Dans le train, je
n'arrive pas à avancer sur l'écriture de mon article sur les accidents nucléaires, que j'ai envie de publier sur le Blog du Noctambule. J'aimerais reprendre de manière la plus compréhensible possible la liste des accidents nucléaires civils mais bloque tout le
temps sur la meilleure manière d'expliquer des termes spécifiques.
(A) Un discours pro-nucléaire : La radioactivité peut avoir des conséquences énormes sur votre vie [vidéo]
(B) Un discours anti-nucléaire : Dr Helen Caldicott Press Conference (11 mars 2011) [video]
Le soir, en cherchant des informations pour cet article, je tombe sur différents discours, certains "pro-nucléaires", d'autres "anti", d'autres encore plutôt "neutres". Je passe mon temps à les soumettre au crible de la critique des médias, un peu à l'instar de cet extrait de Lettres de Sibérie de Chris Marker. Je le fais plus pour moi que pour l'article que je veux publier.
Je note trois cas typiques : celui (A) d’une publicité réalisée par
un lobby pro-nucléaire (le Forum nucléaire belge), (B) du discours
d’une activiste anti-nucléaire australienne (Helen Caldicott) et (C)
d’un scientifique issu d’un organisme de recherche indépendant (Roland
Desbordes, président de la CRIIRAD)...
Cette
vidéo est extraite d’une campagne de propagande vraiment très bien
foutue signée par le Forum nucléaire (site de lobbying dont les membres –
AREVA, Electrabel, Westinghouse... – sont tous financièrement impliqués dans la
recherche ou l’énergie nucléaire). La campagne est bien faite car elle
donne l’impression d’être neutre et de laisser libre court à notre
raisonnement. C’est une argumentation classique du type antithèse-thèse
(la thèse, ce que l’on veut prouver, se retrouve toujours en dernier
lieu) du genre : vous êtes libre d’être contre le nucléaire parce que [contre-argument] mais avez-vous pensé à [argument] ? Dans ce cas-ci, les ficelles sont très grosses... Le raisonnement
contenu dans cette vidéo se résume à une phrase du genre : "le nucléaire, ça peut créer une
catastrophe comme Tchernobyl mais c’est aussi une technologie qui
sauve des vies". La comparaison est osée dans le sens où on ne parle pas
du tout de la même chose (la production d’électricité d’un côté ; la
production de radionucléides à usage médical de l’autre) et où, par
ailleurs, il suffit de quelques réacteurs nucléaires dans le Monde pour
satisfaire la demande médicale, contrairement au problème de la demande en électricité. Enfin, la forme de la voix off fait également partie de l'argumentation : elle est sûre d'elle, presque joyeuse, comme si elle s'adressait à des enfants.
(B) Un discours anti-nucléaire : Dr Helen Caldicott Press Conference (11 mars 2011) [video]
Là, j'ai trouvé l’exemple inverse : une campagne de
propagande anti-nucléaire. L’argumentation utilisée par Helen Caldicott, médecin
et militante anti-nucléaire australienne, est basée sur la peur : elle dit
par exemple dans cette vidéo que "[la catastrophe du] Japon est, en termes
de magnitude, bien pire que Tchernobyl" ou que "dans chaque piscine
de refroidissement [de la centrale de Fukushima], il y a plus de radiations que
toutes celles produites par un millier de bombes Hiroshima", ou encore que les gens
qui reçoivent une dose massive de radiations meurent comme un patient du SIDA, ou
enfin qu’il ne faut pas manger du tout d’aliments européens aujourd’hui car ces
derniers seraient encore en grande partie contaminés par le nuage de Tchernobyl.
Dans tous les cas, elle utilise des comparaisons monstrueuses (des "absolus
mémoriels") pour faire monter la terreur dans l'esprit des auditeurs et ainsi tenter de convaincre : elle
cite Tchernobyl, qui reste sans aucun doute encore aujourd’hui dans la mémoire collective
l’accident nucléaire civil le plus atroce de l’histoire de l’humanité ;
elle compare les radiations des piscines de refroidissement de la centrale de
Fukushima avec celles d’Hiroshima (encore un absolu ; en plus la
comparaison est farfelue : si c’est mille fois pire qu’Hiroshima, comment les
liquidateurs sur le site irradié font-ils pour survivre plus d’une seconde ?
Ou encore : qu’attend-on pour évacuer le Japon ?) ; elle utilise les
symptômes du SIDA (alors que ça n’a strictement rien à voir) pour frapper les
consciences, etc. Par ailleurs, son statut de médecin et son air docte lui donne un argument d'autorité supplémentaire.
(C) Un discours informatif, ni tout blanc, ni tout noir : Roland Desbordes, Les émissions radioactives de Fukushima [vidéo]
Voilà
ce que je considère comme un discours plus "neutre",
en tout cas un discours qui n’a rien à voir avec le lobbying des deux
premiers. Ici, le but
est d’informer, de manière rationnelle, et non de convaincre. Roland Desbordes est
président de la CRIIRAD
(Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la
Radioactivité), une association loi de 1901 (on dirait ASBL en Belgique)
indépendante qui, à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, a
notamment pour objectif d'informer la population française du niveau de
radioactivité dans l'Hexagone, en se basant sur des résultats récoltés
et analysés de manière indépendante de toute instance étatique. La
situation décrite par Desbordes paraît inquiétante (il y a des
particules d'iode 131 et de césium 137 qui font le tour du Monde) mais
ne verse pas dans le sensationnalisme ou le terreur.
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