C'est l'histoire d'un train qui part et qui me laisse seul sur le quai.
Aujourd'hui, samedi 3 septembre 2011, c'est l'anniversaire de mon ami Fred Jr. Il a trente-et-un ans. Je me rends chez lui avec ma fille Gaëlle. Comment dois-je décrire cet après-midi et cette soirée ? Il y a trente-deux (et non trente-six) manières de mettre ce petit monde en scène, mais je n'ai pas la force de les décrire toutes. Quel intérêt de toute façon ?
Aujourd'hui, samedi 3 septembre 2011, c'est l'anniversaire de mon ami Fred Jr. Il a trente-et-un ans. Je me rends chez lui avec ma fille Gaëlle. Comment dois-je décrire cet après-midi et cette soirée ? Il y a trente-deux (et non trente-six) manières de mettre ce petit monde en scène, mais je n'ai pas la force de les décrire toutes. Quel intérêt de toute façon ?
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Point de vue objectif : Hamilton arrive avec sa fille à 16h43. Sa mère les a conduits jusque là. Fred les accueille au niveau du portail de son jardin. Un beau château gonflable est dressé au milieu de la pelouse. Des enfants jouent. Ce sont les copines d'Anouchka, la fille ainée de Fred, la filleule d'Hamilton. Les enfants sont avec leurs parents. Ils sont sur le départ quand Hamilton arrive. Fred propose à boire. Il y a de la sangria mais Hamilton ne veut pas faire de mélanges (d'autant plus qu'il a quelques soucis à la vésicule biliaire) : ce sera donc de la Leffe blonde. Anouchka, un peu fatiguée, passera une partie de l'après-midi dans les bras d'Hamilton. Les invités commencent à arriver : des couples, souvent accompagnés de leurs enfants ; des collègues ou des amis d'enfance de Fred ; des gens inconnus, sympathiques, parfois historiens de formation, voire de profession ; des têtes connues aussi. Seule une des deux sœurs de Fred sera présente à la soirée, avec son compagnon timide. Ces deux-là sont entre deux mondes : celui, plus jeune, des enfants et celui, plus vieux, des trentenaires. Léandra arrive vers 18h. Hamilton II arrive plus tard (il a eu un problème pour dégager sa voiture, avec la braderie d'Ixelles). Stefany et François-Xavier sont là. Ce dernier rend à Hamilton un roman graphique prêté il y a longtemps : Jimmy Corrigan, the Smartest Kid on Earth de Chris Ware. Eriksson (un ancien camarade historien de l'ULB) et sa compagne, intéressés par le bouquin, l'empruntent illico presto. Ils le rendront l'année prochaine, sans doute. Ou alors : ce sera un prétexte pour se voir avant ? Présents aussi : une ancienne employée du CEGES et son compagnon. Ils parlent d'histoire et de connaissances communes. Présents : Marguerite (également une ancienne de l'ULB), enceinte, et Gérard. Présents : une amie de Donna et son compagnon Gray, développeur Web. Présents : les vieux copains de Fred Jr. Plein de monde donc. Plein d'enfants aussi. À l'entrée : une urne pour mettre de l'argent et, à côté, une carte d'anniversaire. Hamilton oublie de signer la carte (comme d'habitude, ça lui passe au-dessus de la tête). Hamilton et Gaëlle quittent la soirée à 22h31.
Point de vue de Gaëlle : je m'amuse bien sur le château gonflable, je rencontre plein d'enfants de mon âge, personne ne m'ennuie, Papa est là quand j'ai besoin de son aide, il me laisse faire ce que je veux. Je suis libre. De retour chez Nanou et Gégé, je m'endors directement.
Point de vue personnel : j'essaie désespérément d'avoir l'air normal parmi tous ces couples, tous ces enfants, mais ce n'est pas facile, et certainement pas naturel. J'ai amené ma fille : ça facilite l'immersion, mais ce n'est tout de même pas évident. Léandra, plus tard, dira que je ne m'en suis pas trop mal sorti, mieux qu'elle en tout cas. Peut-être... Je ne sais pas... Au début, je passe beaucoup de temps avec Anouchka. Je la prends souvent dans mes bras, je la porte comme un sac de sable : ça la fait rire. J'adore ma filleule. Plus tard, je parle de maisons avec Gérard (lui et Marguerite viennent d'emménager dans la leur) et un autre gars. Gérard a presque tout fait lui-même, sauf la maçonnerie et le plafonnage. Je parle naturellement de tout ça, je pose des questions, je m'intéresse, comme si j'avais jamais eu à m'occuper de tous ces problèmes d'électricité, de plomberie, etc., alors que je n'y connais que dalle. (Faut dire que j'aime bien Gérard. Souvenir d'un bal d'histoire, il y a plus de trois ans, où j'étais totalement abattu moralement et physiquement. Sur toutes les connaissances présentes, c'est le seul à réellement s'être soucié de moi.) Plus tard, je parle de création de sites Web avec Gray. Avec deux autres potes, il a créé une SPRL du nom de Doodle (coïncidence marrante : ils ont pris ce nom de domaine avant le fameux Doodle de Google). Il me demande ce que j'utilise comme programme de création de sites Web. Je lui explique que tout ce que je fais relève du bricolage pur jus : au début, j'utilisais simplement le NotePad de Windows (hum), puis PSPad, pour mettre en évidence les différents types de code ; PHPMyAdmin pour les bases de données ; Photoshop pour le graphisme... Et puis c'est tout ! Encore aujourd'hui, je ne connais rien d'autre que ces quelques trucs. J'explique tout ça très mal : je dois encore passer pour un doux taré.
Le sentiment que je garde de cette soirée est, comme c'est de plus en plus souvent le cas, un sentiment d'être sur une voie parallèle. Pas de sécante possible avec ce monde fait de maisons/foyers/nids douillets que l'on construits à deux, de couples unis et heureux (?) autour d'un ou plusieurs enfants, de plans de carrière bien établis... De plus en plus, je me dis que ce n'est pas mon monde, mais le pourquoi reste un mystère. Cette vie aurait-elle pu être la mienne ? Suis-je hors de ce monde-là parce que je me suis lamentablement planté dans mon dernier couple ? Ou me suis-je lamentablement planté dans mon dernier couple parce que, dès le départ, ce monde-là n'était pas le mien ?
(Bertrand Russell : "Les hommes qui sont malheureux, comme ceux qui dorment mal, sont toujours fiers de ce fait".)
À différents moments, Léandra et moi feront un constat accablant : nous sommes les deux seuls célibataires de la soirée. Commentaire d'un gars : c'est quelque chose qui se résout très facilement, dans ce cas. Ça fait longtemps qu'on ne nous l'avait plus faite, cette remarque. Elle ne peut être que le fait d'une méconnaissance totale de la situation. S'il y a bien une femme au monde pour laquelle il n'y a aucune ambigüité, c'est bien Léandra. C'est un peu comme la vitesse de la lumière : une constante universelle, un invariant relativiste.
Avec toute cette agitation, je n'aurai presque pas parlé avec Fred Jr. Toutes ces soirées, tout ce monde à gérer, ce n'est certes pas très favorable aux grandes discussions.
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