Publicité. — « Tes relations avec les autres laissent à désirer ? Tu es timide, complexé et maladroit dans tes contacts sociaux ? Tu ne comprends pas pourquoi d'aucuns te laissent de côté et te tirent la gueule ? Tu es célibataire depuis longtemps et tu ne sais pas comment rompre cette solitude qui te ronge ? Nous avons LA solution à tous tes problèmes ! — OUI ! Tu as bien entendu ! — LA solution ultime ! Cela s'appelle... la philosophie allemande. Avec la philosophie allemande, tu découvriras un monde fait d'exaltation de soi, de sentiments de supériorité et de misanthropie. Tu comprendras également que tu te poses de très mauvaises questions et que la vie ne peut être vécue que dans le stoïcisme le plus complet et le repli du Monde. Alors, toi aussi, parcours sans plus tarder cette huitième merveille de l'humanité qu'est la philosophie allemandeuh ! Premier pack à 18,89 € seulement, les suivants à 19,51 € ! (Les parenthèses, tirets cadratins et autres ponctuations superflues sont en option.) »
Pendant ce temps, hier soir... — Avec toutes ces conneries d'anniversaire, je n'ai pas du tout parlé de mon week-end, que j'ai passé en compagnie de mes parents et de ma fille. (Rien à signaler de ce côté, si ce n'est que cette dernière a reçu son troisième bulletin de première primaire — très beau — et qu'elle est de plus en plus éveillée.)
Hier soir, comme tous les dimanches ou presque, je suis allé à la Maison du Peuple. J'avais en vue de travailler en première partie de soirée à une sorte de tableau d'ensemble reprenant les périodes marquantes de ce blog pour l'année écoulée, mais dès mon arrivée, je tombe sur Nanash — un revenant ! — et Andrew. Normalement, eux aussi doivent travailler : Nanash a en effet demandé à son vieil ami de l'aider à traduire en anglais le résumé d'une communication médicale qu'il voudrait donner au Brésil cet été. L'abstract (comme il dit) doit être envoyé aujourd'hui... mais il n'a pas encore terminé le texte en français.
Personne à la table ne travaille comme il devrait travailler. Nanash s'isole un moment sur son MacBook grâce à ses écouteurs, mais après une petite heure, il revient sur Terre et prend part à une discussion politique, élection présidentielle française oblige. Nanash appartient à ce qu'on pourrait appeler, en gros, la gauche radicale (un communiste, quoi) et soutient donc Mélenchon... Moi aussi. (Comprendre : si j'étais Français et que je devais voter pour quelqu'un à la présidentielle, je voterais pour lui.) Je dis d'ailleurs durant la conversation, sans que je sache moi-même si je suis sérieux ou pas, que dans l'éventualité — extrêmement improbable — d'une victoire du leader du Front de gauche, je prendrais illico presto le train pour Paris... (À défaut du drapeau noir, je brandirais un drapeau rouge sang. — Mais à choisir, je préfèrerais encore brûler tous ces putains de drapeaux.)
Qu'importe les arcanes de la politique française ! Ça me fait très plaisir d'avoir un gars de gauche à ma table. Je sens comme un souffle d'air frais ce soir (ou plutôt hier soir) : celui de la remise en question du système. Je me sens moins seul, pour une fois : d'habitude, en soirée, à l'exception de celles que je passe en compagnie de Flippo, Zapata, Amy, etc., ou de Léandra en tête à tête, je suis entouré de gens ou bien de droite, ou bien centristes (donc de droite), ou bien encore apolitiques (donc de droite).
Je regarde avec une certaine délectation Nanash s'énerver en tapant du poing sur la table. Sa colère me rappelle un peu celle qui m'a prise d'un coup lors d'une soirée chez moi, le vendredi 17 juin 2011 (de l'intérêt de tenir un journal). Il s'agit ici, pour autant que je puisse en juger, du même genre d'énervement : celui de quelqu'un qui sait ce que c'est, matériellement, de ne pas avoir d'argent du tout, et qui trouve presque déplacée toute discussion bourgeoise, de salon, à ce sujet.
Je regarde avec une certaine délectation Nanash s'énerver en tapant du poing sur la table. Sa colère me rappelle un peu celle qui m'a prise d'un coup lors d'une soirée chez moi, le vendredi 17 juin 2011 (de l'intérêt de tenir un journal). Il s'agit ici, pour autant que je puisse en juger, du même genre d'énervement : celui de quelqu'un qui sait ce que c'est, matériellement, de ne pas avoir d'argent du tout, et qui trouve presque déplacée toute discussion bourgeoise, de salon, à ce sujet.
Nanash possède une conscience politique très tranchée. Il a des idées arrêtées sur les salaires et sur ce que devrait gagner les gens : « La rémunération d'un ministre ou d'un parlementaire, à l'origine, c'est pour permettre à tous, y compris aux classes les plus pauvres, d'occuper ce genre de fonction et de s'y consacrer à plein temps. C'est aujourd'hui une somme énorme. C'est moralement inadmissible de gagner autant. C'est une question de principe. Quand autant de gens sont asphyxiés financièrement, les représentants de l'État se doivent, encore plus que les autres, de donner l'exemple. » Ou encore : « Les règles du jeu devraient être exactement les mêmes pour tous. Or, actuellement, rien n'est plus faux. Ceux qui sont les plus capables de s'en sortir financièrement, ce sont les classes les plus aisées, qui peuvent se payer sans problème un comptable, un avocat... La justice ne s'applique pas de manière égalitaire pour tous. Ce sont toujours les plus petits qui ont le plus de mal à s'en sortir... »
Face à lui, Andrew est un peu énervé, pas tant à cause du discours qu'il tient que de son comportement de procureur général. Andrew se dit même inquiet par rapport à un tel ton : il n'aime pas l'attitude qui consiste à délimiter ce que devrait être la vertu en matière de société. Je suppose qu'Andrew considérerait une société économiquement planifiée comme une énorme privation de liberté, voire comme une aberration. — Mais le problème réside aussi dans le fait qu'actuellement, comme souvent (voire toujours ?), beaucoup de personnes sont réellement privées de toute liberté parce que la redistribution des richesses est tristement mal foutue.
Save and continue. — Toujours au cours de la même soirée, Andrew, qui en ce moment joue à un vieux Zelda sur sa console, me dit en substance ceci : « Pouvoir revivre sans cesse une journée passée, comme dans Un jour sans fin
avec Bill Murray, c'est le rêve de toute la génération "Jeux vidéo" : sauvegarder sa vie comme on le fait avec une partie de Zelda et pouvoir la rejouer sans problème plus tard... » — Du coup, je me demande, si j'en avais le pouvoir, quelles parties de ma
vie (quelles sauvegardes) je déciderais de rejouer. C'est impossible : mieux vaut donc ne plus y penser et gagner du premier coup.
Aujourd'hui soir, Maison du Peuple (encore et toujours). — Je suis presque à jour. Sensation étrange que celle d'écrire dans ce blog ce qui se passe à quelques heures d'intervalle. Je vois des troncs d'arbre descendre le cours de la rivière et, pour une fois, un tronc se trouve non pas loin en aval mais presque en face de mes yeux. Je décris, en léger différé, le passage du tronc... J'ai rattrapé mon retard.
(C'est même pire que ça : étant en avance sur la rédaction de mon journal et n'ayant rien d'autre à foutre de mon existence, je suis allé jusqu'à décrire dans le train le passage d'un tronc qui se trouvait en amont : je savais que Léandra serait à la Maison du Peuple ce soir et j'ai donc raconté la rencontre avant qu'elle n'ait réellement lieu. Mais ce genre de chose ne marche pas et je suis maintenant obligé de revoir mon texte. — Il ne peut y avoir de Prédiction sans Avenir.)
Léandra (qui n'est pas un tronc, je tiens à le préciser) est déjà installée à l'une des tables du fond quand j'arrive. Elle a oublié ses clés et s'en ira bientôt passer sa soirée chez Jonas. Nous buvons du vin blanc. Par le plus grand des hasards, Igor est également, en transit, à la Maison du Peuple. Il s'installe avec nous et prend un verre de vin rouge.
Léandra et Igor partis vaquer à leurs occupations respectives, je reste seul à une table près de la fenêtre. Marrant : je remarque que la jeune dame au sac Quechua rouge, qui prend le même train que moi tous les jours et qui me salue depuis peu de temps, est assise à une autre table avec des amis. Ce n'est pas la première fois que je la vois dans ce café... (Et sur un des murs de celui-ci, plusieurs semaines d'affilée, j'ai cru voir la photo d'enfance d'une autre navetteuse : celle qui ne dit jamais rien, qui a un air très froid, qui lit John Stuart Mill et qui s'intéresse au cinéma.) — Le monde est petit, mais je ne lui parle pas.
La serveuse la plus jolie et la plus souriante du café est présente aujourd'hui. Quand elle me voit, elle me demande comment ça va et me distribue une flopée de tickets Wi-Fi (assez pour tenir quelques jours). J'aimerais être comme elle car elle respire la joie de vivre. Elle accueille tous les clients avec un sourire jusqu'aux oreilles. — Mais comment fait-elle ?
Addendum curieux. (Je jure que le paragraphe ci-dessus ne constituait pas une amorce.) — Je m'apprête à partir de la Maison du Peuple, vers 22 heures. J'ai déposé mon verre sur le comptoir, je reviens des toilettes... La serveuse citée plus haut arrive à ma table et me dit : « Je suis un peu déçue. T'es passé devant le bar et tu n'as pas repris de verre. Je comptais t'en offrir un. Tu veux quoi ? ». Euh... « Je veux bien une Chimay blanche, mais en 25, et je vais venir la chercher au bar... » Au bar, elle me dit : « Tu es toujours souriant et de bonne humeur [ha bon ?], alors je t'offre un verre. » Que faire ? Bah rien. Mais je vais juste éteindre mon PC et essayer d'avoir l'air normal, au cas où. (Mon dieu, mon dieu...)
La serveuse la plus jolie et la plus souriante du café est présente aujourd'hui. Quand elle me voit, elle me demande comment ça va et me distribue une flopée de tickets Wi-Fi (assez pour tenir quelques jours). J'aimerais être comme elle car elle respire la joie de vivre. Elle accueille tous les clients avec un sourire jusqu'aux oreilles. — Mais comment fait-elle ?
Addendum curieux. (Je jure que le paragraphe ci-dessus ne constituait pas une amorce.) — Je m'apprête à partir de la Maison du Peuple, vers 22 heures. J'ai déposé mon verre sur le comptoir, je reviens des toilettes... La serveuse citée plus haut arrive à ma table et me dit : « Je suis un peu déçue. T'es passé devant le bar et tu n'as pas repris de verre. Je comptais t'en offrir un. Tu veux quoi ? ». Euh... « Je veux bien une Chimay blanche, mais en 25, et je vais venir la chercher au bar... » Au bar, elle me dit : « Tu es toujours souriant et de bonne humeur [ha bon ?], alors je t'offre un verre. » Que faire ? Bah rien. Mais je vais juste éteindre mon PC et essayer d'avoir l'air normal, au cas où. (Mon dieu, mon dieu...)
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