samedi 29 décembre 2012

Chiny, premier jour

Dans le train vers Libramont (notre gare de correspondance), Léandra, Andrew et moi tentons plusieurs jeux de mots particulièrement pourris : « Ha, nous arrivons en gare de Ciney ! C'est bien ici qu'on peut aller à l'opéra ? À l'opéra de Ciney ? » ; « Vous imaginez ? On arriverait à Jemelle et on demanderait aux habitants où sont les tours... Les tours Jemelle, ha-ha ! » ; « Chiny est connue pour sa muraille : la Grande Muraille de Chiny ! » Ce petit jeu nous détend et nous permet surtout de mettre un tant soit peu en sourdine l'histoire de la lettre anonyme (lire en date d'hier).

Une bonne heure plus tard, nous arrivons en gare de Florenville par le train de 16h18. Le père de Poulain Perspicace nous accueille sur le quai, la clope au bec, couvert d'un chapeau : « Avez-vous fait bon voyage ? » Auparavant, nous explique-t-il, la motrice qui couvrait la liaison Libramont-Virton était une antique micheline de la SNCB, mais elle a été remplacée par la rame ultramoderne que nous venons d'emprunter. « Avez-vous aperçu l'ancien arrêt des Épioux perdu dans la forêt, à quelques kilomètres d'ici ? », nous demande-t-il ensuite... Non, nous l'avons loupé.

Dans le centre de la petite ville, en face de l'église, le papa nous montre fièrement son ancienne maison familiale (« Les générations futures auront pour mission de la racheter ! »), puis le propriétaire du gîte nous accueille et nous fait rapidement visiter les lieux. « Oui, je sais, ça sent le poisson pour l'instant », s'excuse-t-il. « Ce sont les précédents locataires qui en ont mangé à Noël et qui ont laissé traîner les restes dans la poubelle pendant des jours... J'ai aéré du mieux que je pouvais, mais ça sent toujours un peu ! »

En fin d'après-midi, la mère de Poulain Perspicace nous ramène une sangle oubliée dans leur voiture et en profite pour visiter les lieux : « Ha ! C'est donc à ça qu'il ressemble, leur gîte, aux Cailloutard ? », puis elle commente les liens familiaux qui existent entre les gens du coin. « Vous savez, ici, à Chiny, vous entendrez souvent parler des mêmes familles : Cailloutard, Quintin, Ribolin... Si vous en avez l'occasion, allez faire un tour au cimetière et regardez les noms sur les tombes. Vous risquez d'être surpris ! » — Curieuse remarque... Je me jure d'aller faire un tour dans ce cimetière un jour prochain.

Le soir tombe et Andrew propose que nous prenions l'apéro au bar de l'hôtel des Comtes de Chiny, au bord de la rivière. Nous dévalons à pied la route de l'embarcadère jusqu'à l'imposant bâtiment hôtelier. La salle du bar est composée de quelques tables. Dans un coin, des Flamands tapent la carte ; dans un autre, une télévision (heureusement muette) diffuse la rétrospective 2012 de 50mn Inside sur TF1. Un serveur bien habillé arrive et nous demande ce que nous désirons boire.

« Je vais prendre un Orval, répond Léandra. 
— Moi aussi, dis-je.
— Un Orval également, s'il vous plaît », lance Andrew.
Le serveur s'apprête à reprendre le chemin du bar mais je le retiens un instant :
« Pourrions-nous aussi avoir douze cubes de fromage ?
— Trois Orval et douze cubes de fromage ? demande-t-il en se figeant.
— Oui !
— Un instant. »

Il revient avec les trois Orval mais sans le fromage. Avant de repartir en silence vers le bar, il dépose sur la table une photographie jaunie, prise durant la nuit, d'un pont de pierre composé de plusieurs arches enjambant une rivière. « Curieux ! », constate Andrew en prenant la photographie dans les mains, « Elle semble être de la même facture que celle que j'ai reçue ce mercredi. Et il y a aussi un mot à l'arrière... » Il la retourne sur la table :
« Là où la couronne dorée
Surmonte les poissons d'argent,
Attendez en paix
Car bientôt viendra notre agent. »
« Peut-être s'agit-il d'un simple jeu de piste ? » propose Léandra, « Une sorte d'énigme créée par le syndicat d'initiative de Chiny pour favoriser le tourisme ? » Mais elle-même ne semble pas convaincue par son argumentation. Nous appelons à plusieurs reprises le serveur pour lui demander des explications, mais ce dernier feint de ne pas nous voir. Il finit par nous apporter l'addition sans dire un mot. C'est Andrew qui, le premier, remarquera le proverbe tout en bas de la note : « Qui s'occupe des affaires d'autrui s'expose à de graves ennuis. » Je me rends au bar et proteste auprès du serveur :
« Qu'est-ce donc que ça ? Une menace ?
— Oh non, Monsieur ! Ici, à Chiny, nous avons tout simplement la coutume de terminer nos additions par un proverbe du cru... Pour faire passer l'amertume de la bière en quelque sorte. »

Nous voilà bien avancés ! Léandra trouve cette affaire extrêmement amusante. Andrew ne dit rien. De mon côté, je suis énervé car je pense qu'un individu — voire un groupe organisé d'habitants du village ? — prend un malin plaisir à nous faire peur... Il faudra essayer coûte que coûte de tirer toute cette affaire au clair dans les jours à venir.

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