mercredi 23 mai 2012

Rencontre du troisième type

Rêve extérieur. — Aujourd'hui matin, c'est au tour de ma collègue Wynka de décrire les rêves qu'elle a faits cette nuit. Elle a rêvé que je l'engueulais de manière extrêmement virulente, en lui criant : « Tu ne fais jamais rien comme il faut ! Tu as un comportement totalement irrationnel ! » (À noter que c'est quelque chose qu'elle projette de manière récurrente en moi, à tort ou à raison : que je suis « scientiste », « rationnel », « logique »... Donc : que je l'engueule dans un rêve parce qu'elle est irrationnelle est vraiment intéressant quant à l'idée qu'elle se fait de moi, et d'elle-même aussi.) Autre partie du rêve : elle remarque que des légumes ont poussé dans les interstices des carrelages de notre bureau. Elle en parle à Lodewijk et ce dernier l'engueule à son tour, mais de façon moins violente.

Pompage-turbinage. — Temps de midi. Lodewijk raconte qu'il est allé se promener récemment du côté de Coo. « Ha ! », dis-je, « tu as sans doute dû passer le long du barrage inférieur de la station hydroélectrique... » Non, il n'est pas passé le long du barrage inférieur de la station hydroélectrique... « Dommage, c'est vraiment joli et en plus c'est un bel exemple de station électrique d'un genre spécial : ils font descendre de l'eau de la journée depuis deux réservoirs supérieurs pour créer de l'électricité... Et la nuit, quand la demande est faible, ils remontent l'eau à l'aide de pompes. » La technique, que je mentionnais déjà dans ce blog en juillet 2011, s'appelle le pompage-turbinage et n'a rien à voir avec une quelconque pratique sexuelle. Et il a la cote en ce moment, ce pompage-turbinage, dans la mesure où c'est une des meilleures façons, assez écologique en plus, de stocker de l'énergie dormante.

Durant la discussion, Lodewijk et Sylvette ont bizarrement le plus grand mal à concevoir le principe selon lequel ce genre de procédé entraîne fatalement une perte d'énergie (environ 25% dans le cas de la centrale de Coo). Ils pensent tous les deux que l'électricité créée par le turbinage est plus importante que celle utilisée pour remonter l'eau durant le pompage. J'explique (mais beaucoup moins bien que par écrit) que ce n'est hélas pas possible, que cela contreviendrait aux lois de la physique, et que si c'était le cas, on pourrait faire tourner en permanence les turbines et utiliser une partie de l'énergie créée pour remonter l'eau une sorte d'énergie perpétuelle et gratuite... « Mais si on perd de l'énergie dans le processus, à quoi est-ce que ça sert alors ? », demande Lodewijk. Simplement à créer un stock d'électricité pour les périodes de pics énergétiques, ni plus, ni moins. (Et compte tenu des fluctuations du prix de l'énergie, ça rapporte pas mal d'argent.) 

Rencontre du troisième type. Le troisième type, c'est Vinge. Je ne l'ai plus vu depuis... euh... le 3 août 2011, apparemment. Il me rejoint au Starbucks de la gare de Bruxelles-Central et, comme il fait délicieusement bon dehors, nous laissons tomber l'idée de nous enfermer à la Porte Noire et nous dirigeons à pied vers la terrasse du Potemkine : « Y a plein de mes collègues là-bas... Travaillent à la justice... Ouaip... Elles sont top biches... Ouais... Quoi ? » (Le « Quoi ? » en fin de phrase est un de ses plus ou moins nouveaux tics de langage.) Arrivés à la terrasse en question, nous buvons de la Volga forte. Curieux : cette bière est bien meilleure que la Volga classique. Je regarde l'étiquette : normal, elle est brassée à Le Roeulx par la brasserie Saint-Feuillen ! (Bizarre...)

Vinge travaille toujours dans les appels d'offres, mais pour la Justice cette fois-ci : « J'suis presque un collègue de Flippo maintenant... Hé ouais ! » Il travaille sous la tutelle de la ministre Annemie Turtelboom, qu'il appelle « Tarte al'pomme ». Cette semaine, il a reçu une agente commerciale de chez Coca-Cola qui venait négocier la vente des canettes à redistribuer dans tous les palais de justice de Belgique, s'il vous plaît. Elle avait un joli décolleté, se penchait vers lui et tout et tout, mais Vinge a compris que c'était une vile manœuvre pour le faire plier et a donc tenu bon : il a ainsi réussi à obtenir un achat massif de canettes à 55 centimes l'unité au lieu de 60. « J'ai fait économiser plus d'un million à l'État... Ouais, ouais... Quoi ? » 

« Putain, mais tu notes tout sur ton vieux téléphone ! Tu devrais t'acheter un carnet ! » (J'en ai un, que Jonas m'a donné, mais il est trop voyant.)

Vinge m'explique qu'il n'a rien à voir avec les spéculateurs néolibéraux actuels. Lui fait partie de la droite traditionnelle, sociale, tendance « bon père de famille ». Il me dit : « Moi, c'est simple, je suis du genre "droite bourgeoise flamande" ! » (Ha bon ?) « On ne peut pas laisser les gens dans la merde... C'est malhonnête, non ?... Quoi ? On ne crée pas une société en engendrant de la pauvreté, non Monsieur ! » Il me conseille de regarder le reportage consacré à John Law sur Arte : « Il avait tout compris, lui : il disait qu'un système monétaire est toujours basé sur la confiance. C'est lui qui est à l'origine du billet de banque en France, hé ouais ! La confiance... Voilà... C'est à la base de tout. Quoi ? »

« Dis, t'as pas un paquet de clopes sur toi ?
— Si, mais elles sont très vieilles, vu que je ne fume pas.
(Je lui passe le paquet, il allume une cigarette.)
— Ha ouais... Putain, c'est de la paille !
— Je t'avais prévenu ! Ils devraient mettre une date de péremption sur les paquets...
— Ouais mais le gars qui fume, il ne laisse pas traîner un paquet pendant des mois, hein. »
(Conclusion : je suis le seul couillon à avoir des cigarettes sur moi sans presque jamais en fumer une seule.)

Je raccompagne Vinge à la gare de Bruxelles-Midi aux alentours de 22h30. Il doit prendre un train car il loge en province chez sa copine. Quand il reviendra à Bruxelles, ce sera pour acheter un appartement, « parce que je ne veux pas perdre de l'argent en louant... »

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