Volière. — Centre commercial « La Folie Douce » à Auvelais. Je me rends au « Pays des merveilles » avec Gaëlle et mon papa. Ça ressemble à une énorme volière d'intérieur s'étendant sur plusieurs étages, mais c'est en réalité un grand parc de récréation pour les enfants. Chaque moutard s'acquitte d'un droit d'entrée puis court s'amuser des heures entières à l'intérieur d'un système d'escaliers, de toboggans, de tunnels et de cordages... Pendant ce temps, les parents s'installent à l'une des tables entourant cette « giga-structure » et attendent. Et ils attendent, attendent et attendent encore ! Ils attendent des heures et des heures ! Ensuite, après avoir attendu des heures et des heures, ils attendent encore une heure. Heureusement, il y a de l'Orval. Heureusement aussi, le commerce d'à côté est une grande librairie-papeterie du nom de « Délivrez-vous ».
« Délivrez-vous ». — Au moins dix exemplaires d'Un sentiment plus fort que la peur, le tout nouveau roman de Marc Levy, reposent sur un présentoir à l'entrée de la librairie : une éphémère vision d'horreur que je m'empresse de contourner. Plus loin, dans le petit rayon « Sciences humaines », je suis par contre très surpris par la qualité de ce qui y est présenté : six livres de Nietzsche, dont une luxueuse traduction de son Zarathoustra, mais aussi De l'inconvénient d'être né de Cioran, Surveiller et punir de Foucault, La Stratégie du choc de Naomi Klein, des essais sur la science-fiction, des livres de vulgarisation sur le Cosmos...
« Je peux vous aider, Monsieur ? »
(Je me retourne : c'est un des libraires du magasin, un peu plus jeune que moi.)
« Non, ça ira, merci ! Enfin... Si, tout compte fait ! Je me demandais... Est-ce que vous avez aussi un rayon "Sciences exactes" ? »
(Je ne sais absolument pas pourquoi je pose cette question.)
« Hélas non ! Nous n'avons pas assez de demandes pour en ouvrir un...
— J'avais espéré, en voyant ce très bel espace "Sciences humaines"...
— Oui, c'est moi qui choisis personnellement les livres de ce rayon : j'adore Nietzsche ! »
Et voilà que nous discutons pendant plus d'une demi-heure ! Il est, dit-il, amoureux du style poétique du philosophe à la belle moustache. Il m'explique qu'il avait en librairie Le Monde comme Volonté et comme Représentation de Schopenhauer mais qu'il a réussi à le vendre, et aussi qu'il possède dix éditions différentes de Voyage au bout de la nuit à son domicile. Dans le rayon Fantasy/Science-fiction, la seule série complète en vue est le Cycle de Dune : « Fantastiques romans ! », me lâche-t-il avant de m'en présenter deux autres : Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski et Les Lames du Cardinal de Pierre Pevel. Il m'emmène ensuite dans un autre rayon pour me parler de Ce qui est en haut de Gilles Haumont (« L'intrigue est ridicule mais certaines des thématiques abordées sont intéressantes »). Il termine la conversation par « Tiens, est-ce que vous avez déjà lu Lovecraft ? » — Ce libraire n'est pas un homme : c'est un miroir !
Écartèlement. — Enfin de retour à « la volière », mon père part à son tour se dégourdir les jambes aux alentours du complexe. Je lis le premier chapitre de Surveiller et punir de Michel Foucault (que je viens d'acheter, on l'aura compris) pour... hem... passer le temps. Ce livre débute par une scène particulièrement atroce, presque insoutenable même : le supplice de Damiens, condamné à être torturé, écartelé et enfin brûlé pour tentative d'assassinat sur Louis XV... Le démembrement commence à l'aide de quatre chevaux, mais ça ne fonctionne pas. On réessaie avec six, toujours sans résultat. Après de longues heures de souffrances, les bourreaux finissent par lui entailler les cuisses puis les bras à l'aide de couteaux... La procédure est citée en entier et aucun détail ne semble avoir été laissé dans l'ombre. Je relève la tête de mon livre, dégoûté, et — horrible analogie ! —, à dix mètres de moi, à l'intérieur de la structure de jeu, je vois quatre enfants s'amuser à en soulever un cinquième, chacun le tenant par un membre !
Le clown écarlate. — « Papa, j'ai peur que le clown écarlate vienne me chercher pendant la nuit ! Normalement, il ne fait rien aux enfants sages, mais il paraît qu'il est très méchant avec ceux qui ont fait des bêtises ! » Où donc a-t-elle été chercher une histoire pareille ? Petite recherche Internet... Ha, j'ai compris !
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