Matinée bancale. — Tout va de travers ! Dès mon réveil à 6h32 et durant l'entièreté de la matinée, j'ai l'impression que mon muscle cardiaque tente désespérément d'imiter un morceau expérimental de King Crimson... Battements rapides, rythmes syncopés à cinq temps, ralentissements, hoquettements, silences... Mon dernier cardiologue en date a beau m'avoir confirmé qu'il ne fallait pas que je m'en inquiète outre mesure, que cette tachycardie passagère entrecoupée d'extrasystoles n'était pas dangereuse, c'est tout de même très désagréable, d'autant plus que ça m'arrive de plus en plus fréquemment (la dernière fois, c'était le 5 mai). J'essaie de me calmer, de respirer profondément : rien n'y fait.
8h27. Je rate de quelques secondes mon train en correspondance à Liège-Guillemins. Pour me consoler, je commande un « grand café de la semaine à emporter siouplaît » à l'Espress « Oh ! » Juice (quel drôle de nom) de la gare avant de happer un bus. La boisson est très chaude et remplie jusqu'à ras bord. À peine le véhicule a-t-il démarré que j'en renverse partout, sur mon sac à bandoulière, sur mon tout nouveau baladeur MP3 (heureusement protégé de l'humidité par une housse en plastique), sur mon pantalon noir... Curieusement, aucune goutte n'est parvenue à tâcher mon tee-shirt marin : une chance !
Je souris de mon infortune et la dame en face de moi, d'un geste compatissant, me donne un mouchoir en papier chiffonné. De l'autre côté du couloir central, une autre dame à la limite de l'hilarité me conseille : « Le petit trou dans le couvercle de votre café à emporter, c'est justement pour éviter ce genre de désagréments ! » Je lui réponds : « Je sais, mais il est inconcevable que je boive mon café par ce trou ! Question de principe ! » Les autres passagers commencent à sourire, eux aussi. Je pense entrevoir clairement sur certains visages une expression qui signifie à peu de chose près : « Quel drôle de type ! »
Le bus arrive à destination. Mon gobelet de café est encore à moitié plein. Je dois descendre du transport avec dans les mains mon sac, mon manteau et ce maudit café. Je ne renverse plus de liquide ; par contre je laisse tomber mon sac, qui se fracasse bruyamment sur le sol. Un gentil monsieur me le ramasse. Je lance à la cantonade, d'une manière sans doute un peu trop enthousiaste : « Ha flûte, c'est vraiment pas ma journée ! » — Et tout le monde rigole. Diem perdidi...
En fin de matinée, Aurèle, un ancien collègue, débarque pour dire bonjour à l'équipe et manger avec nous. Arrivant dans mon bureau, il me lance, sans aucune moquerie : « Ha, t'as l'air d'avoir la pêche, comme d'habitude ! C'est bien... T'es toujours aussi en forme apparemment ! » — Mais c'est qu'il est désagréable en plus !
Un blog, peut-être ? — Pendant le temps de midi, nous reparlons de la discussion sur l'avenir et l'advenu, mais aussi de ce que percevrait un extraterrestre qui braquerait un télescope extrêmement puissant sur la Terre depuis une planète se trouvant à des dizaines d'années-lumières de nous. (Il verrait le passé, forcément. Il pourrait peut-être me voir marcher dans la rue alors que je n'ai que 9 ans. Il verrait vivre des humains pourtant morts depuis longtemps... Il aurait la possibilité de voir en temps réel des événements qui, pour nous, sont du domaine de l'histoire.)
À l'écoute de ces sujets de discussion, Sylvette se tient la tête entre les mains puis propose, résignée : « Franchement, il faudrait écrire ces conversations dans un carnet... Ou bien dans un blog. » Je réponds : « Dans un blog, c'est déjà le cas. » Mais personne ne tique... — De temps en temps, j'en viens cependant à me demander si certains de mes collègues ne me lisent pas régulièrement en « cachette »... Car c'est une manie récurrente des lecteurs de ce blog que d'essayer de me cacher qu'ils me lisent. Peut-être d'aucuns sont-ils quelque peu honteux de regarder à l'intérieur de la vie de quelqu'un d'autre ? Ou bien, plus sûrement, trouvent-ils que mon écriture perdrait de sa franchise si je savais qu'ils me lisent ?
À l'écoute de ces sujets de discussion, Sylvette se tient la tête entre les mains puis propose, résignée : « Franchement, il faudrait écrire ces conversations dans un carnet... Ou bien dans un blog. » Je réponds : « Dans un blog, c'est déjà le cas. » Mais personne ne tique... — De temps en temps, j'en viens cependant à me demander si certains de mes collègues ne me lisent pas régulièrement en « cachette »... Car c'est une manie récurrente des lecteurs de ce blog que d'essayer de me cacher qu'ils me lisent. Peut-être d'aucuns sont-ils quelque peu honteux de regarder à l'intérieur de la vie de quelqu'un d'autre ? Ou bien, plus sûrement, trouvent-ils que mon écriture perdrait de sa franchise si je savais qu'ils me lisent ?
Terrasse improvisée. — Je suis invité chez Mary pour le souper, en compagnie de ses quatre colocataires. La rue dans laquelle ils habitent, pas loin de Ma Campagne, est complètement fermée à la circulation en raison d'importants travaux de voirie touchant aux conduites d'eau. Sur la route, du sable partout, deux petits bulldozers et un profond trou juste en face de la porte d'entrée de la coloc.
Il fait délicieusement bon et, plutôt que de s'installer dans le petit jardin privé derrière l'habitation, les colocataires décident de placer des chaises devant la maison, à même la rue, entre le trou béant et un des bulldozers. Au programme : des grandes bouteilles de Jupiler, des bières spéciales, des cigarettes et un joint.
C'est plus fort qu'elle : Mary ne peut s'empêcher de monter sur le bulldozer... « J'ai toujours rêvé de faire ça ! » (C'est bien : elle a des rêves accessibles. — Moi, un de mes rêves, ce serait de voir la Terre depuis l'Espace, ce qui est déjà beaucoup moins facile à réaliser, on en conviendra.) Une dame de septante ans environ sort sur son balcon et nous prend en photo. Un des colocataires, Jerry, lui crie : « Vous voulez venir boire un verre avec nous ? » Il disait ça pour rire, mais la dame répond : « J'arrive ! » — Est-elle sérieuse ? Oui ! Cinq minutes plus tard, elle débarque au milieu de la terrasse improvisée, avec dans une main un transat et dans l'autre une bouteille de vin, un verre et un tire-bouchon. Elle est d'origine néerlandaise, s'appelle Jeanne et ça fait plus de vingt-cinq ans qu'elle vit dans le quartier.
Nous restons plus de deux heures dehors. Certains voisins, intrigués, nous regardent ; d'autres engagent la conversation. Du coup, Jerry a une idée : faire une méga-fête de quartier dans la rue ce jeudi ou ce vendredi, « avec barbecue et tout »... Certains autres sont assez emballés.
Plus tard, durant une heure environ, Bob et sa copine viendront nous faire un petit coucou. Cette dernière, psychologue de formation, vient de démissionner d'une maison d'accueil pour enfants tenue par une sorte de psychopathe qui, entre autres sévices, fait dormir les gamins sur l'escalier lorsqu'ils font pipi au lit. « Une plainte est en cours », nous rassure-t-elle.
La soirée se termine un peu avant minuit... Je suis très fatigué, je n'ai pas envie de marcher. En attendant mon bus, les extrasystoles recommencent. Ambiance !
Il fait délicieusement bon et, plutôt que de s'installer dans le petit jardin privé derrière l'habitation, les colocataires décident de placer des chaises devant la maison, à même la rue, entre le trou béant et un des bulldozers. Au programme : des grandes bouteilles de Jupiler, des bières spéciales, des cigarettes et un joint.
C'est plus fort qu'elle : Mary ne peut s'empêcher de monter sur le bulldozer... « J'ai toujours rêvé de faire ça ! » (C'est bien : elle a des rêves accessibles. — Moi, un de mes rêves, ce serait de voir la Terre depuis l'Espace, ce qui est déjà beaucoup moins facile à réaliser, on en conviendra.) Une dame de septante ans environ sort sur son balcon et nous prend en photo. Un des colocataires, Jerry, lui crie : « Vous voulez venir boire un verre avec nous ? » Il disait ça pour rire, mais la dame répond : « J'arrive ! » — Est-elle sérieuse ? Oui ! Cinq minutes plus tard, elle débarque au milieu de la terrasse improvisée, avec dans une main un transat et dans l'autre une bouteille de vin, un verre et un tire-bouchon. Elle est d'origine néerlandaise, s'appelle Jeanne et ça fait plus de vingt-cinq ans qu'elle vit dans le quartier.
Nous restons plus de deux heures dehors. Certains voisins, intrigués, nous regardent ; d'autres engagent la conversation. Du coup, Jerry a une idée : faire une méga-fête de quartier dans la rue ce jeudi ou ce vendredi, « avec barbecue et tout »... Certains autres sont assez emballés.
Plus tard, durant une heure environ, Bob et sa copine viendront nous faire un petit coucou. Cette dernière, psychologue de formation, vient de démissionner d'une maison d'accueil pour enfants tenue par une sorte de psychopathe qui, entre autres sévices, fait dormir les gamins sur l'escalier lorsqu'ils font pipi au lit. « Une plainte est en cours », nous rassure-t-elle.
La soirée se termine un peu avant minuit... Je suis très fatigué, je n'ai pas envie de marcher. En attendant mon bus, les extrasystoles recommencent. Ambiance !
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