Rolande, à la pause café de ce matin, s'adressant principalement à Wynka et à moi, mais ciblant tout aussi bien Charlotte et Lodewijk (qui sont absents ce jeudi), nous lâche : « Franchement, les amis, vous êtes pénibles avec vos histoires de syndicalistes... Vous n'arrêtez pas d'en parler, au café comme au dîner... » Elle est rejointe dans son discours par Sylvette et Christiane : « Est-ce qu'on vous ennuie avec des histoires de bibliothéconomie toute la journée, nous ? » — « Mais c'est que nous n'avons pas moyen d'en parler à d'autres moments... » Nous sommes tellement pressés par ce temps qui fuit !
Sylvette : « Si vous mentionnez une seule fois le boulot au bowling ce soir, vous devrez payer une tournée ! »
La tentation est trop forte : ce sera le gag récurrent de la journée. À chaque fois que je croise Sylvette ou Christiane, je me mets à parler de syndicalisme : « Ton histoire me fait penser à cette fameuse lettre que Bastien Durrée a remise à Albert II lors de sa joyeuse entrée à Liège ! », « 1971 ! Comme la grève des cols blancs à Cockerill, bien sûr ! », « Mais tout cela ne nous dit pas pourquoi André Renard a procédé de cette manière en 1948, alors qu'il se positionnait clairement pour l'unité syndicale... Qu'en pensez-vous ? »
Le soir, au bowling, nous formons tout d'abord deux équipes : l'équipe « BEF » (pour « Bibliothécaires en folie », hé oui !), composée de Christiane et de Sylvette, et celle des historiens, composée de Wynka et de moi-même. J'avais fait (comme d'habitude) le malin toute la semaine en affirmant que je savais très bien jouer au bowling... Mes trois collègues sont donc très déçues (et surtout hilares) lors de ma première « rigole ». Wynka, quant à elle, s'amuse à lancer la boule le plus loin possible de la piste, c'est-à-dire dans la direction opposée des quilles. Elle et moi, nous formons une fine équipe ! Les « BEF » gagnent deux parties, mais de peu siouplaît.
Sur le tableau de bord de la piste, l'inscription suivante : « Consommations OBLIGATOIRES. Veuillez appuyer sur le bouton rouge pour commander. » — Est-ce légal ?
Lodewijk arrive alors que nous sommes occupés à jouer une troisième partie, individuelle cette fois-ci. En me regardant lancer ma boule, il pouffe : « Quoi ? C'est tout ? Tu lances fort et au milieu ? Et moi qui croyais que tu avais une technique particulièrement originale ! » Quant à Christiane et Sylvette, elles font tout ce qu'elles peuvent pour me déconcentrer : par exemple, elles crient « Pouet pouet ! » quand je m'élance. Tout le monde il est très très méchant avec moi M'dame !
« Tu as 65 points... 1965... Cette fameuse année où ils ont tenté de syndicaliser les cadres d'entreprise en embauchant des universitaires au sein des structures syndicales nationales... »
Un groupe d'une quarantaine de jeunes (et moins jeunes) débarque dans le bowling. Ils sont apparemment là pour boire un verre et non pour jouer. Wynka : « C'est horrible, on dirait des étudiants d'HEC ! », puis : « Je me tais, je me tais, car on va dire que je fais du délit de sale gueule ! » Un peu plus tard, le serveur vient prendre une troisième commande de boissons (OBLIGATOIRES donc). Lodewijk tente de faire de l'humour avec le serveur, désignant le groupe de jeunes : « Nous avons un compte "boissons" à l'entrée, mais ne les comptez pas dans notre addition, hein... » Le serveur ne comprend pas le second degré et répond, presque choqué : « Ça n'a rien à voir avec vous, Monsieur... »
Après le bowling, nous passons en coup de vent au Village gaulois, place Saint-Paul. (Tout ce monde condensé, ça me donne le bourdon...) Nous n'y restons pas longtemps et allons manger dans une brasserie pas loin de la place Cathédrale. La pluie commence à tomber dru. Je commande des boulets à la liégeoise (c'est délicieux, vraiment).
Voilà une journée globalement positive, sans cynisme ni pensées ténébreuses ! Comme quoi, tout peut arriver dans ce journal, même le meilleur !
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