J'ai l'impression de revivre le même début de soirée, avec une série de variations, dont voici le thème : tous les soirs de la semaine, j'arrive à la Maison du Peuple de Saint-Gilles après le boulot, j'installe mon ordinateur (toujours à la même table, au fond, près du distributeur de cigarettes), je me connecte au Web, je relève la tête et je vois arriver Emily, à l'improviste, avec son sac en bandoulière, qui me dit bonjour et qui installe son propre ordinateur. Hier, c'était un peu la même chose, sauf qu'après un moment nous avons rejoint Andrew et Zahra à une autre table. Avant-hier aussi, sauf qu'Emily était là avant moi, presque à la même place. Dimanche aussi : même table et même "configuration d'arrivée" d'Emily. Demain, je n'y serai pas car je vais manger chez Léandra. Vais-je survivre à ce déracinement, sans Emily ? Il le faudra bien. De toute façon, cette dernière me dit qu'elle ne sera pas là non plus car elle a des choses à faire chez elle. J'ai un petit rire intérieur en me disant qu'elle ira tout de même sans doute boire un verre avec Andrew et Walter à Ixelles.
Emily a du travail ce soir (du codage). Il faut absolument qu'elle le termine sinon elle dormira mal durant la nuit. De plus en plus de mes amis ont l'air de vivre comme ça, emportant leur boulot le soir "à la maison", stressés s'ils n'achèvent pas ce qu'ils ont commencé au cours de la journée. Je croise ce comportement tout le temps et c'est quelque chose que je n'arrive vraiment pas à comprendre. Et pourtant j'essaye ! C'est juste du travail, quoi... Mon chef est comme ça et la plupart de mes collègues sont comme ça. Seuls mes deux collègues bibliothécaires et moi-même oublions jusqu'à l'existence du boulot dès que nous le quittons. Je passe déjà ma vie dans les trains pour gagner ma vie (ou pour la perdre, ça dépend du point de vue). Hors de question que j'exporte mon travail chez moi donc, sauf dans des cas bien précis de télétravail, en journée.
De mon côté, pendant qu'Emily termine son taf, je passe mon temps sur mes devinettes visuelles et sur d'autres projets futiles... Vu de l'extérieur, nous devrions passer pour une espèce particulière de handicapés sociaux, mais non, pas du tout : nous sommes à la Maison du Peuple. En tout cas, c'est marrant (ou pas) : on ne délaisse nos ordinateurs que pour manger (et encore !). Nous passons la seconde partie de la soirée à discuter, sans les PC, et c'est quand même plus sympathique.
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