mardi 31 juillet 2012

3. « Ce n'est pas une femme, c'est une apparition »

3.1. Donc aujourd'hui, Charlotte, Christiane, Rolande, Sylvette et moi quittons le boulot un peu plus tôt pour nous rendre à l'exposition « Golden Sixties. J'avais 20 ans en 60 », qui prend ses quartiers jusqu'au 28 avril 2013 dans la gare de Liège-Guillemins.

3.1.1. Découvrant les premières salles intitulées « Prologue », j'ai très peur — façon de parler — car c'est vraiment du grand n'importe quoi. Charlotte ne peut réprimer des éclats de rire. Quant à moi, je suis littéralement plié en deux. La raison : les scénographes ont ponctué le début de la visite d'encarts historiques sous forme de slogans percutants, faisant le pont entre cette époque « révolutionnaire » et la nôtre. Cela donne lieu à des absurdités comme (de mémoire) : « 1960 : Nuclear Power / Today : Economic Power », ou bien à des raccourcis fulgurants, en quelques lignes, entre une crise politique et une autre qui a lieu cinquante ans plus tard.

3.1.1.1. Je range dans ma poche, dès les premières salles, cet audioguide qu'il faut constamment tenir auprès de l'une de ses oreilles. Je ne veux pas qu'un narrateur à la voix suave m'explique que je suis le tueur de John Fitzgerald Kennedy embusqué avec mon fusil Carcano dans un appartement surplombant Elm Street.

3.1.1.2. Sur un des murs du « Prologue », une série de très belles affiches de propagande pour la coopération européenne dans le cadre du plan Marshall (voir ici, notamment). — On peut être pour ou contre le programme, cela restera tout de même de très belles affiches. La fin de cette jolie série est hélas souillée par une ridicule page blanche sur laquelle a été imprimé à la va-vite le logo de... la Région wallonne ! — Quel est le rapport, s'il vous plaît ?

Reyn Dirksen, All our colours to the mast, 1950.
(Source : Wikimedia Commons.)

3.1.2. Mais je suis mauvaise langue car ce n'est que le début. Et la suite vaut tout de même le détour. L'exposition est un mélange de mises en scène (l'assassinat de JFK donc, un restaurant et une barricade durant les évènements de Mai 68, le module Eagle posé au milieu d'un paysage lunaire, l'Hôtel du Globe dans La Grande Vadrouille...) et d'espaces plus didactiques (objets divers, panneaux d'explication...).

3.1.3. L'exposition devient vraiment intéressante au moment où elle bifurque vers le culturel. Car de nombreuses salles sont consacrées à la musique, à la peinture, au cinéma... Les Beatles sont partout, mais aussi la génération Woodstock, les hippies de l'île de Wight, le Velvet Underground (et Adamo). Quand je les vois tous (ou presque), avec leurs longs cheveux, en train de fumer leurs pétards dans la nature des festivals sur fond de California Dreamin', je me fais évidemment la réflexion suivante : « Mais qu'est-ce que je fous ici ? »

3.1.4. Une des salles est consacrée au féminisme (un encart pour Simone — coucou Léandra !). Une salle plus loin, place aux icônes des années soixante... Bardot évidemment (dont une horrible statue [de cire ?] absolument pas ressemblante se dresse un peu plus loin dans l'exposition), Jeanne Moreau... Elles sont toutes balayées par ces photos en noir et blanc de Delphine Seyrig, la formidable et mystérieuse inconnue de L'Année dernière à Marienbad de Resnais. (« Ce n'est pas une femme, c'est une apparition », dira sept ans plus tard Antoine Doisnel/Jean-Pierre Léaud dans Baisers volés.)

Delphine Seyrig. (Source.)

3.1.4.1. Fin de la rêverie/Retour à la réalité : « Ouais, ce film, si tu veux un bon somnifère, c'est parfait ! » (Sylvette)

3.1.5. Sans aucun rapport avec la Nouvelle Vague, je visionne une dizaine de fois d'affilée en fin d'exposition — parce que ça me fascine — le mythique rouleau dorsal de Dick Fosbury aux Jeux olympiques de Mexico de 1968... Ce type était plutôt du genre « athlète amateur », mais lors de ces fameuses olympiades, il a bluffé tout le monde avec sa fameuse méthode de saut en hauteur renversé, qui est soit dit en passant aujourd'hui la seule utilisée dans les compétitions de haut niveau. — Le voir si concentré avant le saut et entendre le public l'acclamer dès qu'il se met à courir... L'ambiance a quelque chose de magique et d'attachant. (Ce paragraphe est en contradiction la plus totale avec tout ce que j'ai pu dire ou écrire précédemment sur les foules en délire.)

Fugace expression étonnée de l'arbitre à la fin de la vidéo :
« Mais qu'est-ce qu'il fout ? Est-ce légal ? »
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3.2. Dans le train de retour, devant moi, une dame d'environ soixante ans tente de résoudre tant bien que mal une grille de « mots mêlés ». L'anecdote vaut la peine d'être mentionnée car, de Liège à Tamines, soit en une heure de voyage, elle a fini par trouver en tout et pour tout... sept mots ! Qu'est-ce qu'elle est lente ! Elle passe son stylo le long d'un mot puis passe outre, puis y revient, etc. J'ai envie de lui en montrer plein — « , "ARBRE", et , "CRAYON" ! » — mais je me retiens.

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