Les temps de midi à mon boulot sont autant d'occasions de discuter de sujets divers et variés. À l'arrivée de ma collègue Charlotte, absente le matin, qui contourne la table et fait poliment la bise à tout le monde en guise de salut, une interrogation me vient soudain à l'esprit (et ce n'est certes pas la première fois que je me la pose) : pourquoi se fait-on la bise quand on se dit bonjour ou au revoir ? Le geste n'est pas du tout universel et change profondément de signification selon les pays. Parfois, l'idée même de s'embrasser est absente culturellement. En Belgique, la bise est très courante, même dans le milieu professionnel : je fais la bise à mes collègues et à mon directeur et il ne me viendrait pas à l'esprit de leur serrer la main. J'ai déjà remarqué que c'était beaucoup moins naturel chez certains Français par exemple, du moins entre hommes, même entre amis proches parfois. Pour compliquer la chose, il y a des dizaines de façon d'embrasser amicalement et chaque personne possède ses tics propres, sa propre gestuelle. Certains prennent leur distance en présentant leur menton, d'autres au contraire embrassent très proche de la bouche (j'ai en tête une série d'exemples pour les deux cas). Bref, c'est un sujet passionnant, contre tout attente.
Toutes ces réflexions s'entremêlent rapidement dans mon cerveau, plus ou moins dans cet ordre, et je finis par dire tout haut que s'embrasser sur la joue en faisant un "smoutch" plus ou moins bruyant n'a pas beaucoup de sens et qu'on applique cette coutume simplement parce qu'on nous l'a apprise depuis notre plus tendre enfance. C'est une norme sociale très ancrée, une des plus habituelles de notre vie.
Pourquoi une bise ? On montre par là qu'on accepte le contact corporel, qu'on est amical envers l'interlocuteur et qu'on le considère comme plus ou moins proche... Mais après ? Y a-t-il d'autres explications ? Intervention d'une collègue, Sylvette : "Mais pourquoi faut-il toujours que tu te poses des questions pareilles ?". Ben je sais pas... Heureusement, on n'a pas parlé de l'autre baiser, le baiser amoureux. Celui-là est sans doute plus complexe encore, car il est forcément plus chargé d'émotions. Cela dit, il sous-tend la même question : pourquoi fait-on cela ? Et pourquoi sa pratique est-elle excitante en elle-même ? C'est un débat que je lancerai une autre fois.
Un autre sujet de conversation : la haine viscérale que mon collègue Aurèle et moi-même vouons à Queen. Je suis bien content d'avoir parmi mes collègues quelqu'un, musicien de surcroît, qui déteste la musique de ce groupe : je me sens moins seul. "Bohemian Rhapsody" est à mes yeux la plus ignoble création musicale de tous les temps, pire encore qu'une chanson de Florent Pagny (c'est dire !). Notre collègue Sylvette adore Queen. Ça nous est égal, évidemment (chacun ses goûts) mais vu que c'est un sujet sensible, on en rajoute une couche, voire plusieurs. Je me dis que c'est à ce moment que je suis le plus naturel : quand je me fous (gentiment) de la poire des gens. Je devrais creuser ce type de contacts, ça crée des liens insoupçonnés.
Courant de l'après-midi, je reçois un coup de fil de Lewis. Il a eu deux semaines de travail intense et se retrouve seul ce week-end, sans rien à faire. Je comprends son désarroi : quand on abat du boulot, on n'a pas le temps de se sentir seul, on est entraîné dans une routine. Une fois seul, sans rien à faire, l'introspection revient au galop. Lewis me parle également de son anniversaire, qui a lieu demain : non pas son vrai anniversaire en janvier, mais son anniversaire tel qu'il a l'habitude de le fêter depuis sa petite enfance : le 25 août, jour de la Saint-Lewis. Je trouve ça original voire curieux, mais je ne commente pas.
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Ce soir, deuxième tentative pour aller voir Melancholia de Lars Von Trier au cinéma, mais nous reportons à nouveau. Aujourd'hui, ce n'est pas moi qui ai un empêchement mais Andrew. Une malédiction pèse sur ce film. Conséquence : Léandra, Emily et moi remplaçons le cinéma par... un verre à la Maison du Peuple de Saint-Gilles (on ne change pas les habitudes).
Aujourd'hui, j'ai acheté un cahier, pour noter les événements et les discussions de la journée. Il m'est en effet assez difficile de me souvenir des conversations de café. La preuve encore aujourd'hui : on a parlé de tellement de choses différentes que je ne me rappelle pas de l'évolution de la conversation. J'ai donc bien fait de noter quelques mots-clés dans ce nouveau cahier.
Ainsi, parmi les questions posées et notées, celle du cursus scolaire. En Belgique, dans la plupart des cas, c'est facile à comprendre : il y 3 années maternelles (de la première à troisième), 6 années primaires (de la première à la sixième) et 6 années secondaires (de la première à la sixième aussi). En France, c'est vachement plus compliqué : à l'école élémentaire, déjà, les petits Français ont droit aux CP, CE1, CE2, CM1, CM2, puis, au collège et au lycée, à un curieux compte à rebours : ils commencent par la sixième et finissent par la première et enfin la terminale. Question : pourquoi compte-t-on à l'envers ? Il est trop tard pour que je cherche la solution aujourd'hui.
On parle aussi de Lewis et de sa fête "anniversaire" le jour de la Saint-Lewis (voir plus haut). Emily raconte que dans sa famille, ses grands-parents préfèrent qu'un nouveau-né porte le prénom d'un saint existant au calendrier, pour qu'il ait sa fête propre. Du coup, je stresse et me demande quel aurait été mon prénom si mes parents avaient décidé de me nommer selon le saint du jour de ma naissance. Résultat : Guillaume ! Amusant : c'est le prénom que mes parents voulaient me donner au départ, avant de choisir Hamilton ; c'est aussi le prénom que j'aurais voulu donner à mon enfant s'il avait été un garçon !
J'essaye de m'endormir mais la chose va encore prendre du temps : depuis une semaine, la nuit, mon cœur joue aux extrasystoles en rafale et, sans raison, bat la chamade. Je pense si souvent à toi que ma raison en chavire ; comme feraient des barques bleues et même les plus grands navires... Oui, je déteste Queen, mais j'adore Julien Clerc, c'est comme ça.
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