Spectre. — 7h20 du matin. Sur un des quatre escalators reliant la station de métro au grand hall de la gare de Bruxelles-Midi, j'aperçois un fantôme. Je monte vers le monde des vivants quand lui descend vers son univers souterrain... C'est Vinge ! (Ou alors son sosie.) Il regarde droit devant lui, les yeux tristes, l'air hagard, comme d'habitude... Il ne me voit pas. — Mais qu'est-ce qu'il fout là, celui-là ? Est-ce vraiment lui ? J'ai comme un doute. Je me rappelle par ailleurs que j'avais promis de l'appeler, un de ces jours.
La souffrance des hauts QI. — « Si vous avez une grosse... mémoire [ouf, j'ai eu peur !], si vous avez une intelligence fulgurante, alors vous devriez tester votre quotient intellectuel. Au-delà de 130, vous serez considéré comme un surdoué... » C'est de cette manière qu'est introduit au JT d'hier soir, sur France 2, un reportage sur « la vie compliquée des surdoués », que Charlotte mentionne durant notre matinée de travail hebdomadaire dans les dépôts d'archives...
« Vous allez le voir, ce n'est pas un ticket pour une vie réussie », conclut le présentateur, David Pujadas... Au début du reportage, la caméra s'appesantit longuement sur un adolescent à lunettes, archétype du surdoué introverti victime de TOC, qui tente d'aligner avec une minutie extrême une petite pile de DVD sur son étagère. Le gamin se retourne : « Si vous filmez ça, ça va durer deux heures, hein... » — Je me demande comment cette scène a été tournée... J'imagine le caméraman expliquer au jeune homme : « Bon alors là, on va te filmer pendant que tu mimes un de ces fameux TOC dont tu nous as parlé, pour que le téléspectateur puisse comprendre que tu es différent, et aussi le calvaire que tu vis au jour le jour. » J'ai l'impression de regarder un reportage animalier... La narratrice : « Il ajuste, il compte, il range... Ce geste le rassure, alors Sacha le répète, imperturbable. » Elle aurait pu parler avec le même ton de voix de la reproduction du gnou en période de rut. — Mais passons ! Ce jeune homme décrit dans le reportage comme étant un surdoué (et qui semble en faire une marque de fabrique) ne paraît pas avoir une vie très funky : il est constamment montré du doigt, a raté de nombreuses fois ses études, est sous antidépresseurs, dans une famille d'accueil, etc.
Plus loin dans le reportage, une mère à côté de la plaque explique face à la caméra : « Leur cerveau traite des millions d'informations tout le temps, tout le temps, tout le temps... Sans arrêt... C'est-à-dire qu'il n'y a pas de pause... Dans leur tête, il n'y a pas de pause... » — Est-ce à dire que dans le cerveau des « gens normaux », il y a des pauses ?
Plus loin encore, le reportage vire à la réunion des surdoués anonymes (du genre : « Bonjour, je m'appelle Timmy et j'ai un gros cerveau. Aujourd'hui, c'est mon troisième jour sans réfléchir... »). En scène : un petit comité de surdoués qui se sont regroupés pour parler de leurs angoisses. L'un, architecte, raconte qu'il est incapable de mentir ou de faire des compromis : la relation avec les autres doit être « honnête, franche, profonde, intense ». Une autre a quant à elle pratiquement laissé tomber toute forme de relation amicale : « La solitude me va bien... »
Retour à la discussion avec Charlotte. Celle-ci ne comprend pas le rapport entre le fait d'être surdoué et celui d'être honnête et/ou incapable de faire des compromis : « L'honnêteté, c'est un concept moral, ça n'a rien à voir avec l'intelligence... » Et Wynka de rajouter : « La preuve, c'est qu'il paraît que j'ai un QI très bas... Et pourtant je suis très honnête ! » (Sacrée Wynka !) — Par ailleurs, au cours de ma vie, j'ai connu un certain nombre de personnes à la fois très intelligentes et malhonnêtes, menteuses, manipulatrices... Somme toute, l'honnêteté ou la malhonnêteté ne sont rien d'autre qu'une mise en équation morale qui dépend de la réponse et de l'importance que l'on donne à la question : « Pourquoi dire la vérité si le mensonge semble a priori plus profitable ? » — L'honnêteté et la franchise sont des plantes rares, qu'il conviendrait d'arroser beaucoup plus amoureusement que ces concepts flous et hautains d'intelligence et de sur-don... Car quand j'y réfléchis un tant soit peu, être surdoué (soit encore plus doué que ceux qui sont doués), ça ne veut pas dire grand-chose.
Je comprends et partage cependant les propos de l'architecte interviewé : tout doit être pleinement ou ne pas être ; le juste milieu est une triste farce : soit c'est blanc, soit c'est noir, mais par pitié ne me parlez pas de gris ! S'il s'agit de vivre une relation humaine fadasse, alors mieux vaut ne rien vivre du tout. Le rapport de cette façon de voir les choses avec l'honnêteté et à la franchise est évident. Par contre, celui avec les surdoués est plus que ténu. — Ce reportage mélange des choses qui ne peuvent pas être mélangées.
Je comprends et partage cependant les propos de l'architecte interviewé : tout doit être pleinement ou ne pas être ; le juste milieu est une triste farce : soit c'est blanc, soit c'est noir, mais par pitié ne me parlez pas de gris ! S'il s'agit de vivre une relation humaine fadasse, alors mieux vaut ne rien vivre du tout. Le rapport de cette façon de voir les choses avec l'honnêteté et à la franchise est évident. Par contre, celui avec les surdoués est plus que ténu. — Ce reportage mélange des choses qui ne peuvent pas être mélangées.
Niquage de reliure. — Salle de lecture, fin d'après-midi. Je feuillette, à la recherche d'horribles fautes, les mémoires que viennent de remettre deux de nos stagiaires en bibliothéconomie. J'en fais tomber un maladroitement sur la table, détachant une partie de la reliure...
« Mais tu es en train de niquer toute la reliure ! crie Sylvette.
— Mais non, mais non, elle n'est pas cassée... Regarde... Je ne nique jamais rien, tu le sais bien... »
Après quelques secondes de réflexion, je ne peux m'empêcher de rajouter :
« ... ni personne, d'ailleurs. »
(Et je me rends compte après coup que cette saillie verbale est, pour tout dire, d'une très grande vulgarité.)
Après quelques secondes de réflexion, je ne peux m'empêcher de rajouter :
« ... ni personne, d'ailleurs. »
(Et je me rends compte après coup que cette saillie verbale est, pour tout dire, d'une très grande vulgarité.)
Blog de Fred Jr. — C'est nouveau, ça vient de sortir : mon grand ami Fred Jr se lance dans le blogging. Son journal s'intitule « Je n'aime pas les blogs » — ou comment s'inscrire dès le début dans le paradoxe le plus retentissant ! — et, pour autant que je puisse en juger, reprend dans les grandes lignes le même principe que celui qui prévaut ici, à savoir décrire des pans de vie, mettre en scène des passions, avancer des idées...
Sur la forme néanmoins, son blog, en phase de lancement, diffère beaucoup du mien : alors que je suis un maniaque du contrôle au point d'aller vérifier pour la huitième fois l'orthographe et le style d'un article quatre mois après sa parution (il y a encore beaucoup de boulot à ce niveau), Fred, lui, est exactement à l'opposé de cette démarche... Toute personne le connaissant comprendra aisément où je veux en venir : Fred Jr est du genre à brûler le syllabus d'un cours après avoir réussi l'examen ou à écrire un article et ne plus jamais y revenir. Il ne se relit pas. Il est impulsif. Du coup, même ses titres d'articles contiennent des fautes... — Comment donc arrive-t-il à dormir — voire à survivre — en sachant pertinemment qu'il y a encore des erreurs quelque part dans ce qu'il a écrit ?
C'est mon ami Fred tout craché. Quand nous travaillions ensemble, nous avions une manière tellement différente de fonctionner que nous étions au final d'une très rare complémentarité. Mais c'est une autre histoire, qui sera etc. etc.
Sur la forme néanmoins, son blog, en phase de lancement, diffère beaucoup du mien : alors que je suis un maniaque du contrôle au point d'aller vérifier pour la huitième fois l'orthographe et le style d'un article quatre mois après sa parution (il y a encore beaucoup de boulot à ce niveau), Fred, lui, est exactement à l'opposé de cette démarche... Toute personne le connaissant comprendra aisément où je veux en venir : Fred Jr est du genre à brûler le syllabus d'un cours après avoir réussi l'examen ou à écrire un article et ne plus jamais y revenir. Il ne se relit pas. Il est impulsif. Du coup, même ses titres d'articles contiennent des fautes... — Comment donc arrive-t-il à dormir — voire à survivre — en sachant pertinemment qu'il y a encore des erreurs quelque part dans ce qu'il a écrit ?
C'est mon ami Fred tout craché. Quand nous travaillions ensemble, nous avions une manière tellement différente de fonctionner que nous étions au final d'une très rare complémentarité. Mais c'est une autre histoire, qui sera etc. etc.
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