Cauchemar opalin. — Ce rêve : je suis chez mes parents. Ma tante frappe à la porte vitrée, entre dans la salle à manger et me parle : « Hamilton ? Accompagne-moi un instant, je dois absolument te montrer quelque chose ! » et elle me conduit jusque dans l'allée de graviers qui mène à son garage. Y sont éparpillés des morceaux de plastique noir, des bouts de métal et des lambeaux de tissu. Je remarque assez vite qu'il s'agit des restes du vieil ordinateur et des quelques vêtements sales qui se trouvaient dans ma valise bêtement perdue dans le train Bruxelles-Liège du 9 novembre (voir ICI). Je retrouve également des débris de ce fameux appareil photo argentique Leica reçu par « héritage interposé » (voir LÀ) : il y a dans les graviers trois objectifs brisés ainsi qu'un antique boîtier photographique complètement démantibulé. Étaient-ils eux aussi dans la valise ? Je ne sais pas ; je ne m'en rappelle pas et je trouve bizarre de ne pas m'en rappeler. Enfin, au milieu de l'allée, je découvre un petit carnet à mon nom, dans lequel se trouve l'adresse de la maison familiale.
Je comprends que c'est grâce à ce carnet que des fragments d'objets personnels se sont retrouvés ici : quelqu'un s'est emparé de ma valise et a détruit méticuleusement ce qui m'appartenait ; maintenant, il me fait savoir qu'il sait où j'habite. Une angoisse panique enveloppe soudainement tout mon être, avec cette certitude absolue : un inconnu me veut du mal, désire jouer avec moi... Ces quelques lambeaux de ma vie répandus sur le sol devant le garage ne sont qu'un préambule à quelque chose de beaucoup plus malsain. — Et je me réveille en sueur, bordel !
Gériatrie. — Donc ma vénérable et bien-aimée grand-mère est à l'hôpital depuis ce mercredi. Elle racontait à nouveau des salades et ma famille a préféré appeler l'ambulance. Les médecins lui ont fait passer un scanner et toutes sortes de tests mais ils n'ont strictement rien découvert : pas le moindre vaisseau sanguin obstrué, pas la moindre anomalie cérébrale... Diagnostic : sans doute un délire lié à une trop forte prise de Tradonal, en interaction avec d'autres médicaments. Mais Bobonne, dans son égarement, a voulu à tout prix sortir de son lit d'hôpital et a méchamment trébuché. Elle est donc toujours hospitalisée, avec les jambes gonflées, le menton tuméfié et les yeux au beurre noire. Je déteste la voir à ce point amoindrie, mais c'est la vie et il ne faut pas se voiler la face.
Ma maman me conduit auprès d'elle en début d'après-midi. Gaëlle est présente ; elle lui a fait un joli dessin. C'est sans doute la première fois que ma fille voit une vieille personne à ce point amochée, mais elle prend l'air de ne pas s'en rendre compte. Elle repart avec ma maman pour trouver un cadeau de Saint-Nicolas. Je reste une grosse heure en compagnie de ma grand-mère endormie et passe le temps en faisant ses mots croisés. Dans l'autre coin de la chambre double, se trouve la grand-mère sourde (et plus vieille encore) de mon ancien colocataire d'université : elle est assise dans son fauteuil et regarde droit devant elle, d'un air extrêmement sérieux et interrogatif. Une pensée : « Voilà ! Cette dame a presque exactement trois fois mon âge et elle a un air interrogatif... Elle pourrait avoir dix mille ans que ça ne changerait rien à l'affaire : elle serait toujours en train de s'interroger ! » — Ces gens n'en savent pas plus que moi ! De toute façon, comment pourraient-ils en savoir plus ? On traverse l'existence, on se pose plein de questions et puis on meurt. Il n'y a aucun sens à tout ce chaos luxuriant si ce n'est celui qu'on veut bien lui donner.
Ma grand-mère est réveillée. Avant de la quitter, je lui dis (en partie en wallon — et dans un sens affectueux, en référence à ses blessures) : « Ah là là, Bobonne, t'è-st-arindjî ! ». Elle me répond, avec le sourire, qu'elle espère que c'est bien la dernière fois qu'elle déraille. — Un jour, sans crier gare, je me suis réveillé et j'ai remarqué que ma grand-mère avait perdu presque tout son souffle.
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