En se basant sur les articles que j'ai rédigés cette semaine, un lecteur, même avisé, pourrait croire que je passe tout mon temps libre à compulser à n'en plus finir de la philosophie allemande, à réfléchir sur ma condition, à épiloguer sur Goethe ou encore à écouter religieusement des amis disserter sur le sens profond du feuilleton La Petite Maison dans la prairie. Or, rien n'est plus faux. J'ai passé la majeure partie de mon temps libre à jouer à The Legend of Zelda: Ocarina of Time sur la Nintendo 3DS que ma fille a laissée chez moi. Il s'agit d'un jeu vieux de près de quinze ans (sa première sortie sur Nintendo 64 date de 1998) qui a récemment été porté sur la nouvelle console portable du géant nippon.
Dans cet épisode de la saga Zelda, Link, le héros, débute son aventure dans la grande étendue boisée du royaume d'Hyrule nommée forêt Kokiri. Là vit le peuple du même nom, composé d'éternels enfants ne sortant jamais de leur habitat protégé (une forme particulière de syndrome de Peter Pan ?). Link croit appartenir au peuple Kokiri alors que pas du tout ; le pauvre enfant se fourvoie lamentablement, il ne voit pas clair, il a du caca dans les yeux ! Link est en effet un Hylien — Hé oui ! Comment cette parfaite évidence a-t-elle pu lui échapper, à ce petit couillon ? — que sa mère, mourante, a confié au vénérable Arbre Mojo, le père de tous les Kokiris, qui veille sur la forêt (c'est le vieux thème éculé de l'enfant différent des autres qui apprendra cette différence d'un seul coup à l'occasion du commencement d'une quête initiatique). L'Arbre Mojo explique à Link qu'il est un des rouages essentiels du destin du monde (autre thème éculé) et qu'il va devoir, seul, lutter contre les ténèbres qui bientôt s'abattront sur le royaume (oui, oui, c'est toujours aussi bateau). Le reste, on s'en doute un peu : la princesse Zelda disparaît à cheval, poursuivie par le méchant récurrent Ganondorf, et ce dernier prend possession du pays puis le plonge progressivement dans le chaos, etc., etc.
Comme toujours dans cette série, ce n'est pas dans le scénario que l'on cherchera l'originalité, mais plutôt dans le gameplay. Ainsi l'un des mécanismes les plus intéressants du jeu tient-il dans la possibilité, après quelques quêtes, de descendre et de remonter la rivière du temps : que Link retire l'Épée de légende de son socle et il deviendra adulte ; qu'il la remette et il redeviendra enfant. Mais il n'est pas question ici de peindre un arbre à kumquats en rouge afin que George Washington, croyant voir un cerisier, l'abatte, permettant à Laverne, quatre cents ans plus tard, d'être libre de ses mouvements. Non, non, c'est tristement beaucoup plus simple : en gros, Link plante un haricot magique enfant et peut s'en servir une fois adulte. (Peut-être, comme le remarquera Andrew demain — moi aussi, je peux voyager dans le futur ! —, ce jeu n'est-il pas totalement abouti ?)
« J'élude un certain nombre de points intéressants parce que je n'ai, pour tout dire, pas du tout envie de parler de Zelda. Je suis fatigué. Mon plus grand désir, ce soir, est d'aller lire un peu dans mon lit avant de m'endormir. Mais que voulez-vous, ma chère Madame, il faut bien que je continue à écrire !
— Oh ben ça ! Et pourquoi donc, mon bon Monsieur ?
— Parce que je suis déjà très en retard, voyez-vous...
— "Il n'est jamais trop tard pour être en retard", qu'y disait mon défunt mari en r'venant du champ ! Enfin, j'dis ça, j'dis rien, hein ! Moi, vous savez, j'y connais pas grand-chose en retard d'écriture !
— Eh bien vous en avez de la chance ! »
Conclusion : ce samedi, soit Gaëlle me regarde jouer à Zelda (parce qu'elle a peur de prendre la console en main et de tomber sur un monstre — tout ce qu'elle veut, c'est se balader) ; soit elle joue à créer des Miis (des avatars configurables à l'aide d'une application propre à la Wii et à la Nintendo 3DS). — Amusant : après quelques tâtonnements, il est possible de créer un personnage qui ressemble vraiment à un individu existant ou ayant existé (y compris à un philosophe célèbre !).
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