromage, puis nous nous dirigeons vers la petite salle de projection pour voir Sans Soleil. Ce film me marque toujours autant, et ce dès les premières secondes, avec les fameuses "longues amorces noires" de l'introduction. Il ne se laisse pas facilement décrire, ce film : il est magnifiquement construit, par associations d'idées/d'images/de sons et à l'aide d'analogies osées, mais ne contient aucune thèse manichéenne, aucun argument simpliste que l'on pourrait résumer en quelques phrases... "Rien n'est simple", comme le constatera une voix énigmatique durant le film, et seule sans doute la poésie complexe d'une œuvre comme celle-là est capable d'appréhender une tranche de réel, de donner un sens à un pan du temps et de l'espace. En conclusion, je ne vais pas me lancer dans le jeu difficile de décrire le thème du film, car la tentative tomberait à coup sûr à plat. Un extrait, simplement (mon dieu, quel regard !) :



Dans Sans Soleil, je n'ai pas vu d'araignée : les animaux fétiches de Chris Marker sont le chat et la chouette.

À la fin du film, contre toute attente, tout le monde a aimé. Jonas, dubitatif avant la projection, dira : "En fait, on n'a pas le temps de s'ennuyer un seul instant, avec ce film". 

* * *

Nous terminerons gentiment la soirée au Verschueren. 

J'ai déjà trop écrit aujourd'hui et j'en ai marre, sérieusement... Mes textes sont beaucoup trop longs, à tel point que plus personne ne les lit jusqu'au bout... En outre, je suis, en ce lendemain de Sans Soleil, à l'heure où je termine ce texte, à la Maison du Peuple avec Emily. Donc : je ne décrirai pas cette après-soirée au Verschueren, c'est comme ça ! C'est la vie !

(Ce dernier paragraphe casse l'unité temporelle de ce blog, mais je crois que je m'en remettrai.)

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