mardi 19 février 2013

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Immolation par le feu. — Au boulot, la chaudière est (comme presque chaque hiver) en panne depuis ce matin et mes collègues rajoutent des couches à leurs vêtements au fur et à mesure de la journée. Sylvette débarque dans notre bureau : « Si vous allez dans le couloir, que vous sentez une drôle d'odeur de mazout et que vous y voyez des pompiers et des policiers, c'est normal : un type a tenté de s'immoler ce matin dans la commune ! » — Une sordide analogie à base de mazout est hélas possible entre cet incident tragique (la tentative de suicide, ou à tout le moins l'appel à l'aide, d'un homme doté d'un bidon d'essence [?] et d'un briquet) et cet autre incident banal (une panne de chaudière), mais ce n'est pas moi qui, le premier, fais le rapprochement, pour une fois.

La presse de caniveau et ses commentateurs. — Ils lisent « immolation », « Marocain » et « permis de séjour » dans un article de presse (un torchon rédigé à la va-vite) et leur cerveau (?) démarre au quart de tour. Ils écrivent : « Encore un assisté », « Un de moins » (texto) ou bien le très relevé « Crève ! » (... raclure ?), sans oublier évidemment la panoplie complète du « Et pendant ce temps, nous les Belges, on souffre en silence ! » et du « Et qui va encore payer les frais d'hôpitaux ? » Si je leur réponds, je me ferai à coup sûr traiter de « gauchiste » (ce qui est vrai, et par ailleurs un très beau compliment, surtout quand il arrive par l'intermédiaire du clavier d'un facho à la limite de l'analphabétisme) ou de « socialo-bobo » : un terme grâce auquel ces couillons arrivent à mettre dans le même ensemble un écolo, un communiste et un social-démocrate, voire même le jeune gars de droite qui vérifie les cours de la bourse à la table d'un café branché. Toute réponse apportée à ces enragés est vaine, terriblement vaine. Il est déjà trop tard. Quoi que je dise — quoi que nous disions —, ils me — nous — taxeront de « bien-pensance », alors qu'ils sont les pires des conformistes ; alors qu'ils s'inscrivent à la perfection dans le climat délétère qui ronge actuellement la vieille Europe. — Que disait l'autre ? « Fuis, mon ami, fuis dans ta solitude ! » Et si jamais cette fuite-là ne suffisait plus ? Et si jamais ces zombies me rattrapaient, avec leur talion et leur guillotine ? Eh bien plutôt mourir que de partager le quotidien et les idées des « braves gens comme tout le monde » adeptes malgré tout de la torture et de la punition pour l'exemple — de la barbarie !

Points de suspension. — Je les adore, peut-être même presque autant que les tirets cadratins ! Donc, lorsque, à la pause café, mes collègues en discutent (pas nécessairement en mal, cela dit), je me sens obligé de prendre le rôle de l'avocat de la défense. Wynka explique que son ancien chef les détestait : « Ces trois points, pour lui, c'était le synonyme de l'indécision féminine. » Ben voyons ! (N'importe quoi.) Utilisés à bon escient, les points de suspension permettent pourtant d'éviter de bien pénibles développements : quand ce qu'on voulait dire est dit et que le prolongement de notre pensée est assuré, à quoi bon continuer de remplir une page avec des mots ? Trois points de suspension et voilà que la phrase jamais écrite mais néanmoins pensée s'imprime comme par enchantement dans l'esprit des lecteurs !

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