Je lis des citations sur l'honnêteté et j'en trouve plein qui me
correspondent mais qui critiquent ouvertement ma façon d'être, du genre :
"La vie d'un honnête homme est quelque chose de très plat. Que lui
reste-t-il, puisqu'il s'est retranché le désir de plaire ? Il aime sa
femme, si l'on peut aimer une femme à qui l'on n'a pas à faire la cour"
(Jules Renard). C'est moi tout craché (sauf que je n'ai pas de "femme" pour le moment) et ce n'est certes pas très flatteur. Autre extrait, des Fleurs du Mal
cette fois-ci : "Maudit soit à jamais le rêveur inutile – Qui voulut le
premier, dans sa stupidité, – S’éprenant d’un problème insoluble et
stérile, – Aux choses de l’amour mêler l’honnêteté !". Baudelaire
écrivait vachement bien mais je ne suis jamais d'accord avec lui. En
fait, le vieux Lewis, lui, serait entièrement en phase avec ce genre de
discours (faut encore que je lui téléphone, tiens : ce sera chose faire
en début d'après-midi ; curieusement, il ne m'énerve pas, et il a vraiment l'air très seul)
: il a eu plein de femmes dans sa vie, a feint ses sentiments à moult
reprises et n'a été que très rarement honnête avec elles. Mais ça
fonctionne donc mieux comme ça apparemment : feindre que l'on a devant
soi un être d'ex-cep-tion, oui-Mademoiselle-vous-avez-un-joli-sourire,
pour avoir ses "faveurs".
Je lis également ce texte de Chamfort,
qui me correspond beaucoup plus (mais est-ce que ça doit me rassurer ?) :
"Une âme fière et honnête, qui a connu les passions fortes, les fuit,
les craint, dédaigne la galanterie ; comme l'âme qui a senti l'amitié,
dédaigne les liaisons communes et les petits intérêts". Ah ! Voilà qui
résume presque à la lettre ce que je pense (oui, je parle de moi tout le
temps, car je suis honnête et je suis donc très chiant). Dernière
citation (elle est de Chomsky) : "Le monde ne récompense pas l'honnêteté
et l'indépendance, il récompense l'obéissance et la servilité".
Je réfléchis beaucoup à ça et je me dis que l'idée que je me fais
de l'honnêteté doit être influencée à la fois par mon éducation (ma mère
est d'une honnêteté sans faille : je ne l'ai jamais vue mentir une
seule fois ; mon père est d'une franchise déconcertante) et par mes
lectures. Une certaine branche de la science-fiction exalte en effet l'honnêteté
foncière des individus et un certain idéal "chevaleresque" : il suffit de lire Dune pour s'en convaincre, roman dans lequel la famille du "héros" place la loyauté, la justice,
l'honnêteté et l'amitié au-dessus de toute autre valeur ; et où les
fremens, le peuple du désert, sont droits dans leurs principes jusqu'à
donner leur vie pour un lointain idéal. J'ai aussi beaucoup d'estime
pour des humanistes comme George Orwell ou Bertrand Russell, qui placent
l'honnêteté intellectuelle très haut dans leur système de valeur. À
méditer donc.
Au boulot, justement, vu que je fais de l'archivage et que
ça ne demande pas une concentration élevée, j'écoute ce colloque sur Orwell, Russell et Chomsky.
Les discussions volent très haut, mais pourquoi Jean Bricmont, dans le public, doit-il
toujours ramener sa fraise ? Il a l'air un peu confus. Peu importe. Je
me dis que je visionnerai un jour les autres vidéos sur Leibniz,
Wittgenstein, etc. sans être certain de pouvoir tout assimiler du
premier coup... Amusant : dans une intervention, Russell
est comparé à un chevalier (au sens moral/intellectuel) et les
concepts de probité, d'honnêteté et, surtout, de vérité
s'entremêlent souvent. Je me sens moins seul.
Aujourd'hui, je ne bouge
pas de chez moi et je ne bois pas d'alcool. Une pensée pour Léandra qui
accueille sa nouvelle colocataire, Zahra, sous la supervision d'Andrew, et qui
part à Rome demain (je pense aux autres, parfois, oui, oui...). Une
pensée aussi pour Emily, qui doit se reposer chez elle.
J'ai de plus en plus à dire chaque jour dans ce journal. Je crois que j'ai pris un rythme de croisière.
Je suis totalement crevé.
Je suis peut-être malade en fait. Les murs tournent et je
tremble. C'est certain : je suis malade.