mercredi 1 avril 1970

La journée dont vous êtes le héros #1.2.2.2

(Ô âme perdue ! Le début, c'est ici.)

Mon réveil sonne bien avant l'aube... Comme chaque matin depuis que je travaille, j'ai l'estomac noué et je ne déjeune pas. J'ai juste le temps de me brosser les dents, de me débarbouiller et d'enfiler en vitesse mes vêtements avant de prendre le chemin de la gare. Dehors, la météo s'est clairement rafraîchie. J'observe même les premières traces de gel nocturne. Le magnifique automne que nous avons eu depuis septembre m'avait presque fait oublier que l'été est déjà loin derrière nous... Cette journée de novembre sera une journée froide et – j'en fais le pari ! – elle sera aussi monotone que toutes les journées froides de novembre. Oui, mais si elle ne l'était pas ? Ou plutôt : et si je pouvais choisir qu'elle ne le soit pas ?

Sur le quai numéro 11 de la gare de Bruxelles-Midi, j'attends mon train vers Liège. Ce dernier finit par arriver avec un retard de sept minutes (c'est clairement dans la moyenne). Je décide de ne pas monter dans le wagon et de quitter le monde des quais, pour une raison que je n'arrive pas à expliquer sur le moment. Dans la gare, des navetteurs pressés courent dans tous les sens, s'énervent sur le retard de leur train, regardent leur montre. Une pensée s'imprime dans mon esprit : "Je ne fais pas partie de ce monde-là". J'ai cependant besoin de réfléchir à l'acte que je viens de poser. Je m'installe à l'Espace Café de la gare et commande un "Kilimandjaro". Pourquoi n'ai-je pas pris mon train ? Parce que j'ai décidé de manquer le travail aujourd'hui. Pire (ou mieux) : j'ai décidé de ne plus travailler du tout. Curieusement, je ne ressens aucun sentiment de culpabilité (aucun "surmoi en émoi" comme dirait ma collègue Wynka). Je ne les appellerai pas ni ne répondrai à leurs appels. Cette ligne de conduite clairement établie, je décide de monter dans le train international à destination de Chur, en Suisse. Voir comme destination sur un panneau d'affichage électronique "Basel/Chur, Switzerland" me fait beaucoup plus rêver qu'un bête "Liège/Maastricht"... 

Pas de contrôleur en vue... J'improviserai une explication quand j'en croiserai un... Le train, relativement peu rempli pour un train international, est un InterCity qui passe par une quinzaine de gares belges avant de rejoindre la Suisse via le Luxembourg et la France. Je m'installe confortablement dans un wagon de seconde classe, en face d'une vieille dame qui tricote (!) ce qui ressemble à un pull en laine. J'essaie de dormir mais je n'y arrive pas. Je suis trop excité par ce brusque changement dans mon train-train quotidien.
Un peu avant d'arriver en gare de Namur, deux contrôleurs passent dans le wagon pour un contrôle des billets. Je leur montre ma carte "Réseau" (un abonnement de train qui est valable partout en Belgique). Ils l'acceptent sans tiquer mais l'un d'eux m'informe que mon voyage est limité à Arlon. J'acquiesce sans broncher bien qu'il soit hors de question que je m'arrête à Arlon. Les heures passent... Un peu après Thionville, en Moselle, les deux contrôleurs se représentent dans le wagon :

– Monsieur, vous n'avez pas le droit d'être ici, à moins bien sûr d'avoir un titre de transport valide.
– Désolé, je n'en ai pas.
– Je vais vous en faire un mais il sera 20% plus cher que si vous l'aviez pris en gare. Jusqu'où allez-vous ?
– Je n'en ai pas la moindre idée. Jusqu'en Suisse, je suppose...
– Où en Suisse ? Bâle ? Zürich ? Sargans ? Chur ?
– Je n'en sais foutre rien ! Et puis, de toute façon, je n'ai pas de quoi payer !
Les contrôleurs, très aimables au demeurant, m'expliquent qu'ils vont alors être obligés de verbaliser, de me dresser une amende en bonne et due forme pour non-paiement et d'appeler la police française, qui viendra me débarquer au prochain arrêt en gare.

Je me lève et prends mes jambes à mon cou. Les deux contrôleurs se lancent à ma poursuite en me criant des phrases un rien surréalistes : "Monsieur, si vous ne vous arrêtez pas immédiatement, il sera de notre devoir de vous soumettre une amende de 74 euros et 94 centimes, sans compter le prix du billet dont vous devez toujours vous acquitter ! Monsieur, est-ce que vous avez entendu ? Arrêtez-vous pour l'amour du ciel ! Monsieur ?"

Je traverse en vitesse un wagon-restaurant. Une pensée fugace : "Bordel, il y avait un bar !". Plus loin, j'aperçois la locomotive de queue : un cul-de-sac ! (Ça devait bien finir par arriver, puisque t'es dans un train, idiot !). Je tente le tout pour le tout : je déclenche l'arrêt d'urgence. Détail amusant : il s'agit d'une manette qu'il faut tirer, comme dans les vieux trains... Ça me fait penser aux aventures de Tintin... Des freins crissent et le train s'immobilise rapidement, en plein milieu d'une forêt brumeuse... J'actionne l'ouverture d'urgence des portes et m'enfuis à travers les arbres. Derrière moi, les contrôleurs essaient toujours de me raisonner... Je les entends crier des histoires d'amendes pour immobilisation abusive du train... Je me cache derrière un arbre et attends. Le flot des injonctions s'arrête après un moment et j'entends enfin le train reprendre sa route...

Je m'assieds au pied de mon arbre et reprends mon souffle. Il faut que je fasse le point sur ma situation. Il est une heure de l'après-midi et je suis dans une forêt, quelque part en France, au sud de Thionville. Que faire maintenant ? Soudain, je me rends compte que je ne suis pas seul. Devant moi, dans la brume, j'aperçois quatre ombres qui m'observent. J'entends des voix féminines à l'accent totalement indescriptible...

– Un humain. Un homme !
– Il a dû tomber du train.
– Que fait-on de lui,
ô Orfhlaith ?
Taisez-vous ! Suivez-moi.

Les ombres se rapprochent et j'écarquille les yeux. Je peux enfin voir de qui il s'agit : quatre femmes élancées à la peau bleuâtre et à la silhouette extrêmement fine, entièrement nues. Elles sont chacune armées d'un arc et portent à l'épaule gauche un carquois rempli de flèches. Un détail encore plus farfelu : deux ailes diaphanes sont repliées dans leur dos. Qu'est-ce que c'est que ce délire ? Le tournage d'un film ? Mais non... Une des "créatures" s'approche encore un peu plus de moi. Elle porte un diadème doré. Elle est superbe : blonde, des courbes parfaites, de petits seins galbés, un visage d'ange... Les trois autres se mettent de côté et arment leur arc qu'elles braquent vers moi avec une facilité déconcertante. La dame au diadème me dit : "Suis-nous. Nous ne te ferons aucun mal."

Choix #1.2.2.2.1 : je prends (à nouveau) mes jambes à mon cou.
Choix #1.2.2.2.2
: je les suis.

La journée dont vous êtes le héros #1.2.2.1

(Ô âme perdue ! Le début, c'est ici.)

Mon réveil sonne bien avant l'aube... Comme chaque matin depuis que je travaille, j'ai l'estomac noué et je ne déjeune pas. J'ai juste le temps de me brosser les dents, de me débarbouiller et d'enfiler en vitesse mes vêtements avant de prendre le chemin de la gare. Dehors, la météo s'est clairement rafraîchie. J'observe même les premières traces de gel nocturne. Le magnifique automne que nous avons eu depuis septembre m'avait presque fait oublier que l'été est déjà loin derrière nous... Cette journée de novembre sera une journée froide et – j'en fais le pari ! – elle sera aussi monotone que toutes les journées froides de novembre. Oui, mais si elle ne l'était pas ? Ou plutôt : et si je pouvais choisir qu'elle ne le soit pas ?

Sur le quai numéro 11 de la gare de Bruxelles-Midi, j'attends mon train vers Liège. Ce dernier finit par arriver avec un retard de sept minutes (c'est clairement dans la moyenne). Je décide de ne pas monter dans le wagon et de quitter le monde des quais, pour une raison que je n'arrive pas à expliquer sur le moment. Dans la gare, des navetteurs pressés courent dans tous les sens, s'énervent sur le retard de leur train, regardent leur montre. Une pensée s'imprime dans mon esprit : "Je ne fais pas partie de ce monde-là". J'ai cependant besoin de réfléchir à l'acte que je viens de poser. Je m'installe à l'Espace Café de la gare et commande un "Kilimandjaro". Pourquoi n'ai-je pas pris mon train ? Parce que j'ai décidé de manquer le travail aujourd'hui. Pire (ou mieux) : j'ai décidé de ne plus travailler du tout. Curieusement, je ne ressens aucun sentiment de culpabilité (aucun "surmoi en émoi" comme dirait ma collègue Wynka). Je ne les appellerai pas ni ne répondrai à leurs appels. Cette ligne de conduite clairement établie, je décide de monter dans le train international à destination de Chur, en Suisse. Voir comme destination sur un panneau d'affichage électronique "Basel/Chur, Switzerland" me fait beaucoup plus rêver qu'un bête "Liège/Maastricht"... 

Pas de contrôleur en vue... J'improviserai une explication quand j'en croiserai un... Le train, relativement peu rempli pour un train international, est un InterCity qui passe par une quinzaine de gares belges avant de rejoindre la Suisse via le Luxembourg et la France. Je m'installe confortablement dans un wagon de seconde classe, en face d'une vieille dame qui tricote (!) ce qui ressemble à un pull en laine. J'essaie de dormir mais je n'y arrive pas. Je suis trop excité par ce brusque changement dans mon train-train quotidien.
Un peu avant d'arriver en gare de Namur, deux contrôleurs passent dans le wagon pour un contrôle des billets. Je leur montre ma carte "Réseau" (un abonnement de train qui est valable partout en Belgique). Ils l'acceptent sans tiquer mais l'un d'eux m'informe que mon voyage est limité à Arlon. J'acquiesce sans broncher bien qu'il soit hors de question que je m'arrête à Arlon. Les heures passent... Un peu après Thionville, en Moselle, les deux contrôleurs se représentent dans le wagon :

– Monsieur, vous n'avez pas le droit d'être ici, à moins bien sûr d'avoir un titre de transport valide.
– Désolé, je n'en ai pas.
– Je vais vous en faire un mais il sera 20% plus cher que si vous l'aviez pris en gare. Jusqu'où allez-vous ?
– Je n'en ai pas la moindre idée. Jusqu'en Suisse, je suppose...
– Où en Suisse ? Bâle ? Zürich ? Sargans ? Chur ?
– Je n'en sais foutre rien ! Et puis, de toute façon, je n'ai pas de quoi payer !
Les contrôleurs, très aimables au demeurant, m'expliquent qu'ils vont alors être obligés de verbaliser, de me dresser une amende en bonne et due forme pour non-paiement et d'appeler la police française, qui viendra me débarquer au prochain arrêt en gare... 

Je décide d'accepter le sort qui m'est réservé. J'ai joué et j'ai perdu. C'est la vie ! Que pourrais-je faire d'autre de toute façon ? Me mettre à courir et sauter du train, comme dans une aventure de Tintin ? Ha, la bonne blague !

À ce moment, la vieille dame, qui tricote depuis des heures devant moi sans dire un mot, s'interpose : "Messieurs les contrôleurs, je suis certain que nous n'aurons pas besoin de recourir à la police. Je descends à Ziegelbrücke et je propose de payer le voyage de ce jeune homme jusqu'à cet endroit." La dame sort de son porte-monnaie un billet de 200 euros, qu'elle tend à l'un des contrôleur, surpris tout autant que moi. Je la remercie et lui demande la raison de son geste. Elle me répond : "Je suis vieille et riche, plus que vous ne pouvez l'imaginer... Je suis très seule également. Descendez avec moi ce soir à Ziegelbrücke. Je vous logerai et vous me tiendrez compagnie."

Le reste du trajet se passe dans un long silence gêné. La vieille dame me fixe de temps en temps du regard avec un petit sourire espiègle, mais ne parle jamais. Arrivée à Ziegelbrücke, elle descend et je la suis hors du train.

Ziegelbrücke est un petit village paumé de la Suisse allemande dont la gare, moderne et pourvue de nombreux quais, semble disproportionnée en comparaison à la taille du bled. Devant la station, une limousine noire nous attend. Deux hommes en costume noir sont postés devant. L'un deux, sans doute le chauffeur, ouvre la porte avant à la vieille dame. Le second fait de même pour la porte arrière. La vieille dame me propose de monter à l'arrière.

Choix #1.2.2.1.1 : je monte dans la voiture.
Choix #1.2.2.1.2 : je prends mes jambes à mon cou.

La journée dont vous êtes le héros #1.2.1.2

(Ô âme perdue ! Le début, c'est ici.)

Mon réveil sonne bien avant l'aube... Comme chaque matin depuis que je travaille, j'ai l'estomac noué et je ne déjeune pas. J'ai juste le temps de me brosser les dents, de me débarbouiller et d'enfiler en vitesse mes vêtements avant de prendre le chemin de la gare. Dehors, la météo s'est clairement rafraîchie. J'observe même les premières traces de gel nocturne. Le magnifique automne que nous avons eu depuis septembre m'avait presque fait oublier que l'été est déjà loin derrière nous... Cette journée de novembre sera une journée froide et – j'en fais le pari ! – elle sera aussi monotone que toutes les journées froides de novembre. Oui, mais si elle ne l'était pas ? Ou plutôt : et si je pouvais choisir qu'elle ne le soit pas ?

Sur le quai numéro 11 de la gare de Bruxelles-Midi, j'attends mon train vers Liège. Ce dernier finit par arriver avec un retard de sept minutes (c'est clairement dans la moyenne). Je décide de ne pas monter dans le wagon et de quitter le monde des quais, pour une raison que je n'arrive pas à expliquer sur le moment. Dans la gare, des navetteurs pressés courent dans tous les sens, s'énervent sur le retard de leur train, regardent leur montre. Une pensée s'imprime dans mon esprit : "Je ne fais pas partie de ce monde-là". J'ai cependant besoin de réfléchir à l'acte que je viens de poser. Je m'installe à l'Espace Café de la gare et commande un "Kilimandjaro". Pourquoi n'ai-je pas pris mon train ? Parce que j'ai décidé de manquer le travail aujourd'hui. Pire (ou mieux) : j'ai décidé de ne plus travailler du tout. Curieusement, je ne ressens aucun sentiment de culpabilité (aucun "surmoi en émoi" comme dirait ma collègue Wynka). Je ne les appellerai pas ni ne répondrai à leurs appels. Cette ligne de conduite clairement établie, je décide de sortir de la gare. Oui, mais pour aller où ? 

Une idée : je suis à deux pas du Parvis de Saint-Gilles. Je vais déjeuner à la Maison du Peuple (un espace qui m'est très familier) pour faire le point sur la situation et décider de ce que je vais faire de ma journée... J'y aperçois quelques personnes solitaires qui lisent un journal ou travaillent sur leur PC en sirotant un café, un lait russe ou encore un chocolat chaud... Au bar, un seul serveur est présent : il s'agit de Térence, un des patrons. Il me reconnaît et me lance un "salut" laconique. En préparant mon déjeuner (café, croissant et jus d'oranges pressées), Térence échange quelques mots avec moi :

– On te voit souvent pour le moment...
– Oui, j'ai arrêté le badminton pour l'instant, alors je passe mes soirées ici. J'aime bien être dans un endroit où je me sens à l'aise.
– Et aujourd'hui, tu es en congé ?
– En fait, c'est un peu plus compliqué... Je suis censé travailler mais... euh... j'ai décidé de ne pas y aller.

Je lui explique toute l'histoire : mon refus de prendre le train ce matin, ma volonté de faire quelque chose d'autre de ma journée, de ma vie... À la fin de mon explication, Térence me dit posément : "Si je comprends bien, tu veux que quelque chose de totalement nouveau t'arrive. Et tout ce que tu trouves à faire, c'est de venir t'installer ici !"

Je réfléchis un instant et finis par lui répondre : "Je me suis dit que ce serait différent aujourd'hui." Alors Térence me sourit et me dit : "Mange tranquillement ton déjeuner puis viens me retrouver au bar. Je te montrerai quelque chose..."

Mon déjeuner terminé, je retourne auprès de Térence, qui me fait signe de le suivre. Il ouvre une des portes réservées au personnel, celle amenant au sous-sol... Nous descendons un escalier en colimaçon qui donne sur une gigantesque cave à vin. Des milliers de bouteilles sont rangées par terroirs et par millésimes. Dans un coin sont alignés des Pétrus et des Château d'Yquem.

– Cette cave, me lance Térence, s'étend bien au-delà des limites du café. Elle couvre la moitié du sous-sol du Parvis.
– C'est incroyable, dis-je... Mais je n'ai jamais vu aucun de ces vins proposés à la carte.
– C'est parce qu'ils ne le seront jamais. Ils ne sont proposés que lors de nos soirées spéciales.
– Vos "soirées spéciales" ?
– Suis-moi.

Nous quittons la cave à vin et parcourons un dédale de couloirs débouchant sur un grand hall composé d'une vingtaine de tables et donnant sur 11 portes : cinq à gauche, cinq à droite et une grande ouverture centrale. Les cinq portes de gauche, munies de plusieurs judas, comportent la mention "Couples exhibitionnistes". À droite, deux portes estampillées "SM", les autres étant apparemment des vestiaires ou des douches... Quant à l'ouverture centrale, elle donne sur une grande salle richement décorée meublée essentiellement d'une dizaine de lits à baldaquin.

– Tu sais tout ou presque, maintenant, me dit Térence. Chaque soir à partir de 20 heures, nous organisons des orgies débridées ici-même. Il y en a pour tous les goûts. Certains se contentent de regarder, certains vont beaucoup plus loin, évidemment.
– C'est... assez... in... euh... incroyable, dis-je, totalement décontenancé.
– Si je te montre tout cela, c'est parce que je considère que tu peux y participer. Aucune obligation, évidemment, mais si jamais tu es intéressé, rends-toi au bar et commande un "café toscan". C'est le mot de passe pour accéder au sous-sol. Tous les serveurs le connaissent.

* * *

Vers 20 heures, je retourne à la Maison du Peuple de Saint-Gilles. Emily est à la table du fond avec son PC portable, comme souvent. Elle travaille sans doute à l'une des formations qu'elle doit donner seule, en décembre. Elle est concentrée sur son travail et ne me voit pas. Je passe avant tout par le bar et commande...

Choix #1.2.1.2.1 : ... un Orval.
Choix #1.2.1.2.2 : ... un café toscan.

La journée dont vous êtes le héros #1.2.1.1

(Ô âme perdue ! Le début, c'est ici.)

Mon réveil sonne bien avant l'aube... Comme chaque matin depuis que je travaille, j'ai l'estomac noué et je ne déjeune pas. J'ai juste le temps de me brosser les dents, de me débarbouiller et d'enfiler en vitesse mes vêtements avant de prendre le chemin de la gare. Dehors, la météo s'est clairement rafraîchie. J'observe même les premières traces de gel nocturne. Le magnifique automne que nous avons eu depuis septembre m'avait presque fait oublier que l'été est déjà loin derrière nous... Cette journée de novembre sera une journée froide et – j'en fais le pari ! – elle sera aussi monotone que toutes les journées froides de novembre. Oui, mais si elle ne l'était pas ? Ou plutôt : et si je pouvais choisir qu'elle ne le soit pas ?

Sur le quai numéro 11 de la gare de Bruxelles-Midi, j'attends mon train vers Liège. Ce dernier finit par arriver avec un retard de sept minutes (c'est clairement dans la moyenne). Je décide de ne pas monter dans le wagon et de quitter le monde des quais, pour une raison que je n'arrive pas à expliquer sur le moment. Dans la gare, des navetteurs pressés courent dans tous les sens, s'énervent sur le retard de leur train, regardent leur montre. Une pensée s'imprime dans mon esprit : "Je ne fais pas partie de ce monde-là". J'ai cependant besoin de réfléchir à l'acte que je viens de poser. Je m'installe à l'Espace Café de la gare et commande un "Kilimandjaro". Pourquoi n'ai-je pas pris mon train ? Parce que j'ai décidé de manquer le travail aujourd'hui. Pire (ou mieux) : j'ai décidé de ne plus travailler du tout. Curieusement, je ne ressens aucun sentiment de culpabilité (aucun "surmoi en émoi" comme dirait ma collègue Wynka). Je ne les appellerai pas ni ne répondrai à leurs appels. Cette ligne de conduite clairement établie, je décide de sortir de la gare. Oui, mais pour aller où ? 

Une idée : je suis à deux pas du Parvis de Saint-Gilles. Je vais déjeuner à la Maison du Peuple (un espace qui m'est très familier) pour faire le point sur la situation et décider de ce que je vais faire de ma journée... J'y aperçois quelques personnes solitaires qui lisent un journal ou travaillent sur leur PC en sirotant un café, un lait russe ou encore un chocolat chaud... Au bar, un seul serveur est présent : il s'agit de Térence, un des patrons. Il me reconnaît et me lance un "salut" laconique. En préparant mon déjeuner (café, croissant et jus d'oranges pressées), Térence échange quelques mots avec moi :

– On te voit souvent pour le moment...
– Oui, j'ai arrêté le badminton pour l'instant, alors je passe mes soirées ici. J'aime bien être dans un endroit où je me sens à l'aise.
– Et aujourd'hui, tu es en congé ?
– En fait, c'est un peu plus compliqué... Je suis censé travailler mais... euh... j'ai décidé de ne pas y aller.

Je lui explique toute l'histoire : mon refus de prendre le train ce matin, ma volonté de faire quelque chose d'autre de ma journée, de ma vie... À la fin de mon explication, Térence me dit posément : "Si je comprends bien, tu veux que quelque chose de totalement nouveau t'arrive. Et tout ce que tu trouves à faire, c'est de venir t'installer ici !"

Je réfléchis un instant et finis par lui répondre : "Tu as raison. Je ferais bien de trouver autre chose à faire de ma journée..." Venir à la Maison du Peuple était de fait une très mauvaise idée car c'est le symbole de ma vie qui fait du surplace. Déjà rien que le nom de ce café est éloquent : "Maison du Peuple". Le petit Hamilton cherche désespérément une maison pour l'accueillir, sauf qu'il s'est trompé d'endroit. Je ne touche pas au déjeuner qu'il vient de me servir. Térence approuve sans rien dire et ne me le facture pas. Il me fait un petit signe de la main en guise d'au revoir.

De nouveau dehors, je sais enfin ce qu'il me faut pour réfléchir calmement à mon nouveau départ : un retour à la nature ! Exprimée de cette manière, je me rends bien compte que l'idée est un peu nigaude, mais c'est néanmoins ce dont j'ai réellement envie. Et le meilleur endroit de la capitale pour se ressourcer, tous les Bruxellois le connaissent : c'est la forêt de Soignes, à la lisière de la ville. Je repasse rapidement par mon appartement afin de prendre une bouteille d'eau et me préparer des tartines pour le dîner, que je place dans un sac à dos. Je sors ensuite mon vieux vélo de ma cave et me mets à rouler en direction de la forêt.

Midi approche. Après avoir tourné quelques heures dans les bois, sans destination précise, je m'arrête à une table afin de manger. Durant mon repas solitaire, des coups de feu très proches retentissent... Des chasseurs, ici, à cette période de l'année ? Un peu plus tard, j'entends de nouveaux coups de feu suivis d'un hennissement de cheval et d'un cri aigu.

Choix #1.2.1.1.1 : j'enfourche mon vélo et je fuis à tout berzingue.
Choix #1.2.1.1.2 : je me précipite vers l'endroit présumé de l'action.

La journée dont vous êtes le héros #1.1.2.2

(Ô âme perdue ! Le début, c'est ici.)

Mon réveil sonne bien avant l'aube... Comme chaque matin depuis que je travaille, j'ai l'estomac noué et je ne déjeune pas. J'ai juste le temps de me brosser les dents, de me débarbouiller et d'enfiler en vitesse mes vêtements avant de prendre le chemin de la gare. Dehors, la météo s'est clairement rafraîchie. J'observe même les premières traces de gel nocturne. Le magnifique automne que nous avons eu depuis septembre m'avait presque fait oublier que l'été est déjà loin derrière nous... Cette journée de novembre sera une journée froide et – j'en fais le pari ! – elle sera aussi monotone que toutes les journées froides de novembre. Oui, mais si elle ne l'était pas ? Ou plutôt : et si je pouvais choisir qu'elle ne le soit pas ? 

Sur le quai numéro 11 de la gare de Bruxelles-Midi, j'attends mon train vers Liège. Ce dernier finit par arriver avec un retard de sept minutes (c'est clairement dans la moyenne). Dans le wagon, pour une raison que j'ignore, je réfléchis aux actes que nous posons dans la vie. Et aussi à la question du choix. Le libre arbitre existe-t-il vraiment ? un vieux débat... Pour le moment, j'ai plutôt tendance à penser que le libre arbitre n'est qu'une chimère ; que nous sommes déterminés par des forces qui nous dépassent totalement. Je ne suis pas responsable des battements de mon cœur ; ils peuvent s'arrêter à tout moment ; où se situe donc le libre arbitre au milieu de ces contraintes purement naturelles, physiques ?

D'un autre côté, je me souviens également sans raison d'une phrase de mon chef, qu'il m'a lancée il y a plusieurs années, alors qu'il venait d'être nommé chef justement (le choix lui a été plus ou moins imposé) : "On n'a pas toujours le choix dans la vie ! On ne fait pas toujours ce que l'on veut !". Je lui avais répondu quelque chose du genre : "Si, justement ! On a toujours le choix." Par exemple, j'ai le choix de me rendre à mon travail ou de ne pas m'y rendre. Rien ne me lie réellement à quelque chose, si ce n'est une loi, une morale, une obligation familiale acceptée comme telle ou bien encore une contrainte financière... Si je veux les refuser, avec toutes les conséquences que ce refus comporte, je peux toujours le faire ! Dans le train me conduisant au boulot, une pensée s'imprime alors dans mon esprit : "Et si je n'avais pas pris le train aujourd'hui ? Et si j'avais fait tout autre chose de ma journée ?". Aurais-je posé un acte libre ? Peut-être mais je ne l'ai pas fait ! Et si je ne l'ai pas fait, c'est que je n'aurais pas pu le faire, déterminé que je suis par des forces qui me dépassent... Fatalisme, fatalisme !

À la pause-café de 9h30, à mon travail, je me mets à pleurer à chaudes larmes, sans raison apparente, et je m'enfuis en courant. Je dévale les marches deux par deux, traverse le bâtiment communal noir de monde en me cachant les yeux du mieux que je peux et sors prendre une bouffée d'air frais sur les quais bétonnés du bord de Meuse. Que m'arrive-t-il ? Me revient soudain en mémoire une partie du discours un rien moraliste que Mary m'a tenu il y a une dizaine de jours : "Tu n'es pas heureux en ce moment, Hamilton. Tu dis que ça va, mais en fait, ça ne va pas du tout ! Il est encore temps de changer, tu sais... Dans dix ans, ce sera beaucoup plus difficile !" Discours auquel j'avais répondu par un haussement d'épaules désabusé.

Je ne suis pas heureux, c'est vrai. Si je me suis mis à pleurer au boulot, c'est parce que je fais une dépression nerveuse. Et si je me suis enfui, c'est parce que je n'en pouvais plus de rester là, à siroter mes cafés comme si de rien n'était... Je marche un peu le long du quai, regarde le fleuve et les vieilles usines métallurgiques au loin. Je trouve que ce paysage industriel en déliquescence ne manque pas de charme, curieusement. C'est mon côté romantique-qui-aime-les-ruines qui veut ça. Après environ une demi-heure de flânerie, je me dis qu'il faudrait que je retourne au boulot, que j'aille m'excuser auprès de mes collègues et que j'explique un tant soit peu mon comportement... Oh et puis non ! Tout compte fait, je continue de flâner.


Je m'éloigne de plus en plus... Je longe la Meuse en direction de l'Ouest. Si je marche encore pendant quelques heures, j'arriverai à Huy, voire à Namur. Je pose un pied devant l'autre, sans réfléchir. En fin de matinée, mon téléphone sonne : il s'agit de mon boulot, forcément. Je ne décroche pas. Mieux : je lance mon téléphone portable dans la Meuse. Fini d'être joignable à tout bout de champ, par mon travail, par mes amis, par Lewis... Il commence à pleuvoir. Cette pluie salvatrice me fait un bien fou. J'enlève mon manteau et mon pull, qui s'en vont rejoindre mon téléphone dans le fleuve. J'enlève mon tee-shirt et l'accroche à ma taille. Je cours torse nu à travers les gouttes d'eau. Quelques automobilistes klaxonnent mais je m'en contrebalance.

En fin de matinée, j'arrive à hauteur de la centrale nucléaire de Tihange, aux abords de la ville de Huy.

Choix #1.1.2.2.1 : je m'approche de la centrale.
Choix #1.1.2.2.2 : je continue ma route.

La journée dont vous êtes le héros #1.1.2.1

(Ô âme perdue ! Le début, c'est ici.)

Mon réveil sonne bien avant l'aube... Comme chaque matin depuis que je travaille, j'ai l'estomac noué et je ne déjeune pas. J'ai juste le temps de me brosser les dents, de me débarbouiller et d'enfiler en vitesse mes vêtements avant de prendre le chemin de la gare. Dehors, la météo s'est clairement rafraîchie. J'observe même les premières traces de gel nocturne. Le magnifique automne que nous avons eu depuis septembre m'avait presque fait oublier que l'été est déjà loin derrière nous... Cette journée de novembre sera une journée froide et – j'en fais le pari ! – elle sera aussi monotone que toutes les journées froides de novembre. Oui, mais si elle ne l'était pas ? Ou plutôt : et si je pouvais choisir qu'elle ne le soit pas ? 

Sur le quai numéro 11 de la gare de Bruxelles-Midi, j'attends mon train vers Liège. Ce dernier finit par arriver avec un retard de sept minutes (c'est clairement dans la moyenne). Dans le wagon, pour une raison que j'ignore, je réfléchis aux actes que nous posons dans la vie. Et aussi à la question du choix. Le libre arbitre existe-t-il vraiment ? un vieux débat... Pour le moment, j'ai plutôt tendance à penser que le libre arbitre n'est qu'une chimère ; que nous sommes déterminés par des forces qui nous dépassent totalement. Je ne suis pas responsable des battements de mon cœur ; ils peuvent s'arrêter à tout moment ; où se situe donc le libre arbitre au milieu de ces contraintes purement naturelles, physiques ?

D'un autre côté, je me souviens également sans raison d'une phrase de mon chef, qu'il m'a lancée il y a plusieurs années, alors qu'il venait d'être nommé chef justement (le choix lui a été plus ou moins imposé) : "On n'a pas toujours le choix dans la vie ! On ne fait pas toujours ce que l'on veut !". Je lui avais répondu quelque chose du genre : "Si, justement ! On a toujours le choix." Par exemple, j'ai le choix de me rendre à mon travail ou de ne pas m'y rendre. Rien ne me lie réellement à quelque chose, si ce n'est une loi, une morale, une obligation familiale acceptée comme telle ou bien encore une contrainte financière... Si je veux les refuser, avec toutes les conséquences que ce refus comporte, je peux toujours le faire ! Dans le train me conduisant au boulot, une pensée s'imprime alors dans mon esprit : "Et si je n'avais pas pris le train aujourd'hui ? Et si j'avais fait tout autre chose de ma journée ?". Aurais-je posé un acte libre ? Peut-être mais je ne l'ai pas fait ! Et si je ne l'ai pas fait, c'est que je n'aurais pas pu le faire, déterminé que je suis par des forces qui me dépassent... Fatalisme, fatalisme !

À la pause-café de 9h30, à mon travail, je me mets à pleurer à chaudes larmes, sans raison apparente, et je m'enfuis en courant. Je dévale les marches deux par deux, traverse le bâtiment communal noir de monde en me cachant les yeux du mieux que je peux et sors prendre une bouffée d'air frais sur les quais bétonnés du bord de Meuse. Que m'arrive-t-il ? Me revient soudain en mémoire une partie du discours un rien moraliste que Mary m'a tenu il y a une dizaine de jours : "Tu n'es pas heureux en ce moment, Hamilton. Tu dis que ça va, mais en fait, ça ne va pas du tout ! Il est encore temps de changer, tu sais... Dans dix ans, ce sera beaucoup plus difficile !" Discours auquel j'avais répondu par un haussement d'épaules désabusé.

Je ne suis pas heureux, c'est vrai. Si je me suis mis à pleurer au boulot, c'est parce que je fais une dépression nerveuse. Et si je me suis enfui, c'est parce que je n'en pouvais plus de rester là, à siroter mes cafés comme si de rien n'était... Je marche un peu le long du quai, regarde le fleuve et les vieilles usines métallurgiques au loin. Je trouve que ce paysage industriel en déliquescence ne manque pas de charme, curieusement. C'est mon côté romantique-qui-aime-les-ruines qui veut ça. Après environ une demi-heure de flânerie, je me dis qu'il faudrait que je retourne au boulot, que j'aille m'excuser auprès de mes collègues et que j'explique un tant soit peu mon comportement... Je retourne donc au boulot.


Alors que je remonte les escaliers, Sylvette me croise et me lance un petit "Ça va ?" interloqué... J'arrive dans le bureau de Lodewijk, mon chef, qui ne me laisse même pas le temps de parler : "Je viens d'en discuter avec Rolande. Tu as vraiment l'air bouleversé... Apparemment, tu traverses une mauvaise passe, ça arrive à tout le monde... Si tu veux en parler, pas de problème ! Mais en tout cas, pour aujourd'hui, rentre chez toi, prends quelques jours pour te reposer et reviens-nous en pleine forme, hein ! On ne te reconnaissais plus du tout tout à l'heure...". Je suis gêné, je bafouille quelques mots de remerciement et je suis les conseils de mon chef. Je quitte mon travail, reprends le bus, happe le train vers Bruxelles, rentre chez moi et m'affale dans mon lit pour le restant de l'après-midi.

Aux alentours de 20h30, mon téléphone me réveille. C'est Léandra... Elle veut savoir si je fais quelque chose ce soir car elle me proposerait bien de venir boire un verre chez elle.

Choix #1.1.2.1.1 : j'accepte l'invitation.
Choix #1.1.2.1.2 : je décline l'invitation
.

La journée dont vous êtes le héros #1.1.1.2

(Ô âme perdue ! Le début, c'est ici.)

Mon réveil sonne bien avant l'aube... Comme chaque matin depuis que je travaille, j'ai l'estomac noué et je ne déjeune pas. J'ai juste le temps de me brosser les dents, de me débarbouiller et d'enfiler en vitesse mes vêtements avant de prendre le chemin de la gare. Dehors, la météo s'est clairement rafraîchie. J'observe même les premières traces de gel nocturne. Le magnifique automne que nous avons eu depuis septembre m'avait presque fait oublier que l'été est déjà loin derrière nous... Cette journée de novembre sera une journée froide et – j'en fais le pari ! – elle sera aussi monotone que toutes les journées froides de novembre. Oui, mais si elle ne l'était pas ? Ou plutôt : et si je pouvais choisir qu'elle ne le soit pas ? 

Sur le quai numéro 11 de la gare de Bruxelles-Midi, j'attends mon train vers Liège. Ce dernier finit par arriver avec un retard de sept minutes (c'est clairement dans la moyenne). Dans le wagon, pour une raison que j'ignore, je réfléchis aux actes que nous posons dans la vie. Et aussi à la question du choix. Le libre arbitre existe-t-il vraiment ? un vieux débat... Pour le moment, j'ai plutôt tendance à penser que le libre arbitre n'est qu'une chimère ; que nous sommes déterminés par des forces qui nous dépassent totalement. Je ne suis pas responsable des battements de mon cœur ; ils peuvent s'arrêter à tout moment ; où se situe donc le libre arbitre au milieu de ces contraintes purement naturelles, physiques ?

D'un autre côté, je me souviens également sans raison d'une phrase de mon chef, qu'il m'a lancée il y a plusieurs années, alors qu'il venait d'être nommé chef justement (le choix lui a été plus ou moins imposé) : "On n'a pas toujours le choix dans la vie ! On ne fait pas toujours ce que l'on veut !". Je lui avais répondu quelque chose du genre : "Si, justement ! On a toujours le choix." Par exemple, j'ai le choix de me rendre à mon travail ou de ne pas m'y rendre. Rien ne me lie réellement à quelque chose, si ce n'est une loi, une morale, une obligation familiale acceptée comme telle ou bien encore une contrainte financière... Si je veux les refuser, avec toutes les conséquences que ce refus comporte, je peux toujours le faire ! Dans le train me conduisant au boulot, une pensée s'imprime alors dans mon esprit : "Et si je n'avais pas pris le train aujourd'hui ? Et si j'avais fait tout autre chose de ma journée ?". Aurais-je posé un acte libre ? Peut-être mais je ne l'ai pas fait ! Et si je ne l'ai pas fait, c'est que je n'aurais pas pu le faire, déterminé que je suis par des forces qui me dépassent... Fatalisme, fatalisme !

À la pause-café de 9h30, à mon travail, je bois mes deux cafés habituels. Aujourd'hui, avec l'augmentation des effectifs du personnel, nous sommes au moins six, parfois sept, à consommer ce doux breuvage noir et revigorant. De ce fait, un seul percolateur ne suffit plus à ma consommation personnelle matinale (il me faut au grand minimum quatre tasses) et je suis obligé de lancer une seconde tournée de café directement après la pause. Misère !

Sur le temps de midi, je me rends dans le centre-ville pour acheter une ciabatta chez Pietro le Sicilien et du filet américain à la boucherie Renmans. Comme à chaque fois que je fais ce trajet, je marche le long du quai, en bord de Meuse. Comme d'habitude, je jette un œil aux vieilles usines métallurgiques au loin. Ce paysage industriel en déliquescence ne manque pas de charme, curieusement. 

Durant le repas de midi, ma collègue Charlotte explique qu'elle va devoir se faire opérer prochainement... de la vésicule biliaire, elle aussi ! Elle parle de son chirurgien, qui a l'air aussi fou que le mien : durant la dernière consultation, il a tracé maladroitement au bic sur une petite feuille blanche un losange avec un point en son centre, puis a lancé à Charlotte : "C'est vous ! Vous vous reconnaissez ?". Commentaire de Charlotte : "J'espère qu'il opère mieux qu'il ne dessine !".

Le soir, de retour à Bruxelles, je décide de me rendre à un atelier "Jeux de société", pour la première fois... C'est ma meilleure amie Léandra qui m'a conseillé de participer à ce genre d'activités : "Vu que tu en as un peu marre du badminton, ça te changerait d'air ! Et tu rencontrerais de nouvelles personnes...". Elle a raison, Léandra. Alors je vais à l'une des soirées organisées par un magasin de jeux de société bruxellois qu'elle m'avait renseigné. Aujourd'hui, pas besoin de s'inscrire au préalable (ça tombe assez bien). Le thème du jour : les jeux d'équipe comme "Time's Up" ou "Cranium".

J'arrive vers 20 heures, seul. La salle de jeu est constituée d'un petit bar et d'une dizaine de tables, dont certaines sont déjà occupées par des joueurs... Je n'aime pas les environnements nouveaux et je suis assez mal à l'aise. Je m'installe au bar, je commande une bière et j'essaie d'avoir l'air décontracté, sans y arriver... Mon téléphone sonne. C'est Léandra ! Elle veut savoir si je fais quelque chose ce soir car elle me proposerait bien de venir boire un verre chez elle. Je lui explique rapidement où je suis : elle comprend que je ne peux la rejoindre et me souhaite "Bonne merde !" (toujours le mot pour rire, Léandra). Un peu plus tard, alors que je suis revenu à ma posture contemplative, accoudé au bar, quelqu'un derrière moi me tape sur l'épaule... Je me retourne. Une petite brune souriante me lance :

– Salut ! Tu comptes jouer un jour ou simplement regarder ?
– Euh... Jouer, ça me dirait bien. Faut juste que je m'incruste quelque part.
– Ça te dit de faire équipe avec moi ?

La journée dont vous êtes le héros #1.1.1.1

(Ô âme perdue ! Le début, c'est ici.)

Mon réveil sonne bien avant l'aube... Comme chaque matin depuis que je travaille, j'ai l'estomac noué et je ne déjeune pas. J'ai juste le temps de me brosser les dents, de me débarbouiller et d'enfiler en vitesse mes vêtements avant de prendre le chemin de la gare. Dehors, la météo s'est clairement rafraîchie. J'observe même les premières traces de gel nocturne. Le magnifique automne que nous avons eu depuis septembre m'avait presque fait oublier que l'été est déjà loin derrière nous... Cette journée de novembre sera une journée froide et – j'en fais le pari ! – elle sera aussi monotone que toutes les journées froides de novembre. Oui, mais si elle ne l'était pas ? Ou plutôt : et si je pouvais choisir qu'elle ne le soit pas ? 

Sur le quai numéro 11 de la gare de Bruxelles-Midi, j'attends mon train vers Liège. Ce dernier finit par arriver avec un retard de sept minutes (c'est clairement dans la moyenne). Dans le wagon, pour une raison que j'ignore, je réfléchis aux actes que nous posons dans la vie. Et aussi à la question du choix. Le libre arbitre existe-t-il vraiment ? un vieux débat... Pour le moment, j'ai plutôt tendance à penser que le libre arbitre n'est qu'une chimère ; que nous sommes déterminés par des forces qui nous dépassent totalement. Je ne suis pas responsable des battements de mon cœur ; ils peuvent s'arrêter à tout moment ; où se situe donc le libre arbitre au milieu de ces contraintes purement naturelles, physiques ?

D'un autre côté, je me souviens également sans raison d'une phrase de mon chef, qu'il m'a lancée il y a plusieurs années, alors qu'il venait d'être nommé chef justement (le choix lui a été plus ou moins imposé) : "On n'a pas toujours le choix dans la vie ! On ne fait pas toujours ce que l'on veut !". Je lui avais répondu quelque chose du genre : "Si, justement ! On a toujours le choix." Par exemple, j'ai le choix de me rendre à mon travail ou de ne pas m'y rendre. Rien ne me lie réellement à quelque chose, si ce n'est une loi, une morale, une obligation familiale acceptée comme telle ou bien encore une contrainte financière... Si je veux les refuser, avec toutes les conséquences que ce refus comporte, je peux toujours le faire ! Dans le train me conduisant au boulot, une pensée s'imprime alors dans mon esprit : "Et si je n'avais pas pris le train aujourd'hui ? Et si j'avais fait tout autre chose de ma journée ?". Aurais-je posé un acte libre ? Peut-être mais je ne l'ai pas fait ! Et si je ne l'ai pas fait, c'est que je n'aurais pas pu le faire, déterminé que je suis par des forces qui me dépassent... Fatalisme, fatalisme !

À la pause-café de 9h30, à mon travail, je bois mes deux cafés habituels. Aujourd'hui, avec l'augmentation des effectifs du personnel, nous sommes au moins six, parfois sept, à consommer ce doux breuvage noir et revigorant. De ce fait, un seul percolateur ne suffit plus à ma consommation personnelle matinale (il me faut au grand minimum quatre tasses) et je suis obligé de lancer une seconde tournée de café directement après la pause. Misère !

Sur le temps de midi, je me rends dans le centre-ville pour acheter une ciabatta chez Pietro le Sicilien et du filet américain à la boucherie Renmans. Comme à chaque fois que je fais ce trajet, je marche le long du quai, en bord de Meuse. Comme d'habitude, je jette un œil aux vieilles usines métallurgiques au loin. Ce paysage industriel en déliquescence ne manque pas de charme, curieusement. 

Durant le repas de midi, ma collègue Charlotte explique qu'elle va devoir se faire opérer prochainement... de la vésicule biliaire, elle aussi ! Elle parle de son chirurgien, qui a l'air aussi fou que le mien : durant la dernière consultation, il a tracé maladroitement au bic sur une petite feuille blanche un losange avec un point en son centre, puis a lancé à Charlotte : "C'est vous ! Vous vous reconnaissez ?". Commentaire de Charlotte : "J'espère qu'il opère mieux qu'il ne dessine !".

Le soir, de retour à Bruxelles, je me rends à la Maison du Peuple de Saint-Gilles, comme d'habitude. Emily est à la table du fond avec son PC portable, comme souvent. Elle travaille à nouveau sur une des formations qu'elle doit donner seule, en décembre. Au bar, ils n'ont plus d'Orval, alors la serveuse (celle que j'appelle Gwen) me sert directement une Chimay blanche. Rien ne change, c'est un peu triste, mais c'est la vie... Durant la soirée, ma serveuse préférée (celle que j'appelle Clémentine) vient débarrasser notre table et nous pose sa question fétiche :

– Vous êtes frère et
sœur, en fait ?
– Euh... Non. Pourquoi cette question ?
– Parce que vous êtes très souvent là, tous les deux...
– Ha ben non, on n'est pas frère et sœur... On ne se ressemble pas vraiment, d'ailleurs, je pense...
– Vous sortez ensemble alors ?
– Euh... Non plus.
Clémentine nous laisse et Emily me lance :
– Elle nous a refait le même coup qu'avec toi et Andrew !
– Yep, sauf que pour Andrew et moi, elle n'a pas osé demander si on sortait ensemble.
– C'est bizarre qu'on ne puisse pas être à deux à une table sans susciter ce genre de questionnement...

Choix #1.1.1.1.1 : "En effet, c'est bizarre."
Choix #1.1.1.1.2 : "Non, c'est logique !"