6.1.1. Terrasse du jardin familial, début d'après-midi, une bouteille de vin rouge posée sur la table. Mon père est dans une phase « péremptoire » (on se demande à qui je ressemble...). À ma maman : « Diététicien, c'est un métier qui ne sert à rien ! » ou encore : « C'est absurde de tondre une pelouse, c'est du conformisme ! » Ce à quoi ma mère répond : « Oui, oui, c'est ça, ça ne sert à rien... » et : « Tout à fait. On va laisser le pelouse en friche et tu la faucheras tous les ans... »
6.1.2. À moi, il me dit : « Ça te fera du bien de marcher, c'est bon pour ce que t'as ! » et : « Tiens, tu bois du vin ? Hier, tu te moquais en disant que "ça ressemblait presque à du vin" ! »
6.1.3. Discussion sur le fait de laisser Gaëlle seule pendant quelques minutes sans surveillance lorsqu'elle est dans son lit. Ma mère : « Tu es un inconscient ! Et si elle se cassait une jambe ou si un incendie ravageait ton appartement ? Tu t'en voudrais toute ta vie d'être sorti pendant une minute. » Oui, et si je me faisais écrabouiller par une météorite ou par un piano en sortant de chez moi, que deviendrait ma fille, hein, hein ?
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6.2. « On ne voit plus beaucoup David Bowie. Paraîtrait qu'il a un cancer du foie.
— Non. David Bowie ne peut pas avoir de cancer. Il ne peut pas être malade. »
(C'est un peu comme Robert Smith : ces gens-là ont l'interdiction formelle de vieillir, d'être malade et de mourir.)
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6.3.1. Plus tard dans l'après-midi, mon père se souvient de ses formations syndicales chez « les Métallos » à Melreux [-13.7] : « Les formateurs étaient des radicaux. Dès le premier jour, ils nous mettaient dans le bain, directement dans le conflit... Ils venaient de Liège... C'étaient des bons, ils avaient l'habitude !
— Comment faisaient-ils ?
— Avec un billet de cent francs.
— Un billet de cent francs ?
— Un billet de cent francs. Ils nous ont réunis le premier jour dans une des salles de réunion et nous ont demandé un billet de cent francs. Sans donner de raison. Aux gens qui demandaient pourquoi, ils ne donnaient pas de réponse, ils éludaient. Certains ont donné le billet et d'autres non.
— Bizarre.
— Puis ils nous ont dit : "Ce billet, vous ne le récupérerez jamais ! On le garde pour nous !" Ils sont devenus odieux. Alors nous sommes entrés en conflit avec eux.
— En conflit ?
— Oui, nous les avons enfermés dans la pièce et nous avons occupé la cafétéria de l'hôtel. Le personnel, habitué à l'exercice, est sorti. Et nous avons occupé le bar. Les formateurs, eux aussi, avaient l'habitude. Ils savaient que nous allions peut-être les séquestrer et avaient prévu à l'avance une échelle pour sortir.
— Ha.
— Tout ça faisait partie d'un exercice mais personne ne le savait. Enfin, si. Moi, je le savais parce qu'on me l'avait dit avant. On n'aurait pas dû me le dire.
— Ha oui, c'est con.
— À partir du moment où les formateurs sont partis, directement sont apparus les leaders (ceux qui prennent le pouvoir), les stratèges et les théoriciens (ceux qui réfléchissent calmement à la situation et proposent des solutions élaborées), les fonceurs (ceux qui veulent tout casser, sans trop réfléchir), et enfin les suiveurs...
— Et toi, tu étais dans quelle catégorie ?
— Moi ? Je ne disais pas grand-chose. J'observais... Je me souviens d'autre chose... Nous avons été soutenus dans notre combat par une délégation flamande qui n'était pas du tout au courant de nos techniques de formation et s'est dite "solidaire" de ses camarades wallons. Les Flamands ont bu des verres avec nous.
— Ha ! Et ça s'est terminé comment, cette histoire ?
— Eh bien on a discuté de la situation toute la nuit. Certains sont partis de la formation totalement choqués. D'autres ont pris le pouvoir. Le lendemain, les formateurs sont revenus, nous ont expliqué que c'était un exercice et ont décortiqué avec nous tous nos comportements. Le plus impressionnant, c'était d'étudier les leaders. Ils ont pris le pouvoir et tout le monde a accepté cet état des choses sans broncher, sans se poser de questions. Enfin, si... On se posait des questions mais on ne disait rien.
— Eh bien ça, c'est vraiment intéressant... »
(... et il faut absolument que je l'écrive quelque part dans mon blog !)
6.3.2. Mon père toujours : « Un calotin dans un conseil d'entreprise, tu le reconnais directement. C'est celui qui ne rentre jamais en conflit et qui dira au représentant du directeur : "Oh oui, Monsieur, nous savons que vous faites de votre mieux et que ce n'est pas facile pour vous non plus tous les jours !", ce genre de chose... Même si c'est vrai, on ne doit jamais tenir ce genre de discours face au patronat ! »
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6.4.1. Je rentre à Bruxelles pour un soir et rejoins Léandra et Jonas au moment où ils sortent du Moeder Lambic de la place Fontainas. Je me suis incrusté en toute dernière minute à un repas « au Canard », comme dirait Léandra — « Au Canard ? Au Canard ! » —, c'est-à-dire au Domaine de Chavagnac, le restaurant où nous étions déjà allés pour l'anniversaire d'Andrew [-31.6].
6.4.1.1. « Les concepteurs des Simpson sont des fans absolus d'Alfred Hitchcock. Du coup, ils n'arrêtent pas de mettre des références à plein de ses films. Vous avez déjà vu la référence aux Oiseaux dans "Un tramway nommé Marge" ["A Streetcar Named Marge", 1992, 15 min. 45 sec.] ?
— Non, me répondent-ils.
— C'est génial. La petite Maggie est enfermée durant tout l'épisode dans une garderie pour enfants où la nurse, très autoritaire, confisque toutes les tétines... ».
... S'ensuit une rébellion menée par Maggie durant laquelle les enfants récupèrent leur objet fétiche. Plus tard, lorsque Homer vient rechercher sa fille, il se trouve nez à nez avec des centaines de bébés silencieux suçant leur tétine, réplique d'une fameuse scène des Oiseaux. Et lorsqu'il sort de la garderie avec sa fille et ses deux autres enfants, Hitchcock apparaît dans un joli caméo dans lequel il promène ses deux Terriers écossais en avant-plan (comme dans le film !)...
« Maggie ? C'est l'heure d'aller... Haaaaaa ! »
Le passage d'Alfred.
6.4.2.1. « Elle est bien, je trouve, cette serveuse...
— Daniel a essayé de la draguer, mais ça n'a pas du tout marché.
— Ha bon. »
6.4.2.2. « Oh là là, je bois beaucoup plus vite que vous ! »
6.4.2.3. Discussion sur les reconstitutions médiévales — et les reconstitutions tout court. J'explique à Jonas (car Léandra est déjà au courant, évidemment) que je déteste les reconstitutions. Je les hais, je les hais ! (Du calme, Joe.) Je déteste ce principe qui consiste à se déguiser en chevalier, en écuyer, en prêtre ou en paysan(ne) et à faire semblant de vivre, manger, boire ou parler (le comble de l'horreur !) « comme au XIIIe siècle » (simple exemple).
6.4.2.3.1. Un souvenir : lors de ma seconde licence en histoire médiévale, mes amis savaient déjà tout le mal que je pensais des costumes et des reconstitutions historiques. En raison de mes — horribles — exercices pratiques d'agrégation qui chevauchaient les autres cours, je n'avais pu me rendre à l'importante séance de distribution des thématiques pour les travaux de l'année académique 2001-2002. Cette année-là, le séminaire avait trait au mode de vie des élites européennes aux XIe et XII siècles. J'avais demandé à mes amis Hamilton II et Pat de me réserver, si possible, le thème du jeu d'échecs médiéval, « au cas où il serait proposé par le professeur lors de la distribution... » À midi, pendant le repas suivant les cours, ces deux sans-cœur me dirent :
« Il y avait "Les jeux de société au XIIe siècle" dans la liste mais on a préféré te prendre "L'évolution du costume ecclésiastique", vu que tu adores ça !
— Quoi ? Oh non ! C'est pas vrai ! C'est un cauchemar !
— Mais non, couillon, on a réussi à te l'avoir, ton travail sur le jeu d'échecs ! »
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