J'ai fait un court cauchemar pour le moins bizarre cette nuit, dont l'idée principale est à la fois simple et terrifiante... Devant le miroir de ma salle de bain, à l'aide de ciseaux, je me découpe méticuleusement les paupières, qui sont bizarrement plus carrées que la normale (elles forment presque deux angles droits le long de l'arcade sourcilière). Je n'ai pas du tout mal en pratiquant cette opération à vif. Après avoir fini le travail, je me dis que ce n'est pas grave car mes paupières vont repousser. Le rêve me reste en mémoire bien après le réveil, au moins jusqu'au quai de la gare. Sur ce dernier, la navetteuse brune qui lit toujours des trucs intéressants me parle pour la première fois depuis des années pour me demander un bic, que je ne trouve d'ailleurs pas sur le moment – j'en retrouverai trois plus tard dans le fond de mon sac. Si on continue de prendre le même train pendant encore dix ans, peut-être aurai-je avec elle une conversation de plus de six mots ("Euh...", "Je vais regarder...", "Désolé, non...") ?
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Dans La Recherche de ce mois de septembre, à la rubrique "Curiosités" (page 106), ce court article intitulé "Nos enfants sont des planètes", dont voici le début : "Le physicien et astrophysicien israélien Alon Retter a remarqué l'existence d'une analogie entre l'organisation de l'Univers et celle des sociétés humaines. Il associe ainsi : célibataires et étoiles seules ; couples et étoiles doubles ; villes et amas d'étoiles ; pays et galaxies, etc. Les planètes sont la progéniture des étoiles. Les planètes gazeuses représentent les garçons et les planètes rocheuses les filles [...]".
Apparemment, Alon Retter (dont, soit dit en passant, le site Web est ignoble) s'emmerdait ferme ce jour-là (on lui avait peut-être interdit l'accès au télescope ?). L'idée est somme toute marrante (même si l'astrophysicien ne doit certes pas être le premier à avoir imaginé une telle analogie) et m'en rappelle une autre que j'aime assez bien, celle de l'univers sous forme de (fausse) fractale : il est possible (et assez facile) de trouver des similitudes, à différents niveaux de grandeur, entre des éléments de l'Univers qui n'ont a priori aucun rapport. Exemple avec la sphère, que l'on retrouve forcément un peu partout, sous forme imparfaite : la goutte d'eau sur une surface hydrophobe ou en train de tomber, mais aussi une planète ou une étoile... Un autre exemple est celui de la spirale : spirale d'un escargot mais aussi d'une galaxie ; hélice d'ADN... Je n'arrive pas à tirer grand chose de ce genre de constats, si ce n'est la satisfaction de trouver des structures identiques dans une nature par essence très diversifiée et de me dire que je ne suis pas totalement paumé dans cet univers ; qu'il y a moyen de le déchiffrer.
Bref, toujours est-il que je trouve l'analogie étoiles-humains assez sympathique. Et si j'appliquais le même principe avec mon univers ? Et si Saint-Gilles était un groupe local d'étoiles dans l'amas stellaire Bruxelles ? Et si la Belgique était une galaxie dans l'amas galactique Europe ? Et si mes amis étaient des étoiles ?
À une époque, durant mes premières années d'université, je formais avec deux amis un triangle d'été : Altaïr, An-Nasr Al-tâ'ir ("le vautour qui vole") en arabe, c'était Hamilton II ; la supergéante Deneb du Cygne, Dhanab ad-Dajājah ("la queue de la poule"), c'était Fred Jr ; la proche Vega, An-Nasr Al-Wâqi' ("le vautour qui tombe"), c'était moi. D'après Alon Retter, les étoiles doubles symbolisent les couples ; les étoiles seules les célibataires. Là, ça se complique car depuis que nous nous connaissons, nous avons tous été en couple et tous été célibataires à un moment ou à un autre. Fred Jr est depuis un bon bout de temps l'une des deux étoiles d'un système double autour duquel gravitent deux petites planètes rocheuses. Hamilton II, c'est plus compliqué... Depuis dix ans environ, il est une des étoiles majeures d'une nébuleuse amicale et amoureuse. Quant à moi, c'est plus simple : j'ai été une étoile seule pendant des années, partie d'une étoile double pendant sept ans, puis de nouveau une étoile seule, autour de laquelle gravite de manière irrégulière, depuis bientôt six ans, une petite planète tellurique.
Il y a un peu plus de deux ans, c'était le début de ma "période française" : à cette époque, je me suis créé toute une série de nouveaux potes et je sortais beaucoup avec eux. J'étais presque le seul belge (encore une étoile seule !) au sein d'une nébuleuse de Français. Avant, je trainais beaucoup avec Vinge : lui, c'était à certains moments de la matière sombre à l'état brut, à d'autres moments une planète (il a un côté enfantin) gazeuse dans le style de Saturne, avec son cortège de satellites (des filles pas très sures d'elles qui voyaient en lui un gros nounours à choyer).
Actuellement, mon groupe d'amis proches ressemble plus aux Pléiades, un amas ouvert d'étoiles qui porte le nom donné aux sept filles de Pléioné dans la mythologie grecque. Cependant, nous ne sommes que cinq dans la "dream team". Alcyone/Eta Tauri, l'étoile la plus brillante de l'amas, une binaire à éclipses, c'est Léandra (les éclipses, ça rappelle un peu les dents de scie de mon amie). Atlas, c'est trop facile : c'est Walter (il veut porter le monde sur ses épaules, mais la charge est trop lourde). Électre, c'est Emily. Andrew, c'est Astérope. Pourquoi ? Parce que. Et moi, je ne sais pas... De toute façon, je suis Véga, le "vautour qui tombe".
Le vieux Lewis du badminton est un trou noir. C'est une évidence. C'était autrefois une étoile supermassive, une géante rouge mais pas trop, parfois double, autour de laquelle gravitaient deux planètes gazeuses : une très proche (son second fils, qu'il appelle encore aujourd'hui tout le temps) et une très éloignée (son premier fils, qu'il ne voit quasiment plus). Depuis quelques temps, l'étoile massive s'est effondrée sur elle-même et s'est mise à absorber la lumière des autres étoiles, plus petites, qui s'approchent trop près de son horizon.
Certaines amies sont des comètes : elles font une révolution pas loin du centre de mon système solaire puis s'en vont rejoindre la ceinture de Kuiper (comme Annabelle). Certaines comètes restent plus longtemps, mais finissent quand même par s'en aller faire leur vie ailleurs (comme Christelle). Et que dire des étoiles filantes ? Ces personnes qui arrivent dans mon atmosphère et qui s'y brûlent presque instantanément ? Si j'en ai connues, je les ai oubliées.
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Ce soir, je retrouve Emily... Plus besoin de dire où. Nous sommes avec nos ordinateurs portables. J'ai décidé de ne pas boire d'alcool aujourd'hui (je carbure au thé et au café), alors je suis beaucoup plus stressé, nerveux, énervé même, que d'habitude. Nous parlons un moment de Disneyland® Paris (nous allons essayer de fêter l'anniversaire de ma fille deux jours là-bas : j'ai déjà acheté mes médicaments contre le mal Disney) et de rugby : Emily est une grande fan de ce sport (c'est de famille, dit-elle). Je l'écoute religieusement vu que je n'y connais strictement rien. Elle parle de l'émotion qui se dégage d'un match lors des hymnes nationaux ou lors du fameux Haka des All Blacks, avant le jeu.
Emily me reconduit chez moi en voiture (comme d'habitude). Sur le chemin du parking, devant l'Union, je croise par hasard Lodewijk As Himslf, le compagnon d'une ancienne amie de Maïté (je ne sais pas si elles sont encore en contact). Lodo (c'est son diminutif attitré) me demande si je "sors de mon bureau". Je lui dis que non, pas du tout, que j'étais à la Maison du Peuple avec Emily. Il me répond : "C'est bien ce que je disais !" Il suit ma vie, rajoutera-t-il. On discute dix minutes, en grande partie d'idées qu'on a en commun : certaines utopies sur (ou plutôt contre) le travail... De musique aussi. Lodo a de très bons goûts musicaux. À une époque, si mes souvenirs sont bons, un de ses potes lui passait des disques durs entiers de musique indépendante. Des centaines et des centaines d'heures d'écoute... Je lui dis que je découvre de bons groupes grâce à lui, sur Facebook, et il me renvoie le compliment.
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